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par Alfro - le 9/06/2015
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par Alfro - le 9/06/2015

Portrait de Légende #13 : Frank Frazetta

Si les années 60 étaient faites d'expérimentation dans les comics (dans le monde entier en fait), d'une recherche artistique bouillonnante qui aura vu émerger des artistes aussi novateurs que Steve Ditko ou Jim Steranko, un autre artiste a lui décidé de verser dans l'académisme le plus pur en apparence.

Frank Frazetta, c'est cet  artiste dont la virtuosité devenait secondaire devant les émotions qu'il faisait naître de ses dessins et ses toiles. Un artiste de génie qui faisait émerger la puissance directement de ses peintures et qui marquera à jamais la pop culture.

Frank Frazzetta (avec deux "z" à l'époque) naït en 1928 à New York. Comme de nombreux artistes de sa génération, il est fils d'immigrés (italiens en l'occurence) et vit ses premières années à Brooklyn (à croire que chaque immeuble abritait un génie en devenir !). Seul garçon d'une fratrie de quatre enfants, il sera en grande partie élevé par sa grand-mère qui va fortement l'encourager dans son amour pour le dessin qui apparait dès son plus jeune âge.

Sans qu'il ne sache vraiment d'où cela vient, le jeune Frank a un besoin compulsif de dessiner. Ce qui coûte cher, si bien que comme nombre de ses contemporains aspirants artistes sans le sou, il va se procurer du papier de boucher pour pouvoir continuer à s'exercer. Il ira même jusqu'à dessiner sur du papier-toilette, ne se laissant jamais abattre par ses conditions de vie. Il dessine tant et si bien qu'il devient vite évident qu'il a un don certain pour l'art.

Ses professeurs de l'école n'étant plus d'aucun secours pour lui à seulement huit ans, sa grand-mère l'inscrit à l'école d'art de Brooklyn, une petite école de quartier où il va suivre l'enseignement d'un certain Michele Falanga. Ce Napolitain parle un anglais plus que sommaire mais peut se targuer d'un gros bagage technique en peinture et sculpture en ayant appris l'art de professeurs des plus académiques. Cependant, Frazetta déclarera qu'il n'apprendra pas grand chose de cet homme mais plutôt de l'émulation avec ses camarades sur place.

En 1944, alors qu'il n'a que seize ans et que la plupart des jeunes de son âge cirent encore les bancs du lycée, lui va décider de rentre dans la vie active en devenant l'assistant de l'artiste Bernard Baily. Ce dernier est un collaborateur fréquent de Jerry Siegel avec qui il va créer les personnages du Spectre ou d'Hourman. Frank Frazetta (il a fait tomber ce "z" entretemps) va encrer ses dessins pendant un certain temps et apprendre le métier par la pratique.

Au sein du studio de Bernard Baily, qui affiche une rotation d'artiste assez constante, Frank Frazetta va réaliser de nombreux encrages et les crayonnés des décors, dessins complémentaires et tout ce qui relève du travail de remplissage. Au fil du temps, il va réussir à décrocher une page ou deux qu'il dessinera entièrement par lui-même. C'est ainsi qu'il va se faire remarquer par Graham Ingels qui va lui donner du travail au sein de Standard Comics. Là, il va illustrer tous les genres possible et imaginables, western, comics de guerre, historiques ou encore de fantasy.

Au fil du temps, il finit par être reconnu et va notamment attirer les regards d'EC Comics où Ingels qui y travaille désormais lui propose de nombreux comics d'horreur. Il y travaille son imaginaire, développe son univers et rencontre Al Williamson, autre artiste de génie à qui l'on doit notamment Creepy et Eerie (et qui fera plus tard le bonheur de Marvel) qui va rapidement devenir son ami. Frazetta qui depuis toujours rêvait de devenir dessinateur de BD est définitivement consacré quand Al Capp lui proposera de l'assister sur le très célèbre strip Li'l Abner.

Il va travailler durant neuf ans avec Capp, période durant laquelle il va se marier mais aussi créer son propre strip, Johnny Comet, et travailler sur Flash Gordon. Sa carrière va prendre un tout nouveau tour par un coup du hasard. Par amitié, il peint une affiche parodique pour le magazine MAD, où l'on voit Ringo Starr, le batteur des Beatles. Celle-ci va attirer le regard de United Artists, un grand studio d'illustrateurs qui va offrir à Frazetta une reconversion assez inattendue.

Alors qu'il pensait qu'il continuerait à être un dessinateur de BD, Frazetta va se découvrir un immense talent d'illustrateur en réalisant de nombreuses affiches de film durant toutes les années 60. Surtout, son contrat avec United Artists va lui ouvrir un tout nouveau pan de son art qui va devenir assez ironiquement ce pour quoi il est aujourd'hui le plus connu.

Canaveral Press qui avait eu vent de son travail sur EC Comics et ses couvertures d'Eerie (notamment La Reine des Mers qui sera réutilisée sur la pochette du premier album de Wolfmother) va lui confier les couvertures de plusieurs romans d'Edgar Rice Burroughs qu'ils rééditent. Si bien que Frank Frazetta, en illustrant des personnages comme Tarzan ou John Carter va redéfinir son art. Une peinture puissante, classique et effrayante, très américaine dans sa monumentalité mais qui appelle aussi à un certain mysticisme.

Cela deviendra encore plus vrai quand ce même éditeur, ravi de son travail, va lui confier les classiques de Robert E. Howard. Avec sa série de peintures sur Conan, l'artiste va créer un nouveau genre, une nouvelle bible visuelle, celle d'une fantasy sombre et menaçante. Lui-même adepte de la musculation, il peut avec ce personnage de barbare explorer la puissance du corps humain et pourtant l'écraser dans des environnements menaçants et terriblement exotiques. Son art allie alors un académisme et une science des couleurs, de la composition et de l'imaginaire qui va en faire un des peintres les plus originaux de sa génération.

Son ami Al Williamson lui propose alors de devenir l'artiste des couvertures des Eerie et Creepy (des magazines anthologiques de comics d'horreur) qui sont désormais publiés par Warren Publishing. Frazetta en profite pour développer un univers propre et personnel. Il ira plus loin en développant avec Ralph Bakshi un film d'animation, Fire and Ice (dont Robert Rodriguez a prévu, un jour, de faire le remake). L'animation reproduit l'art très réaliste de Frazetta mais le film sera un échec et un gouffre financier et va convaincre le peintre de rester à son art de prédilection.

Il va à ce moment-là, enchaîner quelques-uns de ses chefs-d'œuvres, notamment le Death Dealer qu'il peint pour être la pochette d'un album du groupe de Southern Rock Molly Hatchet. Il va aussi faire des pochettes pour Dust et Nazareth, puis progressivement s'éloigner des affaires pour peindre pour son propre plaisir. Assez étrangement, il ne retournera jamais au dessin de bande-dessinée. La fin des années 90 seront marquées pour lui par une série de problèmes de santé, notamment des attaques qui vont le laisser avec une paralysie dans le bras droit.

Ses dernières années seront terriblement tragiques, puisqu'il verra ses quatre enfants se battre pour son héritage (alors qu'il n'est pas encore mort, autant ne pas avoir de race jusqu'au bout). Son aîné ira même jusqu'à voler des peintures dans son musée. Pendant que ses enfants étaient en pleine procédure judiciaire les uns contre les autres, Frank Frazetta rendra son dernier souffle le 10 mai 2010. Son héritage dépasse pourtant largement la valeur marchande de ses peintures, puisqu'il aura créé presqu'à lui seul le paysage visuel de la dark fantasy.

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