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par Arno Kikoo - le 23/05/2021
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par Arno Kikoo - le 23/05/2021

Marqués : lueur d'espoir dans un torrent de noirceur

Deux ans après l'énervé The Killmasters, le duo espagnol constitué de Damiàn et Javier revient aux éditions Ankama avec l'album Marqués. Chose amusante, si le titre est le même qu'une récente parution (venue des Etats-Unis, elle) des éditions Delcourt, les deux récits n'ont rien en commun, si ce n'est les marques sur les corps. Celle des tatouages, évidemment, mais d'autres marques, de coups, de cicatrices, qui vont façonner les destins des jeunes Pablo et Marta. Un polar très noir - tant dans l'histoire que dans un dessin très encré - qui échappe aux travers nihilistes que ce genre de récits pourrait avoir. 

Noir, c'est noir

Le récit s'ouvre par l'évènement qui va "marquer", littéralement, nos deux protagonistes. Une situation de famille compliquée, avec une mère toxicomane qui finit par disparaître, un compagnon violent, et voilà que Pablo et Marta en subiront les conséquences toute leur vie. Des années plus tard, le premier évacue une rage jamais éteinte dans la boxe, tandis que Marta a pu reconstruire sa vie en devenant thanatopractice. Les caractères s'opposent frontalement et Damiàn va jouer là dessus, alors que les deux n'ont qu'eux (et un grand père) pour se protéger l'un l'autre. Avec le caractère de tête brûlée, à tendance auto-destructrice, de Pablo, l'intrigue nous emmène au coeur d'un système de combats clandestins. Les coups pleuvent, la violence devient plus sourde, alors que quelques onces d'espoirs viennent faire irruption, quelques fois, pour éclairer cet océan de noirceur. 

Damiàn dresse un joli portrait d'une jeunesse en difficulté, aborde la dure réalité des ravages de la drogue au sein d'une famille, de la reconstruction sociale, de l'importance des liens entre personnes, dans une histoire qui ne va pas ménager son lecteur. Tant dans la brutalité de certaines scènes que par la dureté psychologique de certains échanges, Maqués marque, justement. Avec une dimension de polar urbain à la Amojes Peros (mais sans les chiens), Javier se démarque lui par son dessin enragé. Les personnages se déforment sous le poids des émotions, le cadrage nous emmène au coeur de l'action, tandis que le dessinateur fait un très bel usage de l'encrage pour accentuer la noirceur (ou quand il disparaît, les quelques touches d'espoir) de son récit. 

Marqués ne cherche pas à réinventer le genre ou à le transcender. Le polar réussit même à éviter quelques écueils d'une certaine école d'écriture, jusqu'au boutiste, qui emmènerait Pablo au fond du gouffre, sans aucun espoir de sortie. La conclusion curieusement n'ira pas dans cette direction - une surprise qu'on vous laisse découvrir, et qui a le mérite de surprendre la lecture, après quelques passages particulièrement éprouvants. L'album est agréable à regarder, avec une lisibilité parfois gênée par ce trop plein de noirs, même si le tout confère aux planches une atmosphère pleine de personnalité.

Après le sympathique The Killmasters, Marqués est une nouvelle incursion agréable de Damiàn et Javier dans la BD de genre. Ankama propose un récit plein d'énergie, cathartique dans sa représentation de personnages pleins d'émotions, et intéressant visuellement par l'utilisation de son artiste des encrages pour faire vivre son univers. Une lecture tout à fait recommandable pour les amateurs, que vous pouvez vous procurer à ce lien !

 

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