Le 11 mars 2011, un tsunami d'une incroyable violence ravageait la côte ouest du Japon, faisant des milliers de morts et disparus, tout en détruisant la centrale nucléaire de Fukushima, dont on ne peut toujours pas mesurer les répercussions mais dont les dirigeants commencent à payer le prix.
Depuis, le temps semble s'être arrêté dans le Tōhoku — partie haute du Japon — et la situation à Fukushima reste floue, encline à de nombreuses rumeurs et spéculations, parfois rassurantes, parfois alarmantes, sans jamais parvenir à savoir quelle information est avérée.
Face à ce phénomène, Kazuto Tatsuta, pseudonyme d'un japonais trentenaire ayant travaillé au sein de la centrale après ces évènements tragiques, a voulu rétablir la vérité, sa vérité, celle qu'il a côtoyé durant de nombreux mois, au coeur de la centrale 1F comme les japonais la désigne dans cette région.
Au coeur de Fukushima est donc un manga documentaire qui vous plongera dans le quotidien de ces hommes partis aider leur pays face à une castastrophe d'une ampleur sans précédent.
L'auteur japonais, qui était jusqu'alors un dessinateur qui n'avait pas encore rencontré son public, est ici honnête avec lui-même, n'hésitant pas à balayer d'un revers de la main les insinuations des médias quant à la minimisation de la situation, tout en révélant quelques détails pour le moins troublants, faisant ainsi de son histoire un témoignage pour le moins convaincant.
Il fait d'ailleurs preuve d'une précision impressionnante, n'hésitant pas à nous plonger dans une routine chargée de procédures, de documents administratifs et de contrôles. Car c'est là toute la force de ce manga : Kazuto Tatsuta détaille toutes les étapes de son quotidien, laissant de coté la romance pour mieux agripper son lecteur à son histoire, à ce qu'il a réellement vécu, sans jamais bousculer le statu quo initial - un détail qui pourrait déplaire à certain.
On y découvre alors que pour travailler à Fukushima, les volontaires ont dû traverser un véritable chemin de croix parsemé de formalités administratives, de tests en tout genre, et ce, seulement après qu'ils euent trouvé une entreprise. En effet, Au Coeur de Fukushima met en lumière, non sans rancoeur, les inombrables intermédiaires entre l'état et les volontaires, allant parfois jusqu'à 7 entreprises sous-traitantes, gaspillant ainsi le budget alloué par le Japon à la gestion de cette crise puisque chacune d'entre elles récupèrent une enveloppe de la somme globale quand elles ne disparaissent pas pûrement et simplement avec les subventions de l'état.
Si l'on absorbe beaucoup (beaucoup) d'informations tout au long de ce premier tome, il n'en demeure pas moins digeste, grâce au découpage astucieux de l'auteur japonais, n'hésitant pas à dresser un plan de la centrale nucléaire sur une double page afin de poser son décor. D'ailleurs, on aimerait découvrir l'auteur sur d'autres mangas grâce à son dessin et singulier, empruntant à la fois à l'héritage des grands mangakas classiques comme Tezuka, mais aussi à des auteurs plus contemporains comme Taniguchi.
Au Coeur de Fukushima est donc un inconditionnel publié par Kana dans son excellente collection Made In. L'occasion d'en apprendre un peu plus sur la gestion de cette catastrophe au travers les yeux d'un auteur, certes très respectueux et protecteur de son pays face au regard du monde entier sur cette dernière, mais qui n'hésite pas à prendre du recul et à nous livrer énormément d'informations, faisant de ce manga un témoignage touchant et unique en son genre.