Illustration de l'article
Critiques
Archive 9ᵉArt
par Elsa - le 19/05/2016
Partager :
par Elsa - le 19/05/2016

Taïpi - Un paradis cannibale, la critique

Taïpi est un roman autobiographique d'Herman Melville. Cette adaptation en bande dessinée par Stéphane Melchior et Benjamin Bachelier nous entraine dans une aventure hors du commun, entre danger et poésie.

Entre les mains des cannibales.

Tom et Toby travaillent sur un baleinier et les conditions de vie sont particulièrement difficiles. Ils décident de déserter sur une île polynésienne pourtant réputée dangereuse. En effet, une des deux tribus habitant dans la jungle est connue pour son cannibalisme. Les deux hommes se perdent et croisent la route de ceux qu'ils cherchaient à éviter : la tribu Taïpi.

Qui sont vraiment les sauvages ?

Le duo d'auteurs met en image cet épisode de la vie d'Herman Melville, qu'il a lui-même transposé en roman. Quatre mois qui ont bouleversé beaucoup de choses en lui. Arrivé en Polynésie à bord d'un baleinier, il a finalement été accueilli et soigné par ceux qu'il prenait pour des sauvages. Le récit est forcément raccourci par rapport au roman original, se concentre d'abord sur la relation entre Tom et Toby, puis au départ de ce dernier, nous raconte la vie de Tom auprès des Taïpis. On pourra regretter qu'une telle aventure ne prenne pas plus son temps pour nous être racontée, mais c'est le jeu de l'adaptation. Le héros se fait tout doucement à ce monde nouveau, mais reste constamment sur ses gardes. Finalement la bande dessinée va plus loin que de simplement retranscrire le récit. Elle nous interroge, nous pousse à nous aussi évoluer. Peut-être un peu plus que Tom, d'ailleurs. 

Les auteurs mettent en effet au même plan tous les personnages. Et si à travers les yeux des deux américains, les taïpis sont des 'sauvages', nous sommes mieux placés pour savoir que ce n'est pas d'être civilisé qui fait la valeur d'un homme. Malgré les rumeurs à leurs propos, les hommes et les femmes qui accueillent les fugitifs sont justes, prévenants et acceptent de venir en aide à ces deux étrangers sans que cela ne leur rapporte rien. Certaines de leurs traditions nous sont incompréhensibles, voir nous semblent barbares, mais qui sommes-nous pour juger d'une culture qui n'est pas la nôtre ? Rien n'est jamais tout noir ou tout blanc, et cette bande dessinée le dit avec subtilité.

C'est une jolie leçon d'humilité, mais aussi un beau voyage dans lequel Taïpi nous plonge. Le trait sensible de Benjamin Bachelier (que l'on avait déjà pu admirer, notamment dans Ulysse Wincoop) nous plonge dans une forêt hors du temps, qui oscille entre réalisme luxuriant et onirisme. À travers ses pages, on a l'impression de parcourir un songe dont on ne saurait dire s'il est rêve ou cauchemar. La colorisation particulièrement réussie, inventive et poétique, appuie cette impression de lire un récit se situant en dehors de la réalité. On perd nos repères dans ces lieux à la fois fantasmés et réels. Il émane des personnages une vraie douceur, avec des émotions à fleur de peau. Le caractère étrange du décor vient contrebalancer cela, rendant la tension palpable. Tom se sent de mieux en mieux dans la tribu et pourtant pressent toujours un danger. C'est ce mélange de sentiments contradictoires que l'on ressent puissamment à la lecture.

Taïpi - Un paradis cannibal est une adaptation réussie. Un étrange voyage, un instant de vie hors du temps et entre les lignes une invitation à réfléchir sur l'autre et nos idées préconçues. Qui sont vraiment les sauvages ?

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail