Illustration de l'article
Critiques
Archive 9ᵉArt
par Arno Kikoo - le 4/11/2017
Partager :
par Arno Kikoo - le 4/11/2017

Batman & Justice League, la critique

Le mélange des genres est à l'honneur pour Batman cette semaine. Alors que le Chevalier Noir a les honneurs d'une collaboration inédite entre Dargaud et DC Comics, sous la houlette de l'artiste Enrico Marini, c'est un tout autre mash-up de styles qui nous vient de Kana. Le manga Batman & Justice League, écrit et dessiné par Shiori Teshirogi (Saint Seya : the lost canvas) et dont la publication a démarré cet été au Japon, nous parvient déjà en France dans un premier tome vraiment pas fameux. Mais il pourrait constituer une porte d'entrée pour qui n'a jamais touché aux comics de sa vie.

Le manga se place dans un premier temps du point de vue d'un jeune homme, Rui Araya, venu à Gotham City pour éluder le mystère de la disparition de ses parents. Venu du Japon, il se retrouve confronté très vite à ce qui fait l'essence de Gotham City - bien que d'apparence, on se retrouve dans une forme caricaturale qui permet néanmoins d'aller à l'essentiel. Gotham, c'est la ville décadente, et une altercation aux revirements surprenants (notre héros est visiblement... un apprenti ninja, parce que why not) nous amène à la rencontre de Batman. La mangaka s'empare alors du Chevalier Noir et de son univers en multipliant les points de vue, et développant une intrigue qui mêle les figures parmi les plus connues de l'univers DC avec des touches de mysticisme venus tout droit du Japon.

Dans l'intention, ce genre de mix paraît assez louable. Mais comme le concept de l'Anthologie de l'Attaque des Titans, c'est dans l'exécution que le bât blesse, Shiori Teshirogi accumulant plusieurs défauts dans son écriture. Dans un premier temps, c'est tout le principe de ses "Ley Lines", des lignes d'énergie que le Joker et un autre grand méchant voudraient utiliser à de sinistres desseins, qui sont assez mal amenées, et versent dans une sorte de plan bien trop "grand" pour des vilains de cette stature.

Les éléments de culture japonaise sont aussi ramenés à la truelle et plutôt que d'assister à un savoureux brassage culturel, on ressent au contraire une sorte de séparation trop importante qui font que les deux univers ne s'accordent pas. Ajoutez à cela une narration extrêmement lourde, dans laquelle les personnages explicitent jusqu'à l'extrême la moindre de leur action, pensée, qui ferait presque relativiser les comics du Silver Age. Enfin, l'auteure disperse des pistes supplémentaires dans le dernier quart du tome qui, si elles amènent un peu de diversité, laissent aussi à craindre une suite du récit encore plus confus.

Il faudrait réfléchir aussi à qui s'adresse ce type de manga. En effet, Shiori Teshirogi semble avoir bien compris, dans les grandes lignes, ce qui font de Batman and co ce qu'ils sont. Comme mentionné précédemment, l'expression de leurs caractères est lourdement appuyée, par des dialogues qui versent dans un explicitement explicite. On a l'impression de se retrouver face à une sorte de "Les personnages DC pour les nuls" un peu maladroit, mais qui pourrait constituer malgré tout une porte d'entrée pour de nouveaux arrivants biberonnés uniquement à la bande dessinée japonaise. Pour les lecteurs aguerris, on retrouvera ici et là quelques références bien connues mais la caractérisation à l'emporte pièce pourrait prendre le dessus malgré les touches de fan service.

Autre problème - et il fallait s'y attendre dès les previews publiées, c'est le style de Teshirogi pour représenter Batman et ses compères. Qu'on se comprenne, de retrouver les personnages de DC dans un style manga ne pose aucun problème, mais le chara design est en vérité très quelconque. Les héros en costume sont dans l'ensemble convenable, excepté un Superman aux proportions abhérrentes. Mais au niveau des visages, il y aura de quoi se faire mal à plusieurs reprises, notamment pour Bruce WayneClark Kent, ou un autre personnage dont je tais l'identité, qui se ressemblent un peu tous. Un style au final banal, qui est dommageable puisque dans leur ensemble, les dessins ne sont pas désagréables. Même si on tiquera aussi dans un découpage qui veut parfois trop en faire, avec des instants qui sentent l'anime aux effets surjoués. Il en résulte par moments un sentiment criard qui ne sied pas vraiment au propos, et qui est assez fatigant. 

Et puis, on en parle de la Justice League ? Parce qu'à vrai dire, à part Superman, les autres membres de l'équipe ne sont pas vraiment présents. Shiori Teshirogi fait monter la pression mais avec une qualité aussi moyenne, pas sûr que les lecteurs auront la patience, ni l'envie de prendre le second tome. On vous répondra que le prix étant très doux, c'est quelque chose qui peut se risquer. Batman & Justice League reste une certaine expérience de lecture, et si le résultat n'est pas à la hauteur de ce qu'il pourrait être, il ne faudrait pas non plus enterrer trop vite ce genre d'initiative, qui a le mérite de se montrer force de proposition. 

Difficile de dire à quel lectorat se destine Batman & Justice League. Il peut constituer une légère porte d'entrée vers les personnages de DC, malgré une lourdeur d'écriture fatigante à la longue et une histoire qui n'emballe pas, alternant entre un mélange d'influences improbables et une direction pas vraiment claire. Avec un chara design assez discutable, on vous recommandera malgré tout de vous faire votre propre avis (l'investissement monétaire n'est pas conséquent), ce manga restant malgré tout une petite curiosité. Une curiosité pas terrible, mais une curiosité malgré tout.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail