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par Elsa - le 13/09/2014
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par Elsa - le 13/09/2014

Mongo est un troll, la critique

Peut-on encore faire rentrer les bd dans la petite case de leur origine géographique ? Car Mongo est un troll, en plus d'être une bande dessinée des plus étonnantes, pourrait sans problème passer pour un comics... jusqu'à ce qu'on jette un oeil au nom de son auteur.

"Tu fais quoi, toi, avec toutes ces tentacules sur le visage ?" "Je joue de la musique."

Cameron et Duane ne sont plus tous jeunes. Ils vont de village en village, pillent plus ou moins discrètement les tombes, et picolent un peu trop. En parallèle Cameron cherche sa mère. Et ils croisent le chemin d'une sorcière, dont Duane s'éprend.

"Où vont les vieux quand ils meurent, Duane ?"

Mongo est un troll est une bande dessinée de Philippe Squarzoni. Lui qui nous avait jusque-là surtout habitués aux bd documentaires, nous surprend donc aujourd'hui avec de l'heroic fantasy, et nous offre un petit bijou d'humour absurde complètement désarçonnant.

Dans le dessin, les couleurs, la mise en scène, la narration, tout démontre une influence bien plus comics que franco-belge. Le trait est fin et dynamique. Les applats de couleurs sont très simples, mais suffisent amplement à appuyer les ambiances. La mise en scène est efficace, dynamique et douce à la fois. S'inspirant des oeuvres de Bosch et Bruegel pour l'atmosphère de sa bande dessinée, il en livre une relecture aussi moderne que réussie.

L'histoire est particulièrement savoureuse. Si vous êtes du genre à aimer qu'un récit aille d'un point A à un point B avec quelques étapes marquantes entre les deux, passez votre chemin. Ici l'auteur s'amuse à lancer des pistes qu'il ne termine jamais, parce que les deux compères continuent leur chemin quand la situation les dépasse, n'hésitent pas à faire un détour si quelque chose les intrigue ou les amuse, et que de toute façon toutes les questions n'ont pas de réponses. Ou alors est-ce peut-être que nous n'avons pas à les connaitre. Il n'y a pas de quête flamboyante, de héros qui vont changer le cours de l'Histoire. Juste deux gredins vieillissants et une sorcière mystérieuse qui font un bout de chemin ensemble.

Pour autant, Mongo est un troll est loin d'être creux. L'univers dans lequel évolue les personnages ne nous est expliqué que par les discussions de Cameron et Duane, qui n'aiment rien tant qu'à dénombrer tous les innombrables défauts et vices des trolls, des goules, des orques... Enfin ça n'est pas comme s'ils témoignaient plus de respect à leurs propres congénères. Les dialogues sont plein d'humour, mais plus profonds qu'ils ne le semblent au premier abord. Car les deux amis se sentent vieillir, et la sorcière qui les accompagne et sur qui le temps ne semble pas avoir d'emprise leur rappelle à chaque instant leur propre mortalité. Surtout qu'ils sont du genre à chercher les ennuis, et à frôler régulièrement la Grande Faucheuse.

Mongo est un troll est une expérience de lecture. Déstabilisante, pleine de surprise, drôle et même jubilatoire. Les personnages sont détestables et pourtant on s'y attache. On les suit avec plaisir dans leurs aventures qui ne connaissent pas de happy end. Philippe Squarzoni s'affranchit des cases, et il fait bien.

 

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