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par Alfro - le 20/07/2015
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par Alfro - le 20/07/2015

Édito #43 : Bande dessinée et village global

L'être humain est avide de classification. Normaliser un ensemble complexe en de multiples catégories, subdivisions et autres classements, de manière d'avoir une certaine idée de l'organisation (et l'illusion du contrôle ?). Les Arts sont en ce sens l'une des cibles favorites des obsédés de la catégorisations. Regardez un ouvrage sur la peinture du tournant du siècle dernier et vous aurez le droit à un chapelet de termes tels que fauvisme, impressionisme ou encore cubisme, parmi beaucoup d'autres. Nos amis les metalleux aussi connaissent bien le problème, collectionnant les épithètes que sont death, trash, speed, black... (liste loin d'être exhaustive, surtout si l'on considère que certains groupes accumulent les adjectifs aussi facilement que Zakk Wylde les solos interminables).

Bien sûr, la bande dessinée n'échappe pas du tout à cette tendance. La grande catégorisation qui chapeaute toutes les autres, et sur laquelle tout le monde semble s'accorder, est celle héritée du régionalisme de celle-ci. Franco-belge, manga et comics. Même 9emeArt.fr n'y a pas échappé (en même temps, un site sans nomenclature, c'est pas plaisir). Trois grands ensembles, au sein desquels on trouve des centaines de sous-catégories. Trois catégories héritées des régions où sont apparus chacuns de ces genres. Louée soit la synchronicité, ces différents genres sont apparus en même temps, à une époque où la communication entre ces différentes régions du monde était largement développée que désormais.

Oui mais voilà, depuis les temps ont bien changé. Le monde est devenu de plus en plus petit à mesure que les techniques de communication se développaient et aujourd'hui ce qui se passe dans une région du monde influe sur le reste de la planète quasiment en simultané. Avec une vingtaine d'années passées sous la houlette d'un Internet qui a tout redéfinit, il est indéniable qu'une classification basée sur la terre d'origine de tel ou tel genre ne fait plus trop sens et devient de moins en moins cohérent avec la réalité d'un art bien moins sclérosé que ne laisserait l'entendre ce découpage presque arbitraire.

Dès les années 90, les liens entre les différents genre bédéistiques devenaient évidents et bien moins anecdotiques que par le passé, lorsqu'un Frank Miller parlait du manga comme s'il avait été un initié d'un culte inconnu de tous ou presque. Avant même que l'ère de la libre information s'ouvre, la porosité entre les genres se faisait présentir avec des allusions aux X-Men de Jim Lee dans Kenshin le Vagabond ou quand le jeune Joe Madureira initiait ce mouvement que l'on allait appelé l'American Manga. Un terme un peu abscons qui continue pourtant d'avoir le vent en poupe alors qu'il est clairement devenu obsolète pour les jeunes générations.

Car l'influence du manga est devenue si évidente, si pregnante, qu'elle a dépassé le stade de l'influence et s'est retrouvée intégrée dans le développement graphique des jeunes auteurs. Mais pas seulement, puisque l'on observe dans le style des nouveaux auteurs de comics des éléments clairement empruntés au Franco-Belge, des auteurs comme Moebius ayant laissé une trace indélébile dans l'imaginaire collectif. Ce qui vaut pour les auteurs américains vaut pour les auteurs européens, et dans une moindre mesure asiatiques. Dans leurs styles respectifs, des auteurs comme Bastien Vivès, Andrew MacLean ou Atsushi Kaneko sont la somme des influences venues des quatre coins du globe.

A l'heure du village global, définir la BD par son lieu d'origine devient de moins en moins pertinent. Reste la réalité du monde éditorial, qui reste bien différent d'un continent à l'autre. Mais à l'heure où le comics, sous l'impulsion d'Image Comics qui sonne la charge, se tourne de plus en plus vers les ouvrages reliés et l'édition numérique, et où même les Japonais commencent à apercevoir l'intérêt de la publication sur internet, nul doute que ces différences vont peu à peu s'atténuer. Quel sera le visage de la BD de demain ? Bien malin qui saura le dire, mais si l'on fait exception de la barrière de la langue, les auteurs d'art séquentiel du monde entier partagent un langage commun dont les ouvrages de références, jalons d'une culture commune, ont tendance à devenir les mêmes. L'émergence graduelle du concept de biens communs pourrait donc bien finir par envahir le monde de la bande dessinée aussi et nous laisser avec un art nouveau, enrichi par les auteurs du monde entier.

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