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par Alfro - le 12/05/2014
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par Alfro - le 12/05/2014

Biorg Trinity - Tome 1, la critique

Kazé revient avec un nouveau shônen de Oh ! Great, le créateur d'Enfer et Paradis et Air Gear. On s'éloigne drastiquement du monde des arts martiaux ou des rollers alors que le célèbre dessinateur laisse sa place au scénario. De quoi avoir plus de profondeur pour étayer un dessin que l'on sait déjà très abouti ?

"Le monde dans lequel nous vivons est un immense pont à moitié détruit."

La marque des meilleurs shônens est toujours de parler d'un sujet beaucoup plus vaste, souvent assez philosophique, sans pourtant le laisser paraître. Pas de portes vers la seconde lecture, le sous-texte conceptuel se mérite. Comment les histoires d'un pirate pourraient laisser penser que l'on parle du poids que la société et les décisions des autres peuvent avoir sur vous, ou qu'une bataille contre un extra-terrestre aux formes multiples cachent une ode à l'écologie ? Ou, à quel moment il est dit dans Biorg Eternity que l'on parle du rapport d'asservissement qu'entraîne la possession ? Ici, on aborde en premier lieu un monde qui ressemble grandement au notre, à un détail près qui change tout, le "Bug". Cette maladie permet aux gens infectés de se lier et de récupérer les capacités d'un objet quel qu'il soit, d'une télécommande (le patient zéro, et hop une petite critique sociétale au passage) à une moto voire des organismes vivants comme des papillons.

Nous avons donc le synopsis de départ, assez riche pour laisser un nombre de portes sur l'avenir de la série assez colossal, surtout que d'autres viennent s'y rajouter au cours du tome, entre les chasseurs de Bugglers (les infectés donc), une entité surpuissante mais complétement mystérieuse ou les pouvoirs du héros, qui vont bien sûr arriver en fin de volume. D'ailleurs, ce Fujii est le héros type des shônens modernes, moins naïfs que ses compères des années 80 et 90, il est surtout troublé par des problèmes de cœur et sa place dans la société. Courageux mais point trop n'en faut, pas trop débrouillard et un poil empoté. Mais avec un grand cœur ! Avec un groupe d'amis proches autour de lui pour les intrigues secondaires. Il va se découvrir des capacités particulières et découvrir un monde bien éloigné de son quotiden tranquille de lycéen. Voilà pour la base du shônen, à partir de là Ôtarô Maijô va pouvoir construire une intrigue bien plus complexe et plus profonde que ne le laisserai penser le synopsis. Cet ancien romancier (qui a fait dernièrement une adaptation en roman de JoJo's Bizarre Adventure) va puiser dans des thèmes qui sont proches de la pensée nietzchéenne. Pas évident, mais brillant.

"Si la quasi-totalité du monde était constituée d'une seule personne, qui s'en rendrait compte ?"

Au milieu des affrontements avec des Bugglers tous plus insolites les uns que les autres, des retournements de situations amoureuses et des scènes de destruction (et les immanquables et nombreuses scènes de petites culottes, pour le moins gratuites), s'interpose une réflexion assez poussée, qui laisse entrevoir une origine assez métaphysique au Bug. À partir du moment où Fujii se retrouve dôté de capacités hors du commun, sa pensée qui tournait autour de son grand amour Fumiho va aller vers des interrogations moins évidentes. Ainsi, il s'éveille. Il se demande quelle est sa place dans ce monde, s'il n'est qu'un grain de sable dans tout l'univers ou si le monde n'est en fait pas qu'un assemblage de particules mais un ensemble bien plus complexe, et à ce moment en observant le monde, celui-ci va vasciller, littéralement. Et c'est à partir de ce moment (qui intervient vers la fin de ce premier tome, donc tout reste à faire) que les événements vont s'accélérer et que le héros va véritablement se révéler. Un véritable tour de force d'allier la narration hautement épique du shônen avec tout son côté distrayant, avec une réflexion qui emprunte à quelques grands penseurs.

Bien sûr, le principal argument de cette série reste Oh ! Great, dont le dessin a déjà été loué à de nombreuses reprises. Il s'en donne ici à cœur-joie, avec toujours son souci du détail et de la rigueur du dessin. La capacité d'hybridation du Bug lui permet toutes les folies, la femme-moto ou l'homme-cigarette, rien ne semble le freiner et c'est avec un acharnement esthétique qu'il s'attaque aux différentes pages. Foisonnantes, ces planches explosent dans tous les sens, le mangaka ne connait plus aucune limite à une imagination qui trouve des chemins graphiques pour exprimer toute sa grouillante prolifération. La nature a horreur du vide, et Oh ! Great aussi semble-t-il. Si bien que certaines pages sont à la limite de la lisibilité, mais ne manquent jamais de dynamisme. Surtout que le scénario ne lui laisse aucun temp mort et lui permet de s'exprimer à son plein potentiel. Si l'on retire son obsession pour les sous-vêtements des jeunes lycéennes, son style riche mais rigoureux nous laisse admirer certaines pages pendant un long moment pour bien profiter de tous les détails accumulés. Du chocolat pour la rétine.

Nouvelle série du magazine Ultra Jump, portée par le nom prestigieux de Oh ! Great, ce shônen recèle bien plus de surprises qu'une grande expérience visuelle (ce qu'elle est d'ailleurs). Profond et dynamique, touchant et violent, ce manga est d'une richesse qui laisse augurer le meilleur pour l'avenir. Surtout que Kazé nous le sert accompagné d'une édition de grande qualité.

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