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par AntoineBigor - le 12/05/2016
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par AntoineBigor - le 12/05/2016

Mercredi, la critique

Si de nombreux auteurs préfèrent puiser dans leur imagination afin de créer des mondes fantastiques, plus rares sont les artistes à mettre en scène la banalité du quotidien. Mais on peut compter, parmi tant d’autres, sur le photographe Pierre-Yves Massot, les œuvres plus personnelles de Will Eisner ou encore le dessinateur espagnol Juan Berrio. Ce dernier, avec son album Mercredi, offre un récit entièrement tourné vers le quotidien des habitants d’une petite ville, se croisant et s’entremêlant sans cesse.

Mercredi s’ouvre sur une ville au petit matin, théâtre de tout le récit, avant de passer à l’introduction de ses protagonistes, se réveillant tour à tour dans un effet cascade, avec le premier qui réveille le second etc. Une idée toute simple, qui marche très bien, et qui donne d’ores et déjà le ton et le concept de l’album : la peinture d’un quartier et de la vie de sa population, qui ne va cesser de se croiser tout le long de l’album. Ainsi, l’auteur passe d’un personnage à un autre avec une facilité déconcertante, jouant sur quelques subtilités et détails pour ne pas perdre le lecteur.

Malgré son aspect chorale, le récit va tout de même garder un semblant de trame principale, celle d’un vol de sac qui va entrainer toute une série d’événements. Mais l’enquête tournant autour de ce délit n’est pas la plus intéressante, quelque peu cousue de fil blanc et jamais vraiment surprenante. Cependant, là encore, elle va très vite se révéler être un prétexte pour rencontrer encore plus de personnages, notamment une touriste en pleine découverte de la ville ou encore un jeune policier responsable de l’enquête. Mais la vraie réussite de cet album réside dans cette incroyable fluidité et cette évidence, que l’on ressent tout le long de la lecture, jamais parasitée par un trop plein de personnages ou de lieux : les scènes s’enchainent avec une certaine cohérence tout en se permettant d’aborder de nombreux thèmes en très peu de cases.

D’une balade d’un vieux couple dans un parc aux dialogue de sourds d’un couple plus jeune, en passant par la disparition du chien d’une petite fille ou les réflexions de jeunes ados', Juan Berrio s’échine à aborder les problématiques quotidiennes de toutes les tranches d’âges avec le même recul et la même sensibilité. Et malgré quelques passages un poil plus graves dans le ton, l’ensemble de l’album garde une ambiance très joviale et heureuse, montrant à quel point les relations humaines peuvent être complexes mais malgré tout riches et salvatrices. Le seul petit défaut à noter dans cette écriture très sensible est le point de vue parfois réducteur de son auteur, piégé par moment par son concept et un enchaînement trop rapide, ne lui permettant pas de traiter en profondeur les différents thèmes abordés. Ainsi, la sensibilité de son auteur quant à ces héros du quotidien, ainsi que son talent pour en transmettre les émotions de manière sincère transcende totalement l’album. Des qualités que l’on peut également retrouver dans ses dessins.

Auteur, dessinateur et photographe depuis plus de 20 ans, Juan Berrio peut compter sur un style très fin, voire minimaliste, grâce à des lignes claires et plutôt élégantes. Les personnages profitent d’une bonhomie assez attachante, chacun ayant un design caractéristique bien particulier. La palette de couleur utilisée, tout en nuances de rouge et de gris, renforce ce minimalisme et la simplicité de ce style, par ailleurs. Mais, tout le concept de cette BD reposant sur l’enchainement entre les différents personnages, c’est surtout la compisition qui est à saluer. Avec un découpage des plus simples, l’espagnol montre toute sa maîtrise du rythme en donnant du sens à la transition entre ses cases, soulignant sans cesse l’absurdité ou la poésie du rapport entre les uns et les aux autres. Un travail séquentiel magnifique, sans lequel Mercredi ne serait pas une si belle bande-dessinée.

Comme son titre ne l’indique pas, Mercredi ne traite en aucun cas de ce jour de la semaine particulier situé entre le mardi et le jeudi. L’œuvre de Juan Berrio traite des hommes et des femmes du quotidien, de leurs relations amicales ou amoureuses, de leurs problèmes, de leurs visions de la vie et des autres ainsi que du passage entre les générations. Surtout, l’auteur aborde tous ces thèmes sans pathos ou apriori, avec un sensibilité certaine, et s'en sert comme moteur d’une histoire plus narrative que bavarde. Une belle petite BD, touchante et attachante.

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