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par Sullivan - le 1/09/2014
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par Sullivan - le 1/09/2014

Édito #20 : Le joli marché de la Rue de Sèvres

En Septembre 2013, il y a presque un an jour pour jour et alors que nous installions un par un les meubles de la rédac' prêts à nous lancer dans la grande aventure de la professionnalisation, un nouvel éditeur voyait le jour au même moment sur le "marché saturé de la BD". Cet éditeur, c'est Rue de Sèvres. Née au sein de sa grande soeur L'école des loisirs (un pilier de l'édition jeunesse), cette nouvelle maison dresse un premier bilan franchement flatteur après un an d'existence.



Mais avant de vous expliquer les raisons du succès malin et sain de ce nouvel acteur du marché, revenons d'abord sur sa genèse. Créé en Avril 2013 à Paris (je vous laisse deviner où, cet article contient un petit indice), Rue de Sèvres débute avec une dream-team 100% féminine, de trois éditrices et une responsable marketing transfuges de Flammarion et Casterman, deux autres belles institutions de l'édition. À leur tête se trouve Louis Delas, figure marquante de l'édition et lui aussi passé par la case mercato entre Flammarion et L'école des Loisirs pour y créer son propre label BD.

Chargés en expérience et boostés par l'envie de proposer de la qualité sur un marché qui n'est presque plus en mesure d'être analysé en raison d'une sur-production tentaculaire, les membres de l'équipe mettent alors la main sur un auteur aussi discret que talentueux, souvent planqué derrière son plus gros succès pour mieux distiller quelques pépites de Bande Dessinée. Cet auteur, c'est Zep (Titeuf) qui va livrer l'une des claques de l'automne dernier avec Une Histoire d'Hommes, une magnifique tranche de vie intimiste où s'expriment ses talents écorchés vifs et sa vocation de mélomane, lui qui voue un petit culte au rock'n rolL. 75 000 albums vendus plus tard, Rue de Sèvres tient son premier succès et affiche des ambitions liées à la qualité qui ne sont pas pour nous déplaire. Pour la petite histoire, vous pouvez retrouver Découpé en Tranches, "le premier album personnel de Zep" (2006), chez l'éditeur depuis 2 semaines maintenant.

La suite est alors faite d'adaptations de grands classiques avec, entre autres, Le Horla de Maupassant (qui affichait 15 000 unités écoulées en Avril dernier, à peu près autant que le 1er tirage d'un gros album de Batman en VF), accompagné par des adaptations du catalogue jeunesse de l'École des loisirs, pour optimiser le potentiel dormant d'histoires qui gagnent à être lues par les plus jeunes et leurs parents.

On retrouvera finalement Rue de Sèvres à Angoulême grâce à un magnifique imprimé du Château des Étoiles de l'excellentissime (et trop rare) Alex Alice, nous donnant presque l'impression que le (très beau) stand de l'éditeur était présent au milieu des mastodontes de l'édition depuis plusieurs années déjà.

C'est d'ailleurs ce titre qui achèvera de nous convaincre que nous avons affaire ici à un éditeur différent, qui préfère définitivement la qualité à la quantité, et qui souhaite offrir un écrin et un accompagnement optimums à ses auteurs. Ainsi, le génial Alex Alice (devenu, aux côtés de Matthieu Lauffray notamment, l'un des plus grands artistes de l'industrie à grands renforts d'excellents albums, Siegfried en particulier) a lui aussi rejoint l'aventure de la Rue de Sèvres, grand bien lui en fasse. Le travail abattu pour accompagner la sortie du Château des Étoiles est colossal et à l'image du soin apporté par l'artiste à son nouvel album (dont notre critique arrive tout bientôt, pour accompagner sa sortie du 24 Septembre prochain), avec une campagne de teasing sobre et efficace, à l'image de l'esthétique Verno-Bavaroise de son épopée en deux volumes. Ou en six volumes d'ailleurs, puisque le Château des Étoiles a été prépublié en trois gazettes "d'époque" qui présentaient chacune un tiers du premier album et où vous pouviez retrouver des articles d'époque rédigés par l'excellent Alex Nikolavitch (les fans de Comics et de Question pour un champion voient très bien de qui je parle) en forme de bonus non-négligeables, notamment pour situer les enjeux politico-historiques de cette douce uchronie fantastique. Le tout, à moins de 3€ pièce. Oui, il s'agit là de la plus belle initiative de BD qu'il nous ait été donné de voir cette année, et elle est le fruit d'un éditeur qui souffle sa première bougie et qui signe déjà plusieurs classiques dans une industrie sinistrée et parfois morose. Cerise sur le gâteau, le joli présentoir (ci-dessous) réalisé pour l'occasion sera accompagné d'un site Internet officiel, pour fignoler une communication déjà très généreuse.

On ne le dira pas 100 fois : ces gazettes sont encore disponibles sur Amazon, et vous ne voudriez pas passer à côté de ce qui va devenir un collector absolu pour les amateurs de BD.

Revenons maintenant  quelques temps sur les méthodes qui permettent  à cette équipe - réduite - de publier autant de titres de qualité, et avec autant d'envie et de créativité. C'est au coeur d'un très beau papier de FranceTVInfo que l'on trouve les secrets de fabrication de Rue de Sèvres, de la bouche de Charlotte Moundlic, directrice artistique et responsable éditoriale BD Jeunesse.

Ces secrets de fabrication, on peut d'ailleurs les regrouper sous une seule et même bannière, celle d'une politique cohérente, qui permet notamment aux équipes de lire TOUS les manuscrits qui leurs parviennent (on parle de 5 à 10 titres par semaine) pour "ne pas passer à côté d'une pépite". Ajoutez à ça la volonté de publier une vingtaine de titres par an seulement pour l'instant (contre 251 pour Delcourt seul et 824 pour le groupe dans sa totalité, même si l'empire Delcourt est loin d'être le grand méchant de l'histoire), pour un rythme de croisière à 40/50 titres à l'année, offrant un titre labellisé Rue de Sèvres par semaine. 

"Certes, le marché est saturé, mais quand on regarde de près, il y a beaucoup de choses moyennes. Donc, il y a encore de la place, pour la qualité."

Ajoutez au fabuleux fuel qu'est la passion l'envie de couvrir tous les terrains, et vous trouvez d'excellents albums jeunesse tels que Zita, la fille de l'espace de Ben Hatke, parfaits pour frayer un joli chemin vers le 9ème Art aux tout-petits. 

Le futur, lui, est fait de la sortie très attendue du Château des Étoiles dans trois petites semaines, puis de l'adaptation d'Au Revoir là-haut, le prix Goncourt 2014, par Christian de Metter. Autant vous dire que les anniversaires se fêtent en grandes pompes entre le 6ème, le 7ème et le 15ème arrondissement.

La réussite de Rue de Sèvres est la résultante d'un travail minutieux mené par une équipe de passionnées dans un cadre propice au développement le plus sain de l'imaginaire, qui se retrouve dans les histoires publiées par l'éditeur jusqu'au marketing fabuleux et osé qui accompagne celles-ci. Semblant appliquer le fabuleux adage que l'on retrouve sur les gazettes du Château des étoiles, "Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.", Charlotte Moundlic et ses équipes nous prouvent en tout cas une chose : la bonne BD vient de la Rue.

L'image en en-tête de cet article est extraite de Bonne Journée d'Olivier Tallec, à venir en Octobre.

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