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par Arno Kikoo - le 28/09/2017
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par Arno Kikoo - le 28/09/2017

Tokyo, amour et libertés, la critique

La branche manga de Glénat nous a proposé ce mois-ci un récit complet de la part de l'auteure et dessinatrice Kan Takahama dont les publications (KinderbookSAD GiRL) connaissent un certain succès. Loin des récits épiques ou autres fantaisies dont les mangakas savent faire preuve, Tokyo, amour et libertés (publié au Japon en 2013) se pose comme un récit intimiste à la croisée des genres, mêlant histoire, romance et érotisme par touches légères. Une jolie découverte malgré quelques défauts.

À la découverte de la sexualité japonaise

Pour qui ne connaît pas l'Histoire du Japon, l'ouvrage commencera par vous donner une petite leçon sur l'évolution de la société de l'entre deux guerres, et notamment de celle de leurs moeurs. La sexualité se libère et les journaux érotiques ont le vent en poupe, dans une forme de contre-culture que la population s'arrache. Ishin est un écrivain érotique en quête de succès et Eijiro son éditeur. Tous deux recherchent de nouvelles expériences afin de publier leur revue La porte de la sexualité (qui a vraiment existé). L'ouvrage se présente alors presque comme un succession de sketches légers, où la sexualité est abordée sous différents angles, agrémentée de notes explicatives de Kan Takahama. Plutôt amusant, ce début de récit manque malgré tout d'une certaine direction. Même si les personnages sont immédiatement attachants - parce que malgré leur sujet de recherche, on ne tombe pas dans la vulgarité, Kan restant légère et juste sur cette thématique - on a du mal à voir où l'auteure veut nous emmener.

Cette impression ne dure heureusement que peu de temps, le vif de l'histoire étant abordé lorsque Ishin rencontre Aki, une jeune métisse, lors d'un cours de dessin auquel elle sert de modèle. Dès lors le récit s'embarque dans une romance douce et délicate, ambiance au plus proche de ses personnages, qui permet à l'auteure de parler du rapport femme/homme dans le couple, de déterminisme social - et tout simplement des conditions de vie alors que le Japon s'apprête, in fine, à s'embarquer dans une nouvelle guerre.

Il y a une certaine différence de tons avec les débuts de l'ouvrage, et si l'appréciation se fera différemment pour chacun, c'est clairement dans cette histoire d'amour que Kan Takahama se révèle la plus douée. Le rapport entre les protagonistes est finement dépeint et il y a de véritables moments d'émotion qui transparaissent, entre l'intimisme des récits les plus calmes de Jiro Taniguchi et les envolées sentimentales d'I''S de Masakazu Katsura (je ne doute pas que vous trouverez d'autres références de comparaison). Le récit a donc ce parfum doux-amer, surtout dans sa conclusion, et on vous invitera d'ailleurs à lire la note de fin de Kan pour mettre en perspective l'histoire que vous aurez découverte.

Tan Takahama, un dessin aussi doux que son histoire

Outre le fait de profiter d'être un récit auto-contenu, Tokyo, amour et libertés s'offre aussi une très belle prestation artistique. Le trait de Tan Takahama est léger tout en étant précis, offrant des planches aussi claires que détaillées, avec une utilisation de trames qui, sans verser dans l'excès, permet de donner tout un panel de nuances et d'ombrages aux personnages et décors. Les protagonistes sont au coeur de l'histoire et leurs émotions sont véhiculées par le dessin, qui sait se faire sensuel lors des quelques moments érotiques. Et tout comme dans le propos, Kan Takahama dessine les scènes de sexe sans pudeur mais sans trop en faire ; un juste milieu pas forcément facile à atteindre, mais vous aurez de toute façon compris qu'ici il s'agit d'un supplément à l'histoire, et pas son argument de vente principal (n'est pas Step up Love Story qui veut).

On pourra simplement reprocher à l'artiste une certaine tendance à faire des personnages qui se ressemblent, surtout au niveau du nez. Chose amusante puisque ce sera d'ailleurs utilisé à bon escient dans l'histoire - mais de façon curieuse, on dirait que Takahama a plus de mal à dessiner les visages de femmes que ceux des hommes. Un petit détail qui ne viendra pas gâcher la finesse du reste des planches. 

Le seul véritable reproche que j'adresserai à Tokyo, amour et libertés se situera donc dans cette curieuse dichotomie de l'ouvrage, entre scènettes sur le thème de la sexualité un peu poussives, et l'histoire d'amour entre Ishin et Aki, qui est le véritable intérêt du récit. On distingue une vraie séparation entre deux parties au lieu d'avoir un tout bien introduit. Du reste, si vous êtes à la recherche d'un récit moins terre à terre et plus dans l'action, il est certain que le dernier ouvrage de Kan Takahama ne sera pas pour vous. 

Un peu de douceur dans ce monde de brutes ! Tokyo, amour et libertés a un peu du mal à se lancer, mais une fois son histoire principale véritablement lancée, l'histoire d'amour maudite entre Ishin et Aki devrait plaire à ceux qui aiment voir des rencontres se faire et des relations se nouer. Avec un dessin fin et une mise en scène assez riche, un one-shot appréciable pour qui souhaite s'évader en gardant les pieds sur terre.

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