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par Republ33k - le 13/05/2016
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par Republ33k - le 13/05/2016

Dívčí Válka - tome 1, la critique

Le mois dernier chez Komikku sortait le premier tome de Dívčí Válka, sous-titré La Guerre des Pucelles, du nom de ce folklore Bohémien qui fait état d'une révolte progressive des femmes contre les hommes, qui pourrait être basé sur des événements historiques s'étant déroulés au quinzième siècle, en Europe de l'est. Un titre résolumment adulte et brutal, contrairement à l'image que pourrait vous renvoyer la couveture.

Scénarisée et dessinée par Kouichi Ohnishi, d'après des références académiques et un maximum de renseignements sur cette légende et les faits historiques qui l'inspirent, la série met en scène la jeune Sarka, laissée pour morte après le pillage d'un village et le massace de ses habitants masculins, et le viol de ses habitants féminins. Traumatisée et presque sans vie, la jeune fille va croiser la route de de Jan Ziska, un chef de guerre Hussite qui traque ses oppresseurs, les chevaliers catholiques de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Maître de guerre innovant, il utilise notamment la poudre, alors à ses débuts, en abattant les chevaliers à coups de canons, et d'une arme inédite, la Pist'ala, l'ancêtre du fusil. À la recherche de soldats prêts à tout pour se venger, quel que soit leur genre ou leur âge, Jan va proposer à Sarka de le rejoindre dans sa campagne, qui va prendre une fâcheuse tournure lorsque l'Empereur romain germanique et roi de Hongire Sigismond déclare ces troupes hérétiques, et lance une croisade à leur encontre.

Si je vous précise tous ces éléments historiques, c'est pour que vous compreniez ce que j'aurais à dire, en bien ou en mal, de ce titre signé par Ohnishi. Premier constat, et il saute aux yeux dès la seconde page, Dívčí Válka est un titre on ne peut plus cru et violent, à classer dans la même catégorie qu'un Berserk dans sa représentation on ne peut plus glauque des exactions et autres horreurs de la guerre. Et puisque l'auteur s'attaque ici aux prémices d'une révolution féminine, il n'hésite pas à une seule seconde à martyriser ces personnages féminins. Dans l'objectif de bâtir les fondations de cette révolte, on le comprend assez vite, mais puisqu'elle ne se dessine qu'à peine dans ce premier tome, on devra garder son estomac bien accroché en attendant une revanche cathartique. Dans les près de 200 pages qui composent ce premier tome, Ohnishi dépeint ainsi avec une récurrence qui vire parfois au malsain les horreurs de la guerre.

À cette fascination pour l'horreur, il faut en ajouter une autre pour la religion. Centrale dans l'époque et dans cette légende, elle l'est aussi dans cette série, mais l'auteur a bien du mal à fluidifier son propos sur celle-ci dans les pages de ce premier tome. Assommé par une sorte d'exposition historique assez pénible à digérer, le lecteur a bien du mal à se plonger dans l'époque, et l'auteur passe donc à côté de ce qu'il cherchait à faire : nous immerger dans la réalité et la foi de l'époque. A moins que son erreur soit en fait volontaire, afin de nous amener, progressivement, à un dégoût total des religions, qui fanatisent les deux camps impliqués. Et la narration de ce premier tome sera à l'image de cet exemple pour le moins ambivalent : on ne sait jamais vraiment si l'auteur cherche à malmener son lecteur ou si ses écrits sont tout simplement trop fragmentés pour susciter autre chose que du dégoût.

Un sentiment d'ailleurs renforcé par les dessins de Dívčí Válka. Plutôt joli, globalement, mains inégaux d'une page à l'autre, ils s'avèrent plus inspirés dans le niveau de détail qu'ils offrent lors des scènes de batailles que dans les moments les plus calmes, qui manquent parfois de finitions, dans les fonds ou sur les visages, notamment. Dans le même ordre d'idée, le trait pur s'avère plus convaincant que la composition des planches, qui ont tendance à vouloir en dire ou en montrer trop. Or, associée à l'exposition et aux dialogues parfois un peu lourds, cette composition à la fâcheuse habitude de perdre l'attention d'un lecteur (potentiellement) déjà retourné par une avalanche de violence.

Mais malgré tous ses problèmes, ce premier tome ne se prive pas de vrais moments de bravoure, qu'ils viennent de notre héroïne ou du propos développé, qui parvient à s'imposer entre deux scènes d'actions ou d'exactions assez crues. On sent que l'auteur amorce différentes pistes de réflexion, pour mieux les faires exploser dans les tomes suivants, qui devraient développer le destin de nos héroïnes, ici encore dans l'ombre de leurs confrères masculins.

Cru et violent, voire glauque, ce premier tome de Dívčí Válka n'est vraiment pas à mettre entre toutes les mains. Outre la violence suggérée et présentée, c'est le propos de l'auteur, encore trop discret, qui pourrait choquer, tant il n'est pas évident à saisir. Il faut dire que Kouichi Ohnishi n'est pas toujours très clair dans sa composition ou ses dialogues, qui ont tendance à assomer le lecteur. Il présente toutefois avec une vraie volontée d'exactitude les tenants de cette légende bohémienne, en attendant des aboutissants qui seront sans doute plus intéressants dans les tomes à venir.

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