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par LiseF - le 9/11/2018
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par LiseF - le 9/11/2018

Pourquoi nous avons choisi de dire ''autrices'' et non ''auteures'' sur 9emeArt

Le mois dernier, l'autrice de bandes dessinées Emma suscitait l'ire de nombreux internautes sur twitter, avec un tweet où elle insistait sur l'importance du mot autrice. Interviewée par un journaliste, elle l'avait repris sur ce terme précisant qu'elle n'était pas "auteure", essuyant une réponse plutôt méprisante.

Alors, autrice ou auteure ? Vous l'aurez peut-être remarqué, sur 9emeArt nous utilisons le mot autrice depuis plusieurs mois maintenant. Mais pour enrichir le débat, j'ai eu envie de vous expliquer le pourquoi de ce choix. Parce que, contrairement à ce qu'on peut lire dans les réponses au tweet d'Emma, il ne s'agit pas d'une question accessoire, d'un "détail".

Les femmes, présentes mais peu mises en avant dans le milieu de la BD

Certains disent que la langue est neutre, qu'elle n'est un outil et qu'elle n'a pas vocation à faire passer un message. C'est une opinion que je respecte, mais que je ne partage pas. Dans la langue française, le masculin l'emporte sur le féminin et dans la vie de tous les jours... Aussi ! Je ne vais pas vous sortir des chiffres sur le plafond de verre, le harcélement de rue, les violences conjugales, vous les connaissez sûrement (du moins je l'espère) et nous allons ici nous limiter à la bande dessinée.

Le milieu de la BD s'est féminisé tardivement. Le grand prix de la ville d'Angoulême par exemple, a récompensé en 45 ans seulement deux femmes (Florence Cestac et Claire Brétecher). Et ce n'est visiblement pas prêt de changer : dans les deux dernières sélections pour le grand prix, on ne comptait pas une seule femme. Mais on comptait Manu Larcenet qui a insisté sur le fait qu'il ne voulait pas du prix. Ironique ! Les lauréats étant désignés par les auteurs, cela veut-il dire que les auteurs sont sexistes ? Pas forcément : le grand prix a vocation à récompenser une carrière, comportant souvent plusieurs dizaines d'années. Or il y a plusieurs dizaines d'années, des femmes... Il y en avait beaucoup moins dans la BD. C'est ce qu'expliquait d'ailleurs Florence Cestac au Monde en 2016.

Pourquoi je vous dis tout ça ? Parce que même si les femmes sont de plus en plus nombreuses dans la BD, elles peinent encore à montrer qu'elles sont là. Elles subissent encore les questions de type "Qu'est-ce que c'est être une femme dans la BD ?" plus relatives à leur genre qu'à leur travail, ou encore "C'est dur de cumuler carrière et vie de famille ?". Si elles sont là, elles font peu partie du "haut du panier" : parmi les dix plus gros tirages de la rentrée littéraire on ne comptait qu'une autrice, Maryse Dubuc la scénariste des Nombrils. Cela ne veut pas dire qu'elles ne sont pas moins douées : c'est surtout qu'on leur accorde moins de crédibilité.

Donner de la voix aux autrices

Alors que faire ? Le mot "autrice" est justement une réponse, parmi tant d'autres, à ce problème. En montrant que les femmes font partie de cette profession, on habitue les différents acteurs du milieu (de l'éditeur au lecteur) à cette notion. Autrice plutôt qu'auteure s'entend quand il se dit, et c'est ce qui fait toute la différence. Vous me ferez peut-être remarquer qu'on est ici à l'écrit, et qu'on verrait de toute façon le "e" à la fin du mot. Mais l'objectif est de s'habituer au terme, à le faire rentrer dans le langage courant. Et la seule façon d'arriver à ce résultat, c'est de l'utiliser. Partout.

Rappelons que la représentation dans la BD est primordiale. Les auteurs ont souvent tendance à mettre en scène des personnages auxquels ils s'identifient. Jetez un oeil à l'image de couverture de cet article : ce sont toutes des BD créées par des femmes. Et elles représentent une majorité d'héroïnes. Hommes comme femmes ont tendance à mettre en scène des héros de leur genre, même si ce n'est pas systématique. Et si la BD ne met en scène que des héros masculins, nous les femmes, serons convaincues que nous n'y avons pas notre place.

Au bûcher, celles et ceux qui utilisent le mot auteure ? Pas du tout ! Nous respectons le choix de chacun, cependant, c'est le mot autrice qui a été choisi chez 9emeArt. Et on croise les doigts pour que l'an prochain, une femme se trouve dans le trio final du grand prix de la ville d'Angoulême...

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