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par Johan - le 4/04/2016
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par Johan - le 4/04/2016

Deathco - Tomes 1 et 2, la critique

Depuis Bambi, les histoires d'Atsushi Kaneko s'étaient quelque peu assagies. L'esprit punk et déjanté de l'auteur s'était effacé le temps de deux polars fantastiques menés de mains de maître, laissant la place à un autre aspect de sa personnalité. Quinze ans après Bambi pourtant, Kaneko accouche d'un nouvel univers gothique fortement marqué par l'enfance et le meurtre.

Deathco, c'est l'histoire d'une jeune adolescente qui ressent une haine viscérale pour l'humanité, haine qu'elle exprime chaque nuit lorsqu'elle part en chasse pour le compte d'une mystérieuse organisation : la Guilde. Ses proies ? Des hommes et des femmes dont la tête fait l'objet d'un contrat que tout un chacun peut accepter, pour arrondir les fins de mois ou par sens du défi. Le problème, c'est que pour une même cible, plusieurs dizaines de mercenaires déjantés (les "Reapers") répondent à l'appel...

Adolescente d'inspiration gothique, forcément mal dans sa peau et accro au meurtre, Deathco est un personnage décomplexé qui baigne dans sa propre salive quand elle n'est pas en mission. Enfermée à double tour dans les caves d'un château dont on ne sait rien, elle survit tant bien que mal à ses pulsions meurtrières en personnalisant ses armes, distributeurs Pez et autres poupées morbides soigneusement trafiqués, dans l'attente d'une nouvelle virée sanglante. En ce sens, elle est le parfait réceptacle de son univers : perdu quelque part entre l'enfance, l'adolescence et le monde des adultes lorsqu'elle apparaît sous les traits de La Faucheuse.

Kaneko brouille les pistes. Les Reapers, contrairement aux yakuzas qu'ils affrontent, vivent selon des codes chaotiques et diffèrent à ce titre les uns des autres. Chacun se présente sous un déguisement différent : arlequin, pom-pom girl, costumes de lapin géant sur bicyclette (je n'invente rien)... Kaneko cherche le décalage dans la représentation des corps et dans les motivations des Reapers, individus normaux transformés en tueurs à gages l'espace d'une nuit. Le masque représente dès lors une échappatoire et un reflet de la vie sociale des Reapers, permettant à l'auteur de lever les interdits de l'ultra-violence et de servir un seinen décomplexé et provoc', à la manière d'un film de Sono Sion.

Si l'approche volontairement grotesque des personnages n'est pas sans rappeler le cartoon, Kaneko peint un univers de ténèbres où le noir domine chaque planche. Une surcharge d'encre qui permet des compositions simples et une lisibilité accrue en action pour mieux profiter du spectacle macabre offert par la folie inquiétante de Deathco. En équilibre sur un fil, Kaneko parvient à une alchimie parfaite : malgré une surenchère de violence, il signe non sans humour un récit qui réveille un certain sadisme chez le lecteur et exorcise cet instinct bestial qui enfle parfois en nous.

Certains lui reprocheront un manque de fond à la lecture du premier tome, échappée sauvage et sanglante de 130 pages où seul compte sa maestria graphique, mais le récit prend bel et bien de l'ampleur par la suite, questionnant le personnage de Deathco et son mode de vie peu commun. Et le scénario peut bient tenir sur un timbre-poste, l'ambiance et les compositions de l'auteur suffisent à rendre la série indispensable à quiconque souhaite découvrir l'envers de la culture manga.

Avec Deathco, Kaneko retrouve le chaos caractéristique qui avait fait le succès de Bambi : un divertissement délirant baigné par les ténèbres et le sang, qui autorise de débrancher le port "moralité" pour s'abreuver de cette énergie punk et décomplexé le temps de quelques tomes où la violence est un bienfait libérateur. Un délire certes, mais maîtrisé de A à Z par un auteur japonais originale et fortement inspiré par la culture occidentale et les auteurs américains.

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