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par -- David -- - le 3/06/2015
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par -- David -- - le 3/06/2015

Twin Star Exorcists Tome 1 & 2, la critique

Le Shônen manga tient parfois autant de l’œuvre culturelle que de la récitation maladroite tant certains auteurs passent leur temps à ressasser ces tropes ad nauseam. Le lecteur n’est pas dupe de ce jeu. Il existe une sorte de contrat tacite qui le lie à l’auteur, celui de retrouver les éléments qu’il apprécie.

Si le genre est si codifié, qu’est-ce qui différencie une série d’une autre ? Qu’est-ce qui vaut à Twin Star Exorcists un avis aussi bienveillant, la subjectivité mise à part ? La réponse tient au plaisir que prend l’auteur, Yoshiaki Sukeno, à jouer avec les codes du genre. Son héros, Rokuro Enmadô, est un loser magnifique comme le manga en produit tant, de Naruto en passant par Rin dans Blue Exorcist ou Onizuka dans GTO. Il pousse l’audace à glisser une référence explicite au meilleur d’entre eux, Hanamichi Sakuragi de Slam Dunk. On rencontre le héros alors qu’une fille est en train de refouler ses avances. Plus tard, deux de ses compagnons iront jusqu’à citer l’œuvre de Takehiko Inoue, pour appuyer le clin d’œil.

L’intérêt de cette bande dessinée ne se résume pas à ce jeu malin du mangaka. La principale qualité se situe dans ses personnages, dans leur background, dans les interactions qui les lient et dans la manière intelligente avec laquelle l’auteur distille les informations.

Revenons tout d’abord à l’idée directrice de l’histoire : les exorcistes. De prime abord, on pourrait arguer que le thème a déjà été mainte fois répété. Il suffit de se souvenir de D-Gray Man ou de prendre le catalogue de l’éditeur Kaze pour y trouver comme par miracle un titre avec le mot exorciste : Blue Exorcist. Pourtant il ne faut pas se fier à cette appellation, on ne va pas retrouver des émissaires d’un Vatican fantasmé à la poursuite de créatures infernales. Les exorcistes de cette histoire sont des Onmyôji. Contrairement à leurs cousins catholiques, la racine de leur idéologie s'inscrit dans la philosophie chinoise du Yin et du Yang. Dans le Japon féodal, ils pratiquaient l’art de la divination ainsi que des rituels pour apaiser les défunts et prévenir l’apparition d’esprits courroucés. (À l’ouverture du manga, l’éditeur propose deux pages d’explications, sur lesquelles je me suis basé, afin d’éclairer ce point de détail de la culture japonaise.)

Rokuro Enmadô, le personnage principal, était l’un de ses Onmyôji. Il désirait même devenir le plus puissant d’entre eux. (Il souffrait du syndrome Naruto.) Pourtant un traumatisme va ravager sa volonté première. Il est le seul enfant à avoir survécu à un massacre perpétré par les impurs. Depuis, il vit sous le poids de ce souvenir. La voie du Onmyô va se rappeler à lui lorsqu’il verra une jeune fille tomber du ciel. Elle se révèlera être une exorciste, elle aussi. On s’attend à ce que cette nouvelle venue joue le rôle du love interest et qu'elle se contente d'une stature de faire-valoir. Au contraire, elle fait jeu égal avec le personnage masculin. Elle possède son propre background, son propre traumatisme séminal qui conditionne son rapport au monde. La relation qui lie les deux héros conduira le récit à trouver sa dynamique propre. Jamais, à ma connaissance, un duo ne fut aussi porteur depuis la fratrie Elric dans Fullmetal Alchemist de Hiromu Arakawa. Là où Rokuro fait figure de personnage classique, Benio revitalise le personnage féminin dans le Nekketsu, même si elle garde certains stigmates du genre qui l’a engendrée. Je ne veux pas déflorer la nature de leur lien, mais il prouve une nouvelle fois l’adresse de l’auteur pour jouer avec les attentes et apporter son originalité. Tout ce que je peux dire c’est qu’il joue avec les conventions sociales qui régissent un couple au Japon et ose en offrir une vision plus moderne.

Malheureusement, les personnages secondaires ne souffrent pas du même traitement, ils s’avèrent beaucoup plus caricaturaux.

La menace que représentent les impurs reste encore mystérieuse au terme de premier volume. Ces derniers existent simplement pour animer l’action. Le deuxième tome nous permet de mieux les appréhender. On sait qu’ils sont capables de prendre possession d’un corps ou d’une maison qu’ils vivent dans un univers parallèle et qu’ils sont représentés comme des masses organiques difformes. On apprend aussi que les créatures acquièrent aussi le pouvoir magique des exorcistes et deviennent plus fortes lorsqu’elles les tuent. Au fur et à mesure de la lecture, l’auteur nous lance sur une piste troublante. Il suggère que les impurs semblent proches des Omnyôji chargés de les conjurer. De fil en aiguille, il nous conduit vers un cliffhanger haletant. Pourtant la qualité de ce Nekketsu ne se résume pas qu’au scénario d’Yoshiaki Sukeno, son dessin clair et précis et la qualité de sa mise en page donnent une dynamique à l’histoire.

Yoshiaki Sukeno assume l’héritage du Nekketsu et en joue pour raconter une histoire prenante. Il ne cherche pas à révolutionner le genre. Il place l’originalité dans ses personnages et leur relation. Il mène d’une main de maître son intrigue articulée sur le mystère. Il reste à espérer que le récit tienne ses promesses au fil de la parution et que les poncifs avec lesquels il s’amuse ne se retournent pas contre lui.

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