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par Manu - le 13/10/2014
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par Manu - le 13/10/2014

Édito #22 : peut-on encore arrêter une licence en 2014 ?

Naruto est mort, vive Naruto ! C'est probablement l'une des plus grosses nouvelles de ces dernières semaines dans le milieu du manga : après 15 ans de bons et loyaux services, Naruto s'arrêtera au mois de novembre. Pour quelqu'un qui comme moi n'a encore jamais ouvert un tome de Naruto de sa vie, c'est tout de même important (déjà, parce que maintenant je saurais dans quoi je m'engage). J'ai vu Naruto grandir avec ses fans (mes amis, mes cousins, les cosplayers de la Japan Expo, …), les avis sur la série évoluer, les déceptions arriver, mais les espoirs demeurer. Dans mon esprit, Naruto se place facilement aux côtés de Dragon Ball et One Piece sur le podium des séries qui ont marqué leur temps et qu'on peut considérer comme réellement cultes. Aujourd'hui elle s'arrête, mais pourtant, avant même son départ, un projet qui lui semble lié est déjà teasé comme il se doit. Après avoir déjà duré trop longtemps de l'avis général, voilà de quoi se poser une question : peut-on réellement en finir avec Naruto, et plus largement, avec toute licence un tant soit peu à succès ?

Qui n'a en effet jamais vu une de ses licences préférées se faire pourrir par l'étirement ? Après mon binge reading de Dragon Ball, je n'ai jamais réussi à m'infliger GT en animé, de peur de voir mon innocence disparaître. La télévision possède par dizaines des exemples de séries ayant trop duré, tels que X-Files post-saison 5, How I Met Your Mother post-saison 3 (ou 4 dira Sullivan), True Blood post-saison 1... Vous en avez sûrement beaucoup de votre côté. Idem avec le cinéma et les jeux vidéos : on est tous d'accord que Resident Evil aurait pu s'arrêter il y a longtemps des deux côtés, tout comme Transformers pouvait se contenter de sa bande-annonce, ou encore Underworld qui se décide à toujours plus étendre son univers quand le bon sens lui implore d'arrêter. Aujourd'hui, même tuer un personnage (qui on le sait, reviendra) ne met plus fin à son univers, mais a plutôt tendance à l'étendre. « Univers étendus », voilà à quoi se réduit la création aujourd'hui. Notez d'ailleurs que les termes « licence » et « franchise » me sont venus bien plus facilement à l'esprit que le mot « oeuvre ». Triste monde cruel.

Si les moyens de mesurer le succès d'une licence ont toujours existé, les 20 dernières années nous ont amené Internet, et par là de quoi diffuser, mesurer, analyser des œuvres et leur impact de façon quasi-instantanée et mondialisée. Une aubaine pour les créateurs en tout genre, et leurs éditeurs. S'il y a 15 ans, vous aviez un aperçu du succès de Dragon Ball dans votre collège, aujourd'hui vous savez comment Naruto est reçu à travers le monde, semaine après semaine. Et vous savez aussi que malgré les critiques mitigées sur la série depuis un moment, vous avez toujours un potentiel certain à en produire plus. Produire, étirer, diluer, décliner, ne jamais arrêter. Tels sont les verbes de bases du vocabulaire de ce qui est devenu inévitablement une industrie avant un art, fait pour des consommateurs avant des appréciateurs. C'est d'ailleurs le propre succès de nos arts préférés, via leurs ventes, leurs adaptations et leurs critiques, qui en a fait une industrie potentielle. Ou quand l'art détruit l'art au profit de la copie.

Car nous sommes tous un peu (voire beaucoup) complices d'un système qu'on juge perverti mais qu'on veut inévitable. Combien de fois me suis-je réjouis du retour de Jack Bauer pour une 9ème saison (avant de pleurer devant la San Diego Comic Con quand la production n'a pas annoncé la dixième de 24) ? Je le sais que c'est devenu passable depuis un moment, mais je suis devenu dépendant de son personnage, sa personnalité, ses concepts. Ils font partie intégrante de moi, et j'ai du mal à les lâcher, sauf quand c'est pour prendre une nouvelle dose d'une autre série, d'un autre comic book, ou d'une autre franchise de films. Ghostbusters 3 peut compter sur moi malgré son statut de reboot, avant même d'avoir la moindre idée de son traitement, et ça les producteurs le savent bien. Je sais ce que j'aime et je veux ce que j'aime. Mais j'ose aussi affirmer que ce que j'aime parfois c'est être surpris, me laisser aller à découvrir une œuvre qui n'a pas encore été validée par la conscience universelle comme pouvant être appréciée et commercialisée.

« Personne ne gagne, il y a juste une équipe qui perd un peu moins vite que l'autre ». Cette citation, tirée de l'une des dernières bonnes séries à ne pas avoir été déclinée à l'infini, marque un peu le constat actuel. À défaut de stimuler la créativité, nous tournons en rond sur nos acquis, et tout le monde y perd à petit feu. Le lecteur/spectateur, aussi connu comme consommateur, qui devient frileux devant le risque de la nouveauté et préfère se réfugier dans ses bases. L'éditeur, qui ne stimule plus la créativité et trouve très bien d'avoir un revenu acquis d'avance. Et surtout l'auteur, à qui on retire le privilège de la création au bénéfice de l'extension.

"Ça marche, alors on fait exactement la même chose en investissant deux fois plus pour obtenir deux fois plus de profits."  — (22 Jump Street).

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