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par Arno Kikoo - le 20/01/2018
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par Arno Kikoo - le 20/01/2018

Bouncer Tome 10 : l'or maudit, une épopée western brute, le hardcore en moins

Le début d'année 2018 se place à plusieurs égards sous le signe du western, et parmi les titres proposés par nos chers éditeurs, Bouncer, saga de Boucq et Jodorowsky s'en revient avec un dixième tome publié chez Glénat, amorçant un nouveau cycle en deux parties. Contrairement au cycle précédent (lui aussi publié chez Glénat, la série étant hébergée chez Les Humanoïdes Associés auparavant), Boucq assure à lui seul la tâche du dessin (comme toujours) et du scénario. Forcément, le regard à porter sur le récit est mêlé d'attentes et de curiosité, parce que Bouncer répond à certains codes et quelques particularités.

Si on revient un tout petit peu en arrière, le cycle To Hell/And Back aura montré à quel point Jodorowsky peut aller loin dans la dépiction de son far-west âpre et brutal. C'est quelque chose qui fait à la fois le charme de Bouncer, tout en restreignant la lecture à une certaine partie du lectorat. En plus du héros éponyme, figure héroïque mystérieuse et empreinte d'un charisme suave, le titre nous emmène à la rencontre d'antagonistes hauts en couleurs, fascinants de par leur cruauté et par leur apparence. Les lecteurs auront sûrement en mémoire le duo terrifiant incarné par Pretty John et sa mère, autour d'une histoire où la violence franchissait limite après limite, versant jusque dans un gore outrancier, qui montrait une véritable vision de l'enfer en bande dessinée. On en oubliera pas non plus un contenu graphique avec de nombreuses scènes de sexe (plus ou moins justifiées) pour rappeler que Bouncer s'adresse à un public averti.

Mais il ne faudrait pas croire que le titre ne tire son âme que d'un cocktail de brutalité et de cul, car Bouncer ce sont des personnages, un univers entraînant, et une vision du western sans concession, brutale, pour qui aurait envie de sortir des sentiers bon-enfant d'un Lucky Luke pour se diriger du côté de Blueberry en plus méchant. À ce jeu là, Boucq réussit à garder une recette plutôt intacte, quitte à adoucir sa proposition. Dans ce dixième tome, L'Or Maudit, on commence par un meurtre crapuleux. Celui d'une jeune fille, amie de Panchita, la gamine secourue par Bouncer dans le tome précédent (et c'est à peu près le seul renvoi aux précédents tomes, ce qui fait que vous pouvez aborder cette aventure avec la naïveté du débutant sans problème). Le Bouncer, ce manchot charismatique et tireur d'élite malgré son handicap, va partir à la recherche des meurtriers, et son voyage va se muer en véritable chasse au trésor (la nature de la carte est surprenante), alors que les partis opposés vont se multiplier, mêlant criminels et armée mexicaine.

Dans les différents "clans" qui vont s'affronter, c'est là qu'on retrouvera les personnages tels que la série nous a habitués. D'un mexicain cruel, El Chuchillo, à une Comtesse obèse particulièrement vile, la galerie s'étoffe au fur et à mesure des pages, dans une aventure qui fait la part belle au voyage (le côté détente en moins) et nous plonge une nouvelle fois dans ce Far-West régi par la loi du plus fort, où seules quelques âmes décident d'utiliser leurs forces pour secourir ceux qui en ont besoin. Quelques ajouts de mysticisme permettent en outre de varier les tonalités. En soi, L'Or Maudit se montre prenant de façon rapide, et a cet avantage, sûrement sous l'impulsion de Boucq, de ne pas verser autant dans les débordements que Jodorowsky amenait auparavant. Non pas que la violence crue ou le sexe ne soient dérangeants par rapport à cet univers (encore qu'on peut discuter de la gratuité de certaines scènes), mais ici on se dirige d'avantage vers un "tout public" qu'une interdiction au moins de seize ans.

Quelque part, on pourra se réjouir de cet adoucissement général, même si ceux qui découvriraient Bouncer avec cette histoire seraient surpris en retrouvant les tomes précédents. Là où la recette reste en revanche fidèle, c'est dans le dessin de Boucq. L'artiste se montre hyper complet au fil de la soixantaine de planches, optant pour une mise en scène cinématographique et des choix visuels qui renvoient forcément à l'imaginaire qu'on se forge du western par le cinéma. À titre d'exemple, il n'y a qu'à se référer au choix vestimentaires de certains personnages, qui leur donnent tout de suite une apparence iconique. Mais le trait de Boucq est tout aussi travaillé dans des panoramas parfois contemplatifs, que dans des scènes d'action chargées (une charge de bison) ou des moments plus proches des personnages. Ça reste une des forces de Bouncer, que les curieux apprécieront à la première lecture, que les habitués retrouveront avec plaisir. 

Avec ce dixième tome, Bouncer amorce donc un léger virage en se rendant un peu plus abordable dans ses thèmes et la maturité de son contenu. Le western hardcore s'adoucit légèrement pour une intrigue qui ne traite pas ses personnages avec douceur, loin de là, mais qu'on aborde frontalement sans détourner la tête. Boucq passe donc l'épreuve du scénario sans sourciller, quand il reste une valeur sûre sur le plan graphique. Si le western à la dure est dans vos cordes, vous auriez tort de ne pas vous y intéresser.

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