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par Alfro - le 15/09/2014
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par Alfro - le 15/09/2014

Altaïr - Tome 1, la critique

La rentrée est toujours une période propice pour lancer de nouvelles séries, la nouvelle année qui commence incitant à faire de nouvelles découvertes. C'est ainsi que Glénat est allé dénicher Altaïr, une série qui est publiée depuis 2008, avec déjà quatorze tomes au compteur au Japon, de quoi voir venir.

"Tu es un pacha ou un gamin ?"

La mangaka Kotono Kato a fait des études d'Histoire spécialisées dans l'histoire de la Turquie. C'est donc tout naturellement que quand celle-ci a été amené à travailler sur sa première série au long cours qu'elle a décidé de placer l'action de son récit dans une version fictive du pays de Nuri Şahin, une sorte d'Empire Ottoman avec des frontières imaginaires et dont les personnages emblématiques ont servi d'inspiration à ceux qui peuplent les pages de ce manga. Celui-ci présente Tugrul Mahmud, le plus jeune Pacha (comprenez Général) qu'ait connu la Türkiye, jeune homme pas forcément drôle et animé d'une volonté implaquable depuis que la guerre a pris sa mère sous ses yeux. Le genre de personnage qui parait assez froid et monolithique au premier abord mais qui va se révéler intéressant quand le motif de sa quête sera d'empêcher à tout prix que la violence des armes prenne le pas sur une résolution diplomatique.

D'ailleurs, c'est l'une des obsessions de ce manga, les remous obscurs d'une politique dont tout l'enjeu se situe dans le fait qu'il faille livrer une guerre contre le voisin/ennemi séculaire, alors que ce pays pacifique est clairement en infériorité militaire. Si Glénat ne s'est pas fait prier pour se servir du phénomène Game of Thrones pour faire sa promo, comparant Altaïr à l'œuvre de George R.R. Martin (ou du moins son adaptation télévisée), il faut tout de même pondérer en précisant que les intrigues politiques sont bien moins tortueuses et complexes que celles présentes dans la saga de fantasy. Il faut tout de même reconnaître que le shônen prend bien le temps de mettre en place des factions aux ambitions différentes qui ont toutes un impact sur le cours des événements, construisant ainsi un background complexe et hautement intéressant aux aventures de Mahmud.

"Il n'y aura plus de guerre, je te le promets."

Là où ce manga diffère du modèle dark fantasy qu'on lui a collé un peu trop vite dans les pattes, c'est dans son héros qui est bien loin des considérations pragmatiques voire nihilistes des héros de Martin. En effet, alors même qu'il semble très distant et peu amène, le fauconnier va partir bille en tête, comme tout bon héros de shônen qui appréhende le monde à la hauteur de sa volonté, quand l'un de ses amis est compromis. Alors que nous étions encore dans les tractations politiques, fondées sur un marché de dupes puisqu'un parti du pays ennemi cherche n'importe quel prétexte pour déclencher la guerre et ne montre aucune preuve de bonne volonté, le héros qui se bat à coups de faucon (ce qui va donner des séquences graphiques originales et de très haute volée) va partir dans une quête pour rétablir l'honneur de son ami Ibrahim Vali, dont il ne doutera de l'honnêteté à aucun moment. Il va sans doute devenir le détonateur pour faire valser toute cette real politik à l'œuvre ici, rappelant à quel point les puissants de ce monde ne sont plus enclins à réfléchir à l'avenir à l'aune de l'humanité mais seulement à leur propre pouvoir.

Si ce manga se livre allégrement dans un abécédaire pratique de la politique, il n'en est pas moins orienté vers l'action. Certes, les combats se font rares et ne sont pas l'argument principal de cette série, mais Kotono Kato sait les mettre patiemment en place pour pouvoir alors étaler tout son talent graphique. Si son trait très léger et souple peut parfois dérouter, notamment dans ces visages qui ne sont pas forcément symétriques, il s'envole élégamment quand il s'agit de mener un combat dans les règles de l'art. Ainsi, lorsque Mahmud affronte Colbert, vilain qui est vilain parce qu'il est méchant (le sous-fifre qui est le premier a essuyer les plâtres pour le besoin de la série en gros), Kato se lâche et nous dévoile toute l'étendue de son talent, mais aussi que le fauconnier n'est pas le genre de héros à faire dans la dentelle et qu'il ne se fait aucune illusion sur les réalités de la guerre. On déplorera juste une nouvelle fois ce goût pour les trames numériques qui ont tendance à affadir les pages et à en ôter tout le relief.

À mi-chemin entre le nekketsu (manga de combat) et la dark fantasy, Altaïr bénéficie de son environnement original (magnifiquement rendu par la mangaka qui s'amuse beaucoup à dessiner minarets et colonnades) pour raconter une histoire qui prend le temps de se mettre en place et qui nécessitera un deuxième tome pour déterminer si les belles promesses faites ici tiennent sur la longueur. Reste que ce début donne envie d'en savoir plus, et c'est déjà un très bon signe. Le rendez-vous est donc pris pour le 5 novembre et la sortie du Tome 2 !

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