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par Elsa - le 31/05/2016
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par Elsa - le 31/05/2016

Nuages et pluie, la critique

Après L'Art du chevalement, Loo Hui Phang et Philippe Dupuy collaborent à nouveau ensemble et nous offrent Nuages et pluie. Entre douleur, cauchemar et poésie.

La rencontre de l'orient et de l'occident.

La première guerre mondiale s'est achevée il y a peu de temps. Au combat, Werner n'a dû son salut qu'à la mort de son meilleur ami, qui fut traversé par la balle qui toucha ensuite notre héros. Physiquement, l'ancien soldat allemand ne garde qu'une cicatrice à la place du coeur, mais la culpabilité le ronge. Georg avait une femme, des enfants, une famille, quand lui n'avait rien. Il aurait dû mourir lui.

Werner traine sa douleur dans l'Indochine française, même si sa nationalité fait de lui un paria. Il finit par être embauché dans une mystérieuse usine au Laos. Les lieux sont craints de tous. On dit que les propriétaires sont des monstres, qu'ils cloitrent leur fille atteinte d'une maladie rare. Pourtant l'étranger et la mystérieuse jeune femme vont se rencontrer.

Songe éveillé.

Entre récit historique et cauchemar éveillé, Nuages et pluie mêle le trauma de la Grande Guerre au folklore asiatique. Un cocktail inattendu qui fonctionne pourtant à merveille, nous entrainant dans un univers tour à tour aride et nocturne où créatures dangereuses et travail acharné font bon ménage. Les deux auteurs, Loo Hui Phang au scénario et Philippe Dupuy au dessin se connaissent de longue date. L'atmosphère de cette bande dessinée est puissante, à la fois sensuelle et effrayante, tout en nous racontant les rêves de rédemption d'un homme torturé. Peut-être cependant que l'univers prime sur le personnage, pour qui l'on éprouve peu d'empathie malgré ses douleurs.

C'est un récit dur, dans son étrangeté comme dans sa représentation des ravages de la guerre. Certaines pages érotiques sont aussi explicites. Le récit est donc à réserver à un lectorat adulte. Il se dégage de l'ensemble une poésie particulière, envoutante. Souvent contemplatif mais parfois très bavard (peut-être même un peu trop, certains dialogues chargés brisent l'ambiance pesante qui règne sur l'ensemble), Nuages et pluie ne nous ménage pas. Tantôt historique, tantôt fantastique, la lecture est riche et passe d'un monde à l'autre. La colorisation change du tout au tout, du soleil insensible à la douce lueur de la lune. On se retrouve entrainé d'une ambiance à l'autre sans avoir le temps d'y prendre nos marques, ce qui rend plus vivaces encore nos sensations de lecture.

L'habileté de Philippe Dupuy sert les différentes parties de l'histoire, rendant avec justesse le travail acharné, les rêveries érotiques, le conte horrifique et les passages dans les tranchées. On a finalement vraiment l'impression de plonger dans un cauchemar. Décousu, étrange et vibrant. Comme le récit, le dessin est plein d'une poésie fragile et bizarre qui captive. Plus qu'une aventure c'est vraiment un voyage dans une Asie bouleversée par la colonisation européenne, entre fantasme et réalité.

Nuages et pluie est une bande dessinée envoûtante où s'entremêlent Europe et Asie, Histoire et contes horrifiques, violence et sensualité. Une expérience de lecture comme un cauchemar à la fois onirique et dur.

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