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par Elsa - le 3/12/2014
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par Elsa - le 3/12/2014

Petit - Les Ogres-Dieux, la critique

Dernier paru dans la collection Métamorphose, Petit est assurément l'un des titres les plus marquants de cette fin d'année.

Le fils de l'Ogre.

Lorsque Petit nait par surprise, sa famille ne songe qu'à une chose : le dévorer. Dernier rejeton d'une lignée dégénérée, ce descendant de géants dépasse à peine la taille d'un nourrisson humain. Sauvé dans le plus grand secret par sa mère, il est élevé avec amour mais sévérité par sa grande tante, mise à l'écart à cause de son grand âge, son caractère, mais aussi et surtout parce que contrairement à ses proches qui les dégustent bien saignants, elle aime les humains vivants et se sent bien en leur compagnie. 

C'est ainsi que Petit grandit, tiraillé entre les valeurs qu'on lui inculque et son instinct, la destinée qu'imagine pour lui sa mère, et les aspirations de son aïeule. 

L'espoir ou la mort.

Bande dessinée particulièrement originale et captivante, Petit construit la mythologie d'une lignée de géants aujourd'hui sur le déclin. On suit l'histoire de Petit, racontée en planches de bd, et le récit est entrecoupé de textes présentant les plus illustres des membres de sa famille, ceux qui ont marqué durablement l'Histoire familiale. Ces présentations expliquent entre les lignes comment on en est arrivé à la situation actuelle. Un présent sombre où Petit semble être la seule étincelle d'espoir, si tant est qu'il fasse les bons choix.

Le récit d'Hubert est superbement écrit. Mixant avec talent conte mythologique et sanglante saga familiale, l'ampleur de son univers est fascinante. Dur et violent, mais très riche, le monde dans lequel évolue le héros nous est raconté par ses détails. Nous donnant, à défaut de les lui donner à lui, les clés pour mieux comprendre ce qui est en train de se passer. Petit, lui, doit passer par ce que lui apportent les deux femmes qui l'élèvent pour se construire. Sans compter qu'il n'est qu'un enfant, soumis à son instinct et à sa naïveté. Les textes illustrés permettent des respirations au milieu d'une ambiance oppressante et apportent à chaque fois des éléments qui donnent de nouvelles dimensions à l'histoire. 

Qui a déjà eu la chance d'avoir le très beau Pistouvi entre les mains (réédité en deux tomes et en couleurs, pas forcément pour le meilleur, sous le titre Jeanne) sait déjà à quel point Bertrand Gatignol est talentueux. Une nouvelle fois ses personnages, la puissance de sa mise en scène, de ses cadrages, l'élégance brute de son noir et blanc, explosent à chaque page. Les émotions de chacun sont parfaitement représentées, débordant souvent des regards hypnotisants des uns et des autres. La rage qui habite nombre d'entre eux est particulièrement palpable. Les décors, en blanc sur noir, sont majestueux tout en restant en retrait, laissant toute la place qu'ils méritent aux immenses personnages, habités d'une beauté étrange, à la manière de freaks dont on ne saurait détourner le regard. Le jeu de taille surréaliste est un délice, de la gigantesque aïeule jusqu'à son petit neveu, en passant par toute une variété de taille parmi les géants, sans compter les minuscules humains qui gravitent, esclaves silencieux, autour d'eux. Le dessinateur nous offre là un véritable travail d'orfève, soigné dans ses plus infimes détails.

Hubert et Bertrand Gatignol vous invitent à la rencontre des mythiques Géants, Ogres-Dieux autoproclamés. Vous faufiler dans le Palais ne sera pas sans danger, mais soyez certains que l'aventure en vaut largement la peine. Car Petit est une bande dessinée dure, sombre, mais magistrale et d'une beauté à couper le souffle.

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