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par Strafeur - le 20/04/2017
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par Strafeur - le 20/04/2017

Croquemitaines, l'interview de Mathieu Salvia

Nous vous proposions hier une rencontre avec Djet, artiste nantais à qui l'on doit les dessins de Croquemitaines, nouveau titre de Glénat Comics qui nous a agréablement surpris

Mais que serait un dessinateur sans son meilleur allié : le scénariste ? C'est pourquoi nous vous proposons également aujourd'hui un échange avec le scénariste Mathieu Salvia, afin de compléter le propos de son acolyte :

Mathieu Salvia, l'interview

• Peux-tu nous dire à quel moment, et comment t'est venue l'idée de Croquemitaines ?

J'étais en train de boucler ma première BD, 7 Héros chez Delcourt, et je cherchais quelqu'un avec qui monter un nouveau projet. J'avais plusieurs scénarios bien avancés dans mes cartons, mais finalement, quand j'ai contacté Djet, j'ai préféré lui pitcher une idée qui m'obsédait depuis quelques temps. Une scène que j'avais en tête, d'un gamin fuyant dans la nuit avec un Croquemitaine. Je ne savais pas où je voulais aller, mais j'avais le début, j'avais cette scène et j'avais ce duo de personnages. La réaction de Djet a été ultra positive ; il voulait lire le scénario tout de suite. J'ai écrit le premier jet dans la semaine. Par la suite, j'ai dû réécrire l'histoire une petite dizaine de fois et là, finalement, la version imprimée est assez éloignée du premier jet. Mais l'essentiel reste là.

• Croquemitaines ne se cantonne pas qu'à cette créature mythique puisque de nombreuses autres sont également présentes, est-ce quelque chose qui a fait parti de ton enfance ou est-ce un moyen d'illustrer nos propres peurs d'adulte à travers cette galerie de personnages ? 

Je souhaitais partir d'un personnage mythique, une référence qui parle à tout le monde, quelque soit l'âge. Le Croquemitaine était parfait pour ça. Et puisque personne ne sait grand chose de lui, je me suis amusé à développer son univers (petites sœurs, récolte, règles...).

Mais en réalité, le croquemitaine est une façade. Le récit est avant tout celui de l'enfance qui affronte tout ce que le monde adulte a de plus horrible à offrir. Elliott, le personnage principal, vit dès les premières pages quelque chose de trop violent pour lui. Quelque chose d'incompatible avec son univers d'enfant. Quelque chose qui entre en contradiction avec tout ce qu'il connaissait et qui contredit les dernières paroles de son père "Les monstres, ça n'existent pas". C'est à ce moment précis que les Croquemitaines apparaissent dans sa vie... Sont-ils réels, ou les a-t-il imaginer pour faire face à ses peurs ? Avec Djet, on espère que la partie Bonus permettra au lecteur de se poser ce genre de question et de se faire un avis. C'était, en tout cas, notre intention de proposer une double lecture. Mais dans tous les cas, oui, bien évidemment, ces créatures représentent nos peurs (d'enfants et d'adultes). Nous coexistons avec elles et nous pouvons choisir de les ignorer (la plupart des adultes), de les fuir (le Père-la-Mort) ou de leur faire face (Elliott).

• Comme tu le dis, tu as développé cet univers qui, en plus d'être cohérent, regorge de détails, de précision... as-tu déjà en tête des suites/spin-off potentiel(le)s ? 

J'avais effectivement une idée de préquel en tête, ou de spin-off. La question est longtemps restée en suspend, mais je crois qu'il n'en est désormais plus question, pour diverses raisons. Pour l'instant, on se concentre sur cette aventure et l'accueil que lui réserve le public. J'aime l'idée que tout cet univers n'ait finalement servit de décors qu'aux aventures d'Elliott et du Père-la-Mort.

• Quelles ont été tes influences pour bâtir cet univers qui est plus sombre que tes précédentes créations ? 

Forcément, Neil Gaiman, dont j'adore la noirceur très poétique et pleine de sens. J'avais souvent Gaiman en tête quand je cherchais le bon ton. Mais également Guillermo del Torro et des films comme l'Échine du diable ou le Labyrinthe de Pan. Perfect World aussi, avec Kevin Costner.

• Des influences que tu partages également avec Djet ! Quel a été votre mode de fonctionnement sur ce projet ? Es-tu plutôt précis dans ce que tu souhaites ou laisses-tu une marge de manœuvre, d'interprétation (aussi bien dans les designs que le découpage des planches) ?

Je suis un tout jeune auteur, qui souffre encore beaucoup du fameux syndrome de l'imposture. Du coup, même si je suis très précis pour tout ce qui concerne le récit, le rythme ou les dialogues, je suis également assailli de doutes, constamment. Et pour ça, la BD est magique, car vous n'êtes pas isolé. Vous bâtissez un univers, une histoire, des personnages, à deux. Si j'essaie souvent de convaincre Djet, je ne le force jamais. S'il met son véto sur quelque chose, je cherche une autre solution. C'est arrivé au moins une fois dans le récit, où la tournure du chapitre ne lui plaisait pas. C'est fabuleux comme mode de fonctionnement, ça permet d'avoir un regard détaché, mais bienveillant et constructif.

De son côté, cela fonctionne pareil. Il me propose des tas de choses visuellement et parfois, je ne suis pas convaincu. L'univers de Croquemitaines est très riche, et même si j'en avais une idée assez précise dans mon esprit, je n'ai détaillé que peu de choses. J'avais besoin que Djet se l'approprie. Et c'est toujours une bonne surprise au final, ça remet tout en perspective et parfois même, ça vous donne des idées. Par exemple, c'est suite à ses premiers designs que j'ai décidé que chaque Croquemitaine aurait une arme propre, une "relique". Cela a finalement pris une certaine importance symbolique avec la "Grande Faucheuse", l'arme du Père-la-Mort. Pour le découpage, à moins d'avoir une idée très précise dans l'esprit, je me contente d'indications larges sur l'emplacement de la caméra et le cadrage. Pour ce genre de chose, je laisse le talent de Djet s'exprimer, il fait ça bien mieux que moi .

• Un jeune auteur qui partage sa vie professionnelle entre scénariste de comics et avocat, la comparaison avec un certain Matt Murdock a dû t'être faite un grand nombre de fois j'imagine. Comment arrives-tu à jongler entre ces deux casquettes ? 

Ah ah ah, et bien figure toi que c'est la première fois que je l'entends ! Je n'ai vraiment pas l'impression d'être un super héro, juste d'avoir beaucoup de chance. J'ai toujours voulu écrire et aujourd'hui j'y arrive. Je suppose que cela me donne la motivation nécessaire pour m'installer devant Word après une journée de boulot. Je ne vais pas mentir, c'est souvent très difficile de trouver l'énergie. Mais j'ai également la chance d'avoir une femme aux petits soins qui m'aide autant qu'elle peut à jongler entre ces deux métiers et les enfants.

• Tu nous le disais un peu plus tôt, tu as plusieurs projets dans les cartons, peux-tu nous dire ce qui t'attend dans un futur proche ?

J'ai trois projets en cours actuellement, et un quatrième qui ne demande qu'à sortir de sa boite. Le plus gros challenge pour moi, c'est de trouver le temps de les mener à bien. Chacun de ces projets est soit plus ambitieux que mes deux premières BD, soit dans un registre complètement différent. Je veux explorer, défricher et surtout m'amuser. Avec Djet, on prépare un projet de série mêlant gangsta rap et ésotérisme sur fond de culture Cajun en Louisiane, j'ai un projet de contes pour enfant également avec Nénent, un super illustrateur et dessinateur BD, et enfin un scénario sur lequel je planche depuis 2011. Un gros truc à la croisée d'Harry Potter et de Ghost in the Shell sur lequel on bosse en ce moment avec Grelin. On verra bien, mais j'espère signer l'un des trois avant la fin de l'année.

• Enfin, dernière question : quels ont été tes coups de coeurs (BD, comics, film, jeux-vidéo, cinéma... peu importe) récents ? 

Je ne crois pas avoir eu de gros "coup de cœur" récent. Mon dernier en matière de livres a été "The Ocean at the End of the Lane" de Neil Gaiman, en jeu vidéo je dirais For Honor que je trouve super fun et rafraichissant, et en film, Moonlight.

• Et question Bonus : Qui de toi ou Djet gagne à Street Fighter ?

Ah mais c'est pas vrai ! Il vous en a parlé, c'est ça ? Quel salopard.

C'est lui, bien sûr que c'est lui. Je l'ai remis en selle alors qu'il avait lâché les gants depuis des années et puis rapidement, il m'a dépassé. Aujourd'hui, sur 10 match, il me plie 8 fois. J'en ai vite eu marre de me faire punir dès que je prenais la manette alors j'ai rangé le jeu au fond de l'étagère. Ce qu'il ne vous a pas dit, c'est que depuis qu'on s'est mis à For Honor, les choses ont un peu changées. Il affirme qu'on est de même niveau, mais la vérité, c'est qu'avec mon Oro-Shi, il n'a aucune chance !

• Merci à toi pour ta disponibilité et on vous souhaite le meilleur pour Croquemitaines ! 

Merci à toi ! Et j'espère que le Tome 2 vous plaira.

Croquemitaines tome 2 sera disponble le 17 mai prochain en librairie.

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