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par Elsa - le 19/04/2016
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par Elsa - le 19/04/2016

L'Homme de la maison, la critique

L'éditeur Steinkis nous emmène en voyage à Singapour avec l'adaptation en bd du roman de Dave ChuaGone Case : L'Homme de la maison.

Période floue.

Yong est un adolescent de douze ans. Il vit avec sa mère, sa grand-mère, son frère... et son père quand il leur fait l'honneur de sa présence à Singapour. Son meilleur ami s'appelle Liang.

À peine sortie de l'enfance, il redécouvre le monde à travers son regard en pleine mutation. Les choses n'ont plus la même saveur, ni la même réalité, quand on est un enfant ou quand on se dirige vers l'âge adulte. Les dettes de son père, sa grand-mère vieillissante, la jolie soeur de Liang qui ne le laisse pas indifférent. Entre les problèmes de sa famille et les bouleversements qui s'opèrent en lui, Yong évolue comme dans le brouillard. Les jours défilent sous ses yeux sans qu'il ait réellement de prise sur eux ni sur ce qu'ils lui font ressentir.

Prendre son temps pour raconter l'essentiel.

Avec L'Homme de la maison, Dave Chua et Koh Hong Teng racontent avec intelligence et subtilité cette période trouble qu'est l'adolescence, où l'on ne sait plus très bien ce que l'on veut faire, où l'on ne comprend plus grand chose aux émotions que l'on ressent, et où le monde nous apparait, par d'infimes détails ou de grosses complications, beaucoup moins joyeux et lumineux qu'il ne l'était à travers nos yeux d'enfant.

C'est une histoire qui prend tout son temps, contemplative et précise à la fois. Le regard du lecteur comme celui du héros se perd dans les petits riens, et les auteurs se contentent de nous montrer, sans jamais expliquer ou raconter ce qui se passe, pas plus qu'ils ne disent clairement les sentiments de Yong. Pourtant rien n'est obscur, on comprend facilement les problèmes de couples de ses parents, le trouble, la tristesse et la douleur. Il règne sur cette bande dessiné un blues permanent particulièrement maitrisé, et en même temps une lumière pleine de douceur. Car les personnages qui en rythment les pages sont, chacun à leur manière d'affronter la vie, particulièrement touchants. C'est un mélange d'épure et de profonde richesse. Une économie d'explication pour magnifier les émotions. Il ne se passe pas grand chose. C'est la vie qui défile, mais raconté avec une grande justesse. L'expérience de lecture est puissante et marquante. Sans avoir ressenti aucune sensation forte, on ressort pourtant durablement marqué de sa lecture, tant Yong et ses proches sont entrés dans nos vies le temps de ces presque trois cent pages. L'histoire se passe à Singapour et nous laisse entrapercevoir le quotidien de la cité, mais pour autant, l'histoire qui nous est racontée à quelque chose d'universel.

Le trait fin et réaliste emprunte autant au comics indépendant qu'au manga, avec des planches aérées qui accordent toute la place qu'elle mérite aux émotions, aux regards, à ce qui habite les personnages et n'a pas besoin de mots. Les planches les plus contemplatives sont particulièrement réussies. Elles provoquent un silence qui nous murmure beaucoup de chose. L'édition, qui est en fait une version intégrale compilant les deux volumes auto-édités par Koh Hong Teng, est très belle, et accentue encore le plaisir de lecture. L'Homme de la maison est un objet assez imposant, mais très agréable à prendre en main et à dévorer. Un bel objet qui sert d'écrin à une histoire très réussie et subtile.

L'Homme de la maison est un petit bijou. Une chronique toute en justesse de l'adolescence, à la fois ancrée dans le quotidien à Singapour et universelle. Un titre poétique et contemplatif, un peu triste et très doux, qui ne laisse pas indifférent.

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