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par La Redac - le 30/01/2020
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par La Redac - le 30/01/2020

Tribune des auteurs en colère : Marie Gloris Bardiaux-Vaïente nous explique l'opération

Crédit photo : Céline Levain

Ils en ont gros !

Maillon indispensable de la chaîne du livre, les auteurs et autrices de bande dessinée clament ce mercredi 29 janvier leur ras-le-bol dans une tribune publiée dans le journal Libération. À côté des actions annoncées par les organisations de défenses des artistes au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, quel est le sens d’une telle prise de position? Marie Gloris Bardiaux-Vaïente, scénariste et membre de ce mouvement, nous en explique les dessous et les ambitions.

Qu'est ce qui vous a motivés à lancer l'écriture de cette tribune ? 
Le milieu des auteurs et autrices de BD est assez individualiste, habituellement. Nous travaillons de notre côté, en autonomie. Pourtant, depuis quelques semaines, quelque chose a changé. Entre les difficultés liées à notre rattachement à l’URSSAF, une Année de la BD très déconnectée de nos problèmes de fond et des voeux éditoriaux agressifs, nous avons été un certain nombre à nous rassembler. Nous nous sommes rendus compte que nous étions tous dans le même état d’épuisement, avec les mêmes problèmes personnels et professionnels. En se parlant les uns les autres, nous avons fini par rassembler un groupe Facebook de 800 artistes. Des nouveaux arrivants comme des anciens bien établis. Tous nous souffrons d’une même insécurité, de la précarité de ce métier. Ça nous a rapprochés. Et s’est dégagé le souhait de rédiger une tribune qui servirait de lancement à NOTRE année de la BD. 

Nous avons été un petit groupe de neuf à servir de tête de pont pour gérer l’écriture du texte et un certain nombre de formalités administratives. La tribune que vous avez pu lire a été soumise d’abord à notre large groupe, avant d’être envoyée encore plus largement. Nous sommes fiers de cet exercice de démocratie directe inhabituel chez les auteurs et autrices.

La publication imprévue du rapport Racine a-t-il changé des choses dans la rédaction de ce texte ?
Il a tout simplement fallu le refaire, puisque nous étions prêts juste avant sa sortie. C’est grâce à une parole forte et courageuse de Marion Montaigne, présidente du jury FIBD 2020, que c’est arrivé. Nous le demandions initialement, donc nous n’allions pas faire comme si rien ne s’était passé.

Nous nous sommes remis au travail. Nous avons d’abord lu le dit document. Une bonne centaine de pages, un contenu très technique… Il a fallu prendre le temps de recontextualiser les différents éléments mis en avant.

Puis nous avons repris notre travail d’écriture. Il était hors de question de ne pas sortir ce texte. Nous voulons vraiment nous emparer, nous autrices et auteurs, de cette année de la BD. Hors de question que ce ne soit qu’une année de célébrations et de paillettes. Certes, notre médium est sorti d’une niche et cette visibilité supplémentaire est bonne à prendre. Mais la question de fond, celle qui importe vraiment, à savoir le sort réel des créateurs, restait insuffisamment mise en avant.

Quel est le sentiment des auteurs qui vous entourent par rapport à ce rapport ?
Il y a autant de perceptions que d’auteurs. Pour ce qui me concerne, je n’en attendais pas grand chose et je le trouve encore très flou. Mais je crois encore en l’intervention d’un État solidaire de ses citoyens. C’est peut-être naïf, mais c’est un rôle important pour moi.

Comme la France est un des rares pays où la BD est un vrai métier, cette intervention est nécessaire. Écrire ou dessiner de la bande dessinée, c’est un métier qui occupe 100% de votre temps. Il faut préserver cela et, encore une fois, le faire connaître. Je suis fascinée par ce qu’est la perception de notre métier dans le grand public, entre magie du dessin et nostalgie des “petits mickeys”. Bien loin de notre quotidien...

Les organisations de défenses des autrices et auteurs avaient annoncé une mobilisation pour vendredi, n’était-ce donc pas suffisant à vos yeux ?
Nous ne cherchons pas à dépasser le SNAC, la Ligue des auteurs Pro ou la Charte. Mais il faut bien dire qu’il y a des collègues naturellement réfractaires à l’organisation institutionnelle. Cette tribune, elle répond surtout à une volonté de réappropriation individuelle de la situation, dans le mouvement collectif. Ce texte a réussi à rassembler des auteurs très différents, des fanzineux purs et durs autant que des auteurs à succès. Nous sommes très bons, habituellement, pour les querelles de clochers, mais pas cette fois-ci. Alors nous avons voulu mener ce mouvement à bien, dans un esprit de défense d’un bien commun. Et nous serons partis prenantes des actions proposées à Angoulême par les organisations.

En dehors du texte, le collectif entend-il s'exprimer publiquement ces prochains jours ? 
Bien entendu ! Le FIBD, on se le réapproprie. Cette année, le FIBD, ce sont les auteurs et les autrices ! On peut donc s’attendre à plein de choses. De nombreux groupes se sont constitués pour faire des propositions. Pour une fois, notre différence sera notre force. Tout ne sera pas nécessairement visible directement du public, mais nous comptons bien nous faire entendre, en effet.

La tribune fait planer la menace d'un blocage du FIBD 2021, action régulièrement évoquée mais jusqu’ici jamais mise en oeuvre. Pourquoi ne pas l'avoir fait cette année ? 
Parce que nous nous y sommes pris un peu tardivement, sans doute. Comme souvent. Sauf que cette fois-ci, nous n’avons pas voulu nous limiter à un “coup” médiatique au FIBD, comme certaines autres années. Nous avons pensé un engagement sur toute cette année 2020. Ce faisant, au fil de nos échanges, nous avons pu construire des plans qui intègrent la potentialité d’un boycott organisé du plus médiatique des évènements lié à la bande dessinée. Mais entre temps, il y aura d’autres rendez-vous pour nous manifester, d’autres salons impactants, notamment Livre Paris en mars.

L’essentiel sera de faire comprendre cette année la réalité des dessous de la BD : le miracle économique repose sur une main-d’oeuvre à très bas coût qui ne veut plus être une vache à lait. Les mécanismes de la BD d’il y a quarante ans ne fonctionnent plus, il est temps qu’une nouvelle politique culturelle apporte des réponses aux problèmes de notre temps.

Le SNE et les éditeurs sont-ils des partenaires ou des adversaires? Ils sont frontalement mis à l’index dans la tribune…
C’est complexe. Le SNE et “les éditeurs”, ce n’est pas la même chose. En tant qu’autrice, je suis partenaire de mes directeurs de collection. C’est pour moi une évidence. 

Le SNE... C’est une déclaration de guerre que nous avons reçu pendant les voeux de Vincent Montagne, président de cette association. Ce n’est pas de la maladresse de sa part, nous sommes convaincus qu’il a exprimé une position claire et assumée. C’est une forme de mépris extrêmement violente qui a été ressentie par beaucoup d’entre nous. Surtout face à des conditions financières qui se dégradent malgré l’engagement des organisations syndicales. Il va falloir que le SNE nous entende et change son positionnement.

Qu'attendez vous des lecteurs face à cette situation ? 
Nous allons faire en sorte que le lectorat soit le niveau le moins impacté dans nos actions. C’est vraiment important pour nous. Car si l’on écrit pour soi, entrer dans un processus de publication, c’est amener une oeuvre vers le public et attendre son retour. Angoulême est quand même un lieu historique, pour la BD.
Comme nous allons sans doute nous rencontrer, pour des dédicaces ou d’autres occasion, nous espérons intéresser les lecteurs aux êtres humains qui font les livres. Afin que l’on puisse échanger. Intéressez-vous à qui il y a derrière l’histoire qui vous a fait vibrer.

Par Yaneck Chareyre
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