Illustration de l'article
Critiques
Archive 9ᵉArt
par Arno Kikoo - le 13/11/2017
Partager :
par Arno Kikoo - le 13/11/2017

Notre avis sur Mutafukaz : le film

Des propres mots de Guillaume "RUN" Renard, venu présenter son film aux récentes Utopiales de Nantes mais aussi dans nos locauxMutafukaz est l'aboutissement de huit ans de travail, pour l'adaptation d'une BD qui a démarré en 2006. Le projet est on ne peut plus séduisant - en atteste la projection qui fait salle comble - et démontre (comme s'il y en avait besoin) de la présence d'un véritable savoir-faire dans l'animation pour les oeuvres typées underground. Mais le passage à l'adaptation passe aussi par les inévitables concessions, qui empêchent Mutafukaz de briller de mille feux. Explications.

Un passage du papier à l'écran réussi

Les premières minutes donnent d'emblée le ton : on part pour un film d'animation qui se veut proche de son matériel de base. L'animation est fluide et travaillée, le design fidèle à ce que Mutafukaz a pu nous présenter au long de ses tomes. Notamment lors de la présentation d'Angelino, à scooter dans les rues de Dark Meat City, séquence introductive qui rend compte de la fidélité du travail, : on voit les pages de la bande dessinée littéralement portées à l'écran.

Et comme cette dernière, le film se permet de mélanger différentes influences graphiques, tout en brisant à plusieurs reprises le quatrième mur (même si l'effet comique derrière ne frappe pas toujours juste). Un travail qu'on doit à RUN d'une part, mais aussi à l'excellent Shôjiro Nishimi - que j'avais personnellement adoré sur son segment du très bon Batman : Gotham Knight.

Mutafukaz est indéniablement rempli de qualités, et d'ailleurs sa seule existence fait plaisir, tant les oeuvres d'animation clairement destinées à un public "adulte" (qu'on ne s'y trompe pas : le film est violent et mérite son interdiction au moins de douze ans) se font rares. Dans son histoire, on retrouvera là aussi les ingrédients qui font la saveur de la BD originelle : AngelinoVinzWilly sont là - l'accident qui va donner ses visions au premier aussi. Interviendront les Machos, les fameux Luchadores et l'ensemble du film est par ailleurs ponctué de références de pop-culture plus générales, mais aussi d'autres à l'univers créé par RUN et au label 619, comme à certains pans de la BD que le film n'aura pas trop le temps d'aborder (si je vous parlais de la Lune, par exemple...).

Dans un premier temps, on ne pourra donc être qu'émerveillé par une très belle démonstration de force d'un cinéma d'animation qu'on aimerait retrouver plus souvent. À l'ambiance générale, qui suinte à fond la culture "d'à côté" dans ce qu'elle a de mieux à proposer, on sera aussi aidé par une bande-son que le français Toxic Avenger compose en partie, et qui apporte un dynamisme à toute épreuve. En témoigne une scène de course-poursuite où le son d'un camion de vendeur de glace se mue en un sample de synthwave. Inoubliable.

Mutafukaz a aussi quelques frustrations

Mais à un tableau dont on aimerait qu'il ne soit rempli que de belles remarques, il faudra noter quelques appréciations qui témoignent plus d'une frustration que de véritables défauts. En premier lieu, le déroulé de l'histoire qui forcément doit faire des concessions, puisqu'il sera difficile de rendre en un film tout ce qui est développé en cinq tomes. Si le début propose une exposition assez propre, dans sa seconde moitié Mutafukaz semble beaucoup plus rushé et tombe dans certaines facilités qui donnent un scénario assez classique, au final.

Surtout, c'est le fait d'avoir de véritables pans de lore propre à cet univers mis de côté qui est le plus frustrant. Lorsqu'on a lu Mutafukaz, on sait qu'il manque des éléments, que tout ce qui tourne autour des Luchadores pourrait être plus exploité, y compris sur certains aspects des Machos. Mais cette impression de "manque" sera aussi notifiable par le profane, le film n'arrivant pas à masquer qu'il aborde beaucoup de points qu'il ne développe pas assez par la suite.

L'autre "point faible" résulte dans le doublage principal. S'il est de très bonne facture, on ne peut pas dire que la prestation d'Orelsan et Gringe soit parfaite. Il est évident qu'en terme d'arguments pour vendre le film par après, ce sera un atout indéniable - et d'un point de vue strict sur le doublage, les performances sont assez chouettes, malgré quelques répliques qui ne sonnent pas juste. Mais le problème est qu'on entend en vérité plus Orelsan (en tant que personnage) qu'Angelino dans le film.

Et cette impression empêche le personnage d'exister à part entière dans Mutafukaz, et de se laisser complètement porter dans l'univers imaginé par RUN. Des frustrations donc, plus que des défauts, mais qui à la fin de la séance, n'arrivent pas à empêcher de penser qu'aussi agréable à voir soit le film, il aurait pu être encore mieux.

Constat bienveillant pour Mutafukaz, le film, qui se pare d'atouts très forts, tant dans sa réalisation, la fidélité à son support de base, et le travail réalisé pour la bande-son l'accompagnant. Les concessions faites sur l'histoire (sa rapidité et le non développement de certains concept forts) et un doublage qui sort un peu du film n'empêchent pas d'apprécier le film. Et à l'heure actuelle, la seule existence d'une adaptation animée de Mutafukaz, et l'accomplissement qu'il représente pour ceux qui ont participé à son élaboration, sont des arguments largement suffisants pour que vous aillez soutenir un pur produit d'animation comme on n'en voit que trop rarement sur grand écran. On vous ressortira cette critique lors de l'arrivée officielle en cinémas !

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail