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par Elsa - le 16/12/2014
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par Elsa - le 16/12/2014

Love in vain, la critique

La courte vie de Robert Johnson, sulfureux guitariste prodige et premier membre du 'club des 27' n'en finit pas d'inspirer les artistes, musiciens bien sûr, mais pas que. Il est en effet protagoniste, ou clin d'oeil, dans de nombreuses bandes dessinées. A la fois entourée de mystères et de légendes et représentative d'une époque particulière de l'Histoire des noirs aux Etats-Unis, la vie de l'artiste est à l'honneur dans le déjà très remarqué Love in vain, de Mezzo et J.-M. Dupont.

Robert Johnson 1911-1938

Robert Johnson est né en 1911, et mort en 1938. Entre les deux, il aura eu le temps de graver son talent sur quelques disques, et de devenir celui qui aurait conclu un pacte avec le Diable pour jouer avec tant de talent. Il aura aussi connu de nombreuses femmes, et voyagé à travers l'Amérique, en pleine ségrégation. 

C'est cette vie éclair mais riche en rebondissements, en rencontres et en drames que nous racontent les auteurs de ce titre atypique.

Vie et mort d'une légende du blues.

Il y a ce format à l'italienne. Ces pages qui s'étendent en largeur plutôt qu'en hauteur. Parfois des pleines pages, comme une photographie d'un instant un peu suspendu. Il y a ce noir et blanc puissant, parfaitement maitrisé, où ombre et lumière se livrent un combat violent. Une élégance particulière, celle d'une époque, de moments de légèreté que savent procurer la musique, l'alcool aussi, au milieu d'une vie difficile. Love in vain est un livre beau, superbement travaillé, où chaque illustration est comme un tableau, invitant à se savourer dans les moindres détails.

Puis il y a ce récit, cette vie, racontée par un mystérieux narrateur extérieur... enfin pas tant que ça. Avec lui, on revient sur la vie de Robert Johnson, de sa naissance à sa mort. Sa vie intime, ses liens avec sa famille, les femmes, s'entremêlent avec sa carrière. Si ses origines et ses amours sont moins connus, ils jouent pourtant un rôle évident dans ses déplacements, ses douleurs et son comportement. 

On sent derrière les mots du scénariste une importante documentation, précise et intelligente. Cela rend ce titre passionnant, mais en même temps, ce choix qui ne laisse pas vraiment sa place à l'imagination, apparait très découpé. On a la sensation de regarder une série de photographies (ce qui prolonge l'effet provoqué par le graphisme), et qu'un témoin nous raconte uniquement l'instant qui l'entoure. Même si le narrateur est subjectif, cette narration méthodique, rythmée par des étapes précises, rend parfois l'ensemble un peu froid. Cependant, la vraie vie du guitariste étant entremêlée de beaucoup de légendes, les auteurs ont fait le choix de rester dans un récit le plus réaliste possible, non romancé.

Mais au delà de l'histoire du musicien, c'est celle de l'Amérique noire de l'époque qui transparait entre les lignes, dans ses croyances comme dans son quotidien difficile. On est véritablement immergé dans ce qu'était la vie de Robert Johson et de son entourage, décor beau et cruel pour une vie dense et tragique.

En fin d'ouvrage, un carnet met face à face les chansons de Robert Jonhson, accompagnées de traductions de J.M. Dupont à des illustrations pleines pages au fusain. 

Love in vain est une très belle bande dessinée, à part, pleine d'élégance, et très intéressante pour les amoureux de musique comme pour les amateurs de biographie. La documentation et le choix de rester très réaliste rend parfois le récit un peu froid, mais ce titre n'en est pas moins une très belle fresque sur un destin, une époque, et un bel hommage à la musique, dont les notes s'échappent de chaque page de cette bande dessinée.

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