Illustration de l'article
Actualités
Archive 9ᵉArt
par Landros - le 20/03/2014
Partager :
par Landros - le 20/03/2014

Retour Sur ... #2 : Partie de Chasse

Bonjour à tous et bienvenue dans ce deuxième numéro de Retour Sur… consacré aujourd’hui à une oeuvre dont l’un des auteurs divise les adeptes du 9eme Art. Génial pour certains, complètement surestimé pour d’autres, je veux bien évidement parler d’Enki Bilal !

Aujourd’hui, je vous propose donc de revenir sur son album Partie de chasse réalisé en collaboration avec le scénariste Pierre Christin en 1983.

Les Auteurs

Avant de vous parler de l’oeuvre en elle même, je vous invite à découvrir les auteurs de cet album, qui sont, que l’on apprécie leurs travails ou non, deux personnes importantes du médium dessiné. Tout d’abord, commençons par son scénariste : Pierre Christin est né en 1938 à Saint-Mandé, et se dirige dès ses études vers un métier de lettre. En effet, après avoir étudié à la Sorbonne puis à Science Po, il présente sa thèse de doctorat en littérature comparée intitulée « Le fait divers, littérature du pauvre ». Il poursuit sa route en tant qu’enseignant aux États-Unis, où il enseigne la littérature française à Salt Lake City à partir de 1965. De retour en France quelques années plus tard, il publie dans le journal Pilote une première bande dessinée de science-fiction. En 1967, il lance avec Jean-Claude Mézières et Évelyne Tranlé la série qui le rendra célèbre : Valérian, agent spatio-temporel. Avec 23 tomes au compteur, cette série va véritablement asseoir sa position au sein des scénaristes de bande dessinée Franco-Belge. Il poursuit alors son travail d’écriture avec de nombreux autres dessinateurs en créant des ambiances et univers véritablement différents : des récits optimistes et utopistes de Valérian, aux récits intimistes avec Annie Goetzinger, en passant par des récits noirs et politiques avec Enki Bilal. 

Passons justement à ce dernier qui est cette fois dessinateur sur l’album. Enki Bilal est un auteur français d’origine serbe né à Belgrade en 1951. Il grandit en Yougoslavie jusqu’en 1960, puis à Paris après le déménagement de sa famille. À peine âgé de 20 ans, il gagne un concours de bande dessinée organisée par le journal Pilote, et l’année suivante le journal publie sa première histoire intitulée « Le Bol maudit ». Sa carrière prend son envol, et il publie près d'une trentaine d'albums jusqu'à aujourd’hui, la plupart salués par le public et la critique, comme en témoigne sa récompense de Grand Prix à Angoulême en janvier 1987. Il est d’ailleurs le plus jeune auteur à avoir reçu ce prix, à l’âge de 35 ans. L’auteur s'essaye également au 7ème Art avec trois films plus ou moins adaptés de ses bandes dessinées. Aujourd’hui, Enki Bilal est l’auteur de bande dessinée franco-belge dont les planches originales ont la cote la plus élevée au monde. Il est ainsi devenu, bien au-delà d’un simple auteur de BD, un artiste contemporain propre à être exposé dans les musées. 

C’est en 1975 que les deux auteurs se rencontrent. Ensemble, ils signeront près de 6 albums dont, d'après moi, les meilleurs ouvrages de Bilal : Les Phalanges de l’Ordre noir (1979) et Partie de chasse (1983).

Partie de Chasse

"Vous vous êtes habitués au pouvoir comme à la viande saignante."
György Konrád

Le scénario de l’album se déroule en 1983 dans une Union Soviétique en fin de vie. Vassili Alexandrovitch Tchevtchenko, alors vétéran de la Révolution d’Octobre et oligarque de la Russie soviétique, se rend à une chasse à l’ours, dans la région de Krolówka en Pologne. Dans un des compartiments du train qui l’emmène, le lecteur y découvre les deux personnages principaux de l’intrigue : Evgueni Golozov, membre du comité central ukrainien, et un jeune interprète français et communiste. Le premier raconte à notre compatriote l’histoire de Tchevtchenko, de sa première rencontre avec Lénine à l’apogée de son pouvoir dans l’Union Soviétique. Tchevtchenko semble alors être un homme talentueux, respecté et réaliste mais torturé par la perte de sa bien aimée, sacrifiée sur l’autel des luttes politiques.

La partie de chasse a lieu dans une vaste demeure où près d’une dizaine d’invités ayant des responsabilités dans les différents États du COMECON (rappelez-vous de vos cours d’Histoire de Terminale : Bulgarie, Hongrie, Pologne, RDA, Roumanie, Tchécoslovaquie et URSS) se réunissent. Tous ces hommes partagent un point commun : ils sont tous plus ou moins redevables à Tchevtchenko. Les différents personnages forment alors une sorte de réseau, un groupe lié au delà d’une histoire, par des intérêts communs. Le lecteur assiste alors à leurs retrouvailles puis à la fameuse chasse 3 jours durant. Bien évidement, je ne vous indiquerai pas comment celle-ci se termine, mais disons que sa fin est lourde de conséquences et qu’elle implique notre cher compatriote interprète. 

Finalement, le scénario de cet album retrace l’ensemble de l’Histoire du communisme en Europe. On y découvre l’évolution des cadres du parti entre nostalgie des luttes passées et désenchantement des idéaux de leurs jeunesses. 

L’intérêt fondamental est qu’il existe un véritable affrontement, dû à leurs différences, entre certains personnages. Par exemple, Tadeusz Boczek, cadre du PC Polonais, est le plus désabusé d’entre tous et possède une vision très cynique et critique de l’histoire du communisme. À l’inverse, Serguei Chavanidze, membre du Politburo géorgien, fait partie de la jeune génération montante de technocrates du COMECON qui a foi en l’avenir de la Révolution Mondiale. Les différentes générations de communistes s’affrontent sous le regard lucide de Tchevtchenko qui pour sûr aura le dernier mot dans cette fable désabusée.

Du côté du dessin, Enki Bilal nous livre un album dans le style de sa jeunesse : son dessin est encore assez classique mais on commence déjà à entrevoir ses traits et couleurs si particuliers qui feront le succès de la Trilogie Nikopol.

En bref, Partie de chasse est un thriller politique sur fond de désenchantement des idéaux communistes. Un récit lucide et plutôt objectif sur la situation des pays de l’Est à la fin des années 80 qui surpassera sans aucun doute la plupart de vos cours d’Histoire. Collaboration la plus réussie des deux auteurs, c’est un album de choix pour votre bibliothèque. Cela tombe bien, Casterman vient de le rééditer dans un grand format collector.

Je vous donne rendez vous le mois prochain pour un nouveau numéro de Retour Sur..., d’ici là n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires ci-dessous ou sur mon twitter. Portez vous bien !

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail