On se souvient tous de mars 2011, du tsunami qui ravagea les côtes japonaises, et des explosions ayant eu lieu dans la centrale nucléaire de Fukushima. À l'époque déjà, le gouvernement japonais se voulait rassurant malgré une situation catastrophique, et aujourd'hui les conséquences pour les japonais, mais aussi pour le reste du monde, restent floues mais certainement très graves.
Hier, nous vous parlions de Au coeur de Fukushima, aujourd'hui nous allons évoquer un autre manga-documentaire sur le sujet, Colère Nucléaire.
Un cri.
© 2012 Takashi Imashiro / PUBLISHED BY KADOKAWA CORPORATION ENTERBRAIN
Satô est un homme en colère. Suite aux évènements survenus à Fukushima, il voit bien que rien ne tourne rond. Il discute avec son entourage, se questionne, se renseigne, essaie de comprendre, bouillonne et fulmine. Il est en rage contre le gouvernement et ses mensonges, il ne comprend pas ce peuple qui recommence à vivre comme si ne rien n'était.
À son petit niveau, il essaie de comprendre la situation, de saisir son ampleur et sa gravité, et d'agir pour informer et faire réagir.
L'après.
Colère Nucléaire est un cri du coeur, un hurlement de rage et de désespoir poussé par Takashi Imashiro, auteur de manga, qui utilise le médium qu'il connait le mieux pour coucher sur papier ses angoisses, ses doutes et surtout, sa colère. À travers le personnage de Satô, il livre avec sincérité les pensées qui se bousculent dans sa tête. Il ne prend pas le temps d'être calme, pédagogue. Il n'en est pas capable, et la situation gravissime ne s'y prête pas. Alors il dessine et écrit son cri case après case, à la fois pour déverser toutes ces émotions qui menacent de le faire exploser, et pour secouer ceux qui le liront.
C'est un manga très dense, qui perdra parfois un peu le lecteur tant il est riche de détails sur le Japon et son quotidien, ses politiciens, et sur des enjeux auxquels on ne comprendra pas forcément toujours tout. L'auteur ne nous prend jamais par la main, il nous crie dans les oreilles. C'est une expérience de lecture assez particulière, pas seulement par ce côté brut, mais aussi par son évidente sincérité. Takashi Imashiro ne triche pas, n'enjolive pas, ne romance pas son ressenti. Même si Satô est un alter ego et que Colère Nucléaire n'est pas autobiographique, on sent bien que chacune des pensées du héros est celle de son auteur.
Le trait est assez simple et rétro. On ne sera pas forcément réceptif à ce côté un peu daté, mais l'auteur n'essaie pas de nous faire passer un bon moment de lecture. C'est une manière vivante de hurler en silence, en faisant vivre sur papier un personnage qui a des choses à dire. Le récit est enrichi d'un dossier composé de plusieurs textes passionnants, de la chronologie des évènements survenus à Fukushima à une riche interview menée par l'auteur du président du Nouveau Parti Nippon, que l'auteur considère comme l'un des politiciens les plus honnêtes et les plus crédibles. Des éléments qui viennent enrichir l'expérience de lecture, et nous permettent d'en savoir plus sur la situation à travers les yeux de japonais inquiets.
Une fois encore, l'éditeur Akata prouve sa volonté d'être engagé, d'informer et de faire réfléchir ses lecteurs, en proposant un titre à part, complexe et riche à la fois. Lire Colère Nucléaire ne vous apportera pas de clés pour tout comprendre, ou pour savoir quoi faire. C'est prendre le temps d'écouter un japonais en colère, et réaliser à quel point la situation a été, et est toujours, une véritable catastrophe.