Le Studio Ghibli est presque devenu une institution, le genre de structure que l'on imagine immuable, apportant régulièrement sa petite contribution à l'animation japonaise. Avec un style reconnaissable entre tous, une animation aux petits oignons au service d'une histoire contemplative et poétique, qui traite souvent d'un sujet écologique ou humain. Depuis 1984 et la sortie de Nausicaa de la Vallée du Vent, un an avant la création même du studio, la formule a été appliquée conscienceusement.
Mais justement, la formule pourrait bien manquer de renouvellement. À toujours vouloir faire la même chose, le public semblerait s'être lassé, en témoigne des résultats plus que mitigés pour Le Vent se Lève et Le Conte de la Princesse Kaguya, pas seulement en Europe et aux États-Unis, mais dans le fief même du studio, le public japonais ayant boudé (relativement aux succès d'antan) ces deux derniers films. Si bien que la rumeur d'un arrêt pur et simple de production de films qui gagne de plus en plus en consistance commence à prendre tout son sens.
Car si cela ne signifie pas la fin du studio pour autant, déjà parce que la série Ronya, Fille de Brigand est toujours en production et que le studio aura assez de licences qui vendent toujours autant à gérer (il suffit de voir le nombre de peluches de Mon Voisin Totoro), cela pourrait tourner une page, voire un chapitre, importante dans l'histoire de la japanimation. Une fin qui, si elle a un goût amer, n'est pas vraiment inattendue.
En effet, cela faisait un moment que l'on entendait venir d'étranges rumeurs comme quoi un certain mécontentement agiterait les collaborateurs du studio. Une grogne provoquée par celui qui incarnait ce studio : Hayao Miyazaki. Ce dernier connu comme étant un véritable control-freak, serait devenu de plus en plus pressant auprès de ses collègues, et même auprès de son fils Gôrô Miyazaki qui à l'occasion de la sortie de sa Colline aux Coquelicots aurait eu à subir des remontrances d'un père pas franchement amène. Nous avons même eu certains de ses collaborateurs qui nous ont avoué à demi-mots qu'il était devenu très difficile de travailler avec un homme qui s'accrochait à ses acquis et qui n'était pas forcément à l'écoute des plus jeunes animateurs qui avaient de nouvelles idées à apporter.
Alors, Miyazaki serait un vieillard sénile qui aurait coulé son studio à force de ne pas vouloir évoluer ? Ce serait peut-être un peu trop radical comme vision. Il serait sans doute plus exact de voir dans ces critiques une construction pyramidale qui aurait mis en conflit un créateur et son équipe dont l'écart générationnel commençait à se faire sentir. Il serait injuste de tout lui reprocher, il n'a par exemple rien à voir avec le dernier film d'Isao Takahata. Le problème pourrait tout simplement venir d'une mauvaise adaptation au monde d'aujourd'hui qui a changé avec Internet et l'apparition de nouvelles techniques de diffusion comme le simulcast. L'accord passé avec Disney pose un problème certain, voir arriver un film en salles plus de six mois après sa sortie au Japon n'est plus vraiment à l'ordre du jour dans un monde où le téléchargement permet d'effacer les frontières.
Reste que le Studio Ghibli n'a toujours pas dit son dernier mot. Leur participation au jeu Ni no Kuni prouve qu'ils ont un désir d'évoluer et qu'ils savent rebondir sur les nouveaux médias. Surtout que la seule force de leur nom reste assez impactant pour débloquer nombre de projets. Il va cependant falloir remplir la place laissée vacante par Hayao Miyazaki, ce dernier ayant eu une emprise colossale sur son studio, il laisse un vide considérable derrière lui qu'il va falloir remplir. Est-ce que son fils sera à même de prendre sa place, ou bien une nouvelle tête ? Dans tous les cas, si nous voulons voir de nouveaux films après Quand Marnie était là, il faudra que cette institution se reforme entièrement. Et si la série télé était là pour justement permettre que cela arrive ?
