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par Elsa - le 25/10/2016
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par Elsa - le 25/10/2016

Le Bateau-Usine, la critique

A la fin des années 20, Takiji Kobayashi marque la littérature prolétarienne japonaise avec Sen kyûhyaku nijû hachi san ichigo et Le Bateau-Usine. Malgré les difficultés, les pressions puis son entrée dans la clandestinité, il continuera d'écrire jusqu'à son arrestation en 1933. Il mourra sous la torture. En adaptant son texte en manga, Gô Fujio lui rend hommage mais raconte également un pan méconnu de l'Histoire japonaise.

S'enrichir sur des cadavres.

© Takiji Kobayashi, Go Fujio 2006 / Higasiginza Shuppansha, Tokyo

Dans le Japon des années 20, des japonais très pauvres n'ont d'autre choix que de travailler sur des bateaux-usines, où les conditions de vie sont dramatiques. La révolution vient de s'achever en Russie, et l'intendant du bateau où se passe cette histoire fait pression sur les employés pour s'assurer qu'ils ne se rebellent pas à leur tour.

Mais à voix basse, la contestation s'organise. Il n'est plus question qu'ils risquent leur vie pour enrichir une entreprise qui a moins de considération pour eux que pour les crabes qu'ils pèchent. L'heure est venue de faire grève.

Du désespoir à la rage.

Le Bateau-Usine nous plonge dans le quotidien particulièrement dur de ses ouvriers. Ce one-shot nous montre les rouages aussi bien huilés que sans pitié d'une industrie du début du XXème siècle et raconte comment les ouvriers, par leur courage, vont renverser le cours des choses. C'est un récit dense par son contexte mais aussi pour la bataille d'idées et de valeurs qui y fait rage. Mais sa lecture est passionnante.

Le dessin et la mise en scène, l'un comme l'autre assez rétro, collent bien à l'atmosphère du récit et au contexte. On est vraiment immergé dans les cales sombres du bateau-usine, aux côtés de ceux qui s'apprêtent à devenir des héros. Les lecteurs friands de récits d'aventure n'y trouveront pas leur compte. Le manga Le Bateau-Usine est à l'image du roman originel : contestataire. Il nous explique une situation, un contexte particulier, mais qui recèle aussi quelque chose de plus universel. Gô Fujio rend hommage à ces ouvriers-héros mais aussi à l'auteur, Takiji Kobayashi, dont la mort injuste nous est annoncée dès le départ. C'est aussi une invitation à réfléchir au capitalisme et à ses dérives. Aujourd'hui encore la recherche du profit amène des dirigeants d'entreprises à agir sans aucune humanité. Cela ne sera jamais acceptable.

Le Bateau-Usine est un manga très riche en texte, qui se lit en prenant son temps. Ce n'est pas une aventure mais bien le monde réel dans ce qu'il peut avoir d'absurde et de cruel à la fois. La bande dessinée, et donc le manga, est un médium intéressant pour montrer en mots et en images une situation problématique et pour la combattre. Il y a dans le Batea-Usine une énergie positive et inspirante malgré l'advesité. Le livre est enrichit d'un dossier complet et passionnant en fin d'ouvrage qui apporte des clés pour mieux comprendre l'oeuvre et son contexte historique.

Après des titres comme Les Pommes Miracles ou Colère Nucléaire, l'éditeur Akata continue de publier des titres qualitatifs et engagés. Ils nous montrent un Japon différent mais nous invite aussi à réfléchir : comment évoluer vers un monde meilleur ?

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