De Séverine Gauthier on connait ici les histoires pleines de douceur, de beau et de poésie. Mais ses histoires peuvent aussi se faire plus sombres, comme dans le triptyque Virginia, dont elle nous parlait récemment en interview.
1863, en Louisiane.
Pendant la guerre de Sécession, Doyle est un soldat parmi tant d'autres. pas très bon d'après son supérieur. Si les conséquences dramatiques de sa dernière mission lui assure les foudres du Général, elles le traumatisent aussi de manière indélébile. Les évènements de ce jour-là le hantent et le font peu à peu basculer. Une seule chose semble apaiser sa douleur et ses angoisses : la morphine.
Trois mois.
Virginia se déroule sur trois mois, de janvier à mars 1963. Récit d'une descente aux enfers, du parcours d'un homme ravagé par la guerre, qui finit par ne plus trouver le réconfort qu'en s'abimant encore plus, c'est aussi dans son contexte une bande dessinée qui nous raconte de l'intérieur la guerre de Sécession et toute son âpreté. Séverine Gauthier est professeur de civilisation américaine à l'université, elle maitrise donc son sujet sur le bout des doigts. Elle nous entraine à sa suite dans une Louisiane violente où règne la désolation.
Pourtant, au milieu des drames, de la mort, la scénariste parvient à glisser des moments de lumière. Des amitiés fragiles et puissantes à la fois, qui rendent l'ensemble du récit plus touchant encore. On pourra peut-être regretter que l'histoire ne plonge pas de manière plus approfondie dans le contexte historique particulièrement passionnant, qui reste justement un contexte que l'on traverse, comme aurait pu, sans doute, l'être une autre période. Les soldats détruits par l'horreur de ce qu'ils ont vécu ne sont malheureusement pas le seul fait de cette guerre précisément.
Le dessin de Benoît Blary est parfois un peu inégale, mais gagne en finesse et en assurance au fil des tomes. La colorisation à l'aquarelle des passages concernant le présent (le passé est lui en crayons de couleurs) noient un peu l'encrage. Mais le trait est fin, et accentue les émotions qui habitent le récit, avec un côté torturé qui sied parfaitement à l'atmosphère. On sent que le dessinateur maitrise lui-aussi son sujet, avec des décors riches de détails et des costumes travaillés qui immergent totalement dans l'époque.
Virginia est une série qui nous plonge dans l'enfer de la guerre à travers ses morts, et ceux qui tentent tant bien que mal de continuer à vivre. Un récit historique richement documenté qui nous raconte un chemin de vie tortueux au milieu de la grande Histoire.