Illustration de l'article
Actualités
Archive 9ᵉArt
par Alfro - le 3/03/2015
Partager :
par Alfro - le 3/03/2015

Édito #31 : Le super-héros est-il forcément américain ?

Certaines conceptions ont la vie dure, l'opinion étant perverse dans ce qu'elle a d'inébranlable. Ainsi, quand vient le moment d'aborder la questions des comics, il est souvent bien difficile de faire entendre que le genre super-héroïque n'est que l'un des aspects de cette littérature, même s'il est devenu au fil du temps le genre le plus représenté de la BD américaine. Le super-héros véhicule aussi un certain nombre de préjugés.

Ainsi, il est difficile de ne pas s'imaginer le super-héros se tenant fièrement dans sa cape et ses collants avec l'aigle américain en fond et les toits de New-York sous la botte. Le super-héros est américain, ce sont (presque) eux qui l'ont inventé et il est même devenu une sorte de réprésentation nationale. Une espèce de marque de l'hégémonie culturelle américaine qui disperse à travers le monde l'image de Batman ou Spider-Man, hérauts d'une culture marketée à outrance et qui se retrouve dans tous les coins du globe.

Pourtant, ce n'est là que l'image d'une culture marketée à l'outrance, (une énième démonstration de) l'histoire des vainqueurs en quelque sorte. C'est même devenu l'un des chevaux de bataille de Serge Lehman, scénariste et spécialiste de l'histoire fictionnelle Française, qui entend bien à travers ses séries des Brigades Chimériques et Masqué replacer le super-héros dans une vision plus large. Car si l'on comprend le super-héros comme un être dôté de superpouvoirs qui se sert de ses dons pour rendre la justice, tout en cachant sa véritable identité, alors cette figure traîne dans la littérature bien avant l'arrivée de Superman.

Déjà, l'inspiration du Kryptonien, considéré comme le premier super-héros des comics, remonte à un certain Hercule. Le héros de la mythologie a ainsi servi de base à Joe Shuster et Jerry Siegel pour la bonne raison qu'ils cherchaient ce genre d'archétype, la figure épique du héros qui brave les événements, qui en sa seule qualité de surhomme nietzchéen se met en avant pour redresser les torts. Figure qui transparaitra tout au long de l'histoire littéraire, des légendes arthuriennes aux grand héros tragiques des pièces de Racine, le super-héros est sa transposition moderne.

On pourrait aller se dire que, si le super-héros est la résurgence moderne de l'Homme de se procurer des figures surhumaines, la grande révolution de ces encapés est leur identité secrète. Mais là encore, le concept n'est pas neuf, comme le rappelle Umberto Eco dans son livre De Superman au Surhomme, puisque des justiciers masqués ont peuplé la littérature bien avant que ceux-ci ne prolifèrent outre-Atlantique.  Il avance notamment l'exemple du Comte de Monte-Cristo qui tel un Batman de son temps, rendait sa justice personnelle à travers une fausse identité pendant qu'il affichait un visage public bien plus ambigu.

Le super-héros américain comme il est largement admis désormais relève davantage d'une question d'esthétique. Souvent coloré, porteur de costumes improbables et au goût prononcé pour le lycra qui provient d'une facilité de dessinateur (les drapés, ce n'est pas pratique et ça prend du temps), le super-héros tel qu'on l'entend aujourd'hui est donc d'abord une image. Surtout, il mute. Après être devenu plus sombre sous l'influence d'Alan Moore ou Frank Miller, dans les années 80, il devient plus complexe et surtout moins sûr de sa mission. Ainsi, The Authority de Warren Ellis, qui au passage forme une équipe venue des quatre coins de la Terre, s'interroge sur la notion de justice personnelle tout en démystificiant ces figures épiques, montrant en quoi le Surhomme zaratoustrien peut poser question moralement, et en quoi il ne faut (surtout) pas se référer à eux aveuglément.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail