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par LiseF - le 1/04/2019
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par LiseF - le 1/04/2019

Haïkus de Sibérie, cruel et touchant à la fois

Le 6 mars dernier sortait chez Sarbacane Haïkus de Sibérie, par Jurga Vilé et Lina Itagaki. Il m'aura fallu du temps pour me mettre à cette lecture : l'album compte 240 pages, alternant entre le récit illustré et les planches de BD. Et surtout, ça raconte l'histoire d'un enfant envoyé dans un camp de travail en Sibérie. Bref, ce n'était pas parti pour être fun. J'ai quand même démarré cette lecture hier... Et je n'ai pas pu lâcher le livre avant de l'avoir terminé.

L'histoire du père de l'autrice

Juin 1940 : suite au pacte Hitler-Staline, l'Union soviétique s'approprie la Lituanie. Après la fuite du président Antanas Smetona, l'armée rouge pénètre sur le territoire, et s'attaque à la déportation massive et arbitraire des lituaniens. Algis n'est qu'un qu'un enfant lorsque les soldats frappent à la porte de la maison familiale. Avec son père, sa mère et sa grande soeur, ils sont poussés dans une charette, chargés de quelques affaires, en partance pour ils ne savent où. À cet instant, l'enfant ignore encore qu'il sera envoyé dans un camp de travail en Sibérie. Cet enfant, c'est le père de Jurga Vilé, l'autrice de Haïkus de Sibérie.

Vu comme traître à l'union Soviétique, le jeune Algis est maltraité par les soldats russes. Devant le train, la famille est séparée du père envoyé dans un autre camp. Puis, tous seront entassés dans un wagon qui leur fera traverser le pays, certains pour la dernière fois. Dans cet album, c'est toute l'histoire de cette déportation que nous découvrirons. Des premiers moments où le petit garçon sera réveillé par des coups frappés à la porte, à la délivrance dans le "train des orphelins". Le tout, vu à travers les yeux d'un enfant.

Une oeuvre hybride

Haïkus de Sibérie est une oeuvre hybride à plus d'un titre. Dans la forme déjà : le duo passe du texte aux planches de BD, choisit parfois de raconter l'histoire pas une lettre, des schémas, ou encore une simple grande image qui dit tout. Lina Itagaki passe d'un style à l'autre, parfois presque enfantin quand les personnages s'animent, parfois imposant quand une vieille église surgit au cours du périple. Dans le fond aussi, l'album est hybride. Jurga Vilé l'explique dès l'introduction : ce récit est constitué de souvenirs d'enfants. Il y a des choses qu'Algis n'a pas comprises, des choses qu'il a mal interprétées ou mêmes qu'il a imaginées pour se préserver. 

De fait, il devient difficile de différencier le vrai du faux. L'histoire devient alors comme un délire, où le désespoir d'un petit garçon trouve corps dans les fantômes de ceux qui sont morts à ses côtés, ou dans les paroles bienveillantes d'une postière imaginaire. J'avais peur de perdre le fil avec ce type de récit. En fait, Haïkus de Sibérie m'a accrochée par sa spontanéité. J'avais l'impression de lire directement dans les pensées d'Algis. Le récit est dur, mais atténué par la douceur et la naïveté du personnage principal. Il en devient encore plus terrible quand la réalité le frappe de plein fouet.

Pour moi, Haïkus de Sibérie est une belle surprise. La forme m'inquiétait un peu, j'ai finalement été happée par ce récit de vie. L'histoire se lit plutôt facilement grâce à l'optimisme imperturbable de son personnage principal : elle réchauffe parfois le coeur, et parfois le glace au contraire. Un beau chef-d'oeuvre disponible au prix de 22 euros chez Sarbacane.

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