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par Alfro - le 21/11/2013
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par Alfro - le 21/11/2013

Hell Hell Tome 1, la critique

Toujours dans l'à-propos, Ki-oon nous propose une toute nouvelle série qui convoque démons et autres créatures de l'Enfer quelques jours après Halloween. Cela n'a rien d'une série horrifique pour autant, puisque nous faisons face ici à un pur shônen qui ne demande qu'à se faire connaître.

"Il est sorti des Enfers..."

Aborder un nouveau shônen est toujours délicat. Pour deux raisons, la première étant qu'ils se confrontent toujours à leurs illustres modèles, Dragon Ball ou Yu Yu Hakusho, mais aussi à une seconde vague, One Piece et Naruto en tête, qui partagent difficilement leur exposition. Le schéma assez rigide du genre oblige forcément à comparer les nouvelles séries dont nous retrouvons continuellement des tropes qui ont été inventés il y a trente ans de cela. La seconde raison provient du mode de publication au Japon. Pour un manga, tout se joue lors des premiers mois, il faut donc pour l'auteur convaincre très rapidement, en installant un maximum d'éléments fondateurs de la série en peu de temps. Ici, nous assistons totalement à cette approche in medias res qui consiste à lancer l'action en ayant un background plus que succint. L'exercice est difficile, souvent bancal, rares sont ceux qui arrivent à convaincre pleinement. Hell Hell oscille sur ce fil et parvient tout de même à poser son histoire tout en étant dynamique dès le début.

Si le premier épisode manque d'enjeux, que certaines interactions sont plus que lapidaires et que nous avons du mal à nous prendre d'empathie pour Shin, héros ambivalent qui dans un premier temps apparait surtout comme une tête à claque, le dynamisme immédiat emporte quand même la timballe. Le pitch est assez simple de prime abord, Shin est l'un des soixante-douze enfants du Diable, et il doit combattre ses frères et sœurs pour succéder à son père sur le trône des Enfers. Comme nous sommes dans un récit classique dans la forme, le héros est forcément un paria, rejeté par son père il se réfugie sur Terre et tente de s'intégrer dans la vie d'un lycéen lambda. Rien de révolutionnaire, mais l'action débridée nous emporte. Ce que le jeune auteur Jun Azuma arrive à bien doser, c'est qu'il ne tombe pas dans une narration hystérique qui plombe souvent ce genre de séries, et réussit à installer une trame émotionnelle en filigrane. Il plonge son personnage dans un bouillon de sentiments nouveaux qui va donner du coprs à son récit. Une fois passé l'épisode d'ouverture, il va pouvoir développer une histoire plus fine, plus subtile, qui va pousser le héros dans des retranchements intéressants.

"Ça m'est complétement égal que tu sois différent." 

Très rapidement va s'installer une galerie de personnages secondaires qui vont rajouter du corps à l'intrigue. Le personnage de Negumi, l'un des frères de Shin, est particulièrement pertinent. Ce dernier refuse catégoriquement de tuer ses frères et sœurs, refusant de rentrer dans le jeu macabre de leur père. Ce faisant, il va insinuer le doute dans l'esprit de Shin. Là où on aurait pu avoir une banale construction de destructions d'adversaires successifs, le protagoniste se retrouve obliger de s'interroger sur sa propre violence, sur la prédestination (est-il obligé de se plier aux diktats de son père ?) et sur sa place dans le monde. Ce sont les questionnements adolescents bien sûr, mais ils ont le mérite d'être traités de façon délicate et avec suffisament d'humour pour enrober la refléxion. Shin devient très rapidement attachant, dans cette naïveté caractéristique du héros du shônen (l'épisode où il tripote les seins d'Ikoi parce qu'il ne connait pas la différence de genre n'est pas révolutionnaire mais est franchement drôle), et gagne en profondeur au fil des pages.

Pour ce qui est du dessin, on ne va pas se le cacher, on ressent que c'est la première série de Jun Azuma. Il y a clairement (encore) quelques faiblesses, certaines trames sont très maladroites et certains designs un peu ratés (Negumi est particulièrement mal construit graphiquement). Pourtant, ces défauts de jeunesse sont contrebalancés par une imagerie et une esthétique pop. Avec un trait dynamique, Azuma dessine des pages où des éclairs vivifiants de pop culture strient son récit. L'esthétique originale nous fait penser à du Psychobilly acidulé, comme si les Cramps avaient remplacé leur aspect glauque par une approche plus légère et colorée. Ce choix visuel sert à merveille le tourbillon d'action et emporte avec légèreté un titre qui aurait eu sans doute moins d'intérêt s'il avait été traité avec l'habituel filtre sombre qui recouvre les histoires de démons.



Hell Hell est donc une vraie bouffée d'air rafraîchissante dans un genre qui est parfois sclérosé par sa grille de codes incontournables, malgré quelques erreurs de jeunesse. Jun Azuma nous délivre un récit plus profond qu'il n'y parait, touchant, tout en étant vraiment jouissif dans sa partie immanquable des combats. De plus, on rencontre le premier vrai antagoniste (au look des plus improbables) en fin de volume, pour un affrontement qui s'annonce déjà palpitant.

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