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par Arno Kikoo - le 25/02/2018
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par Arno Kikoo - le 25/02/2018

Lyla & la Bête qui voulait mourir : un seinen poignant

Dans une version fantasmée de notre monde, les êtres humains co-habitent avec des êtres mi-homme, mi-animal, auxquels on a donné le nom de chimères. Les chimères sont méprisées par la race humaine, reléguées à la caste la plus basse de la société. Aron, un gigantesque homme-bélier, a été enlevé tout jeune par une organisation mafieuse, et en est devenu un homme de main, tueur à gages dénué de toute émotion.

Doté d'un esprit resté celui d'un enfant, il traîne avec lui un livre pour enfants, dans lequel un personnage aux yeux bleux propose au héros de l'emmener au Paradis. Aussi, lorsqu'au cours d'une mission, Aron tombe sur Lyla, jeune fille aux yeux d'un bleu profond, il pense avoir trouvé celle qui doit l'emmener dans ce paysage idyllique et l'y tuer. C'est donc ce qu'il lui demande de faire. Problème : Aron vient de tuer les parents de Lyla sous ses yeux...

Une valse complexe d'émotions

Nouveau seinen publié chez Ki-OonLyla & la Bête qui voulait mourir est le produit d'un duo, celui d'Asato Konami au scénario, et de Eziwa Saita aux dessins, dont c'est d'ailleurs le premier manga. Vous l'aurez sûrement compris avec le résumé évoqué en début d'article, nous ne sommes pas là pour rigoler. Au travers d'une histoire au propos particulièrement difficile, Konami passe beaucoup de temps à dépeindre ses personnages avec le but, clairement, d'atteindre le lecteur au plus profond de ses sentiments. L'envie de bouleverser se ressent tout du long, et dès le premier chapitre qui nous présente un duo forcé d'évoluer ensemble, mais dont la relation, complexe, ne peut pas partir sur de bonnes bases malgré tout. Et c'est la force de l'écriture de Konami, de révéler toute la nuance des sentiments de ses personnages.

Ainsi, l'empathie est immense envers Aron, un être rejeté de tous et déshumanisé, qui garde l'esprit d'un enfant qui ne se rend pas compte de la monstruosité de ses actes. Et en même temps, comment peut-on s'identifier à pareil monstre, face à la brutalité de ses actions ? Il en va de même pour Lyla, dont on souhaiterait naturellement qu'elle réussisse à venger la mort de ses parents (et à exaucer le souhait d'Aron), mais au fil du récit elle comprend aussi la nature de coquille vide de la chimère, et à la haine se mêlent la pitié et une forme de compassion. Le mélange, extrême dans les émotions véhiculées, sert de moteur à l'histoire, dont les bouleversements vont aussi appuyer sur la corde sensible, humaine, du lectorat.

Un trait parfois brouillon

Sans trop en dire, Lyla & la Bête qui voulait mourir appuie sur des thématiques difficiles, mais assez dosées pour ne pas tomber dans un pathos trop poussif. On y parle de sentiments humains (Aron étant une figure qui permet de questionner le rapport à l'être et le non-être de l'humanité), de deuil, de solitude, de ressentiment, d'abnégation, de détestation de soi, de suicide. Et le tout fonctionne, avec l'envie de voir où l'aventure mènera Lyla et celui qu'elle hait plus que tout, dans une fuite vers l'avant aux ramifications qu'on espère surprenantes. Une véritable force, qui est un peu émoussée par la partie graphique.

En effet, on énonçait au début que ce manga est le premier d'Eziwa Saita, et ça se ressent. Le dessin général est d'assez bonne facture, Saita faisant un usage plutôt intéressant d'un trait assez économe en détails et trames utilisées pour le relief, de façon assez intéressante. De même, on apprécie plutôt le chara-design de cet univers et de ses personnages. Mais dans la mise en scène, le découpage, la lisibilité, c'est là qu'on sent que Saita n'est pas encore au point. Dans les scènes d'action les plus énervées notamment, il devient difficile de discerner qui fait quoi, et les problèmes de lecture de ce genre arrivent à plusieurs endroits. Heureusement que le récit arrive à dépasser ces complications.

C'est donc un démarrage plutôt convaincant pour Lyla & la bête qui voulait mourir. L'histoire de Konami parvient à attirer le lecteur à force d'une écriture maîtrisée qui l'entraîne dans une salve d'émotions très fortes, que seuls des dessins parfois brouillons pourront rebuter. En l'état, on a assez hâte de découvrir la suite (qui, chance, arrive début avril). Si ce premier essai vous intéresse, le tome 1 est disponible pour 7,90€.

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