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par Republ33k - le 12/07/2017
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par Republ33k - le 12/07/2017

Céline Tran nous parle de Doggybags et Heartbreaker

Après une apparition dans le sixième tome de Doggybags, Celyna, alias Heartbreaker, personnage de Céline Tran, faisait son retour dans les librairies il y a peu avec Doggybags présente Heartbreaker, un ouvrage fidèle à l'esprit anthologique de la série-mère et bourré de réjouissances dignes des meilleurs Séries B.

Et à l'occasion de la sortie de cet album chez Ankama via le Label 619, nous avons eu la chance de discuter avec l'autrice et le modèle derrière la chasseuse de Vampires, Céline Tran, qui a eu la gentillesse de nous en dire plus sur le processus créatif de cet ouvrage et sur l'aspect auto-biographique de son héroïne.

Céline Tran, l'interview vampiresque !

• Heartbreaker était apparue dans le sixième Doggybags. Je voulais donc savoir ce qui avait à l'époque motivé sa création, quelle était la genèse de l'héroïne en somme ! Et je me demandais aussi ce qui avait pu changer entre cette première apparition et ce nouvel album, qui est intégralement dédié à son univers.

Heartbreaker est une idée de Run. Il m’a proposé il y a quelques années de créer un personnage à mon effigie et de co-écrire ses aventures. J’ai décidé de la baptiser Celyna, en hommage à Selina Kyle (Catwoman), personnage qui m’a beaucoup marquée étant petite. Nous étions d’accord sur un personnage qui serait héroïque mais sombre, une guerrière qui serait sexy mais qui ne jouerait pas sur son physique pour vaincre, il fallait éviter les clichés faciles. Run a eu l’idée d’une histoire de vampires ce qui à mon sens était parfait. Celyna devenait mon double, la figure symbolique de l’actrice X transposée en créature nocturne : une femme à la fois toute puissante et damnée, monstre et déesse. Le 1er tome est une présentation du personnage où l’on montre sa transformation d’humaine à Sepulkre, son rite d’initiation et son éducation en tant que tueuse. On termine avec une question existentielle : quelle est vraiment la quête de Celyna ? Cherche-t-elle la rédemption ?

Dans le 2eme tome, de nouveaux personnages interviennent, des intrigues se développent et il y a plus d’action. Mais pour moi, il est essentiel de garder en tête qu’elle n’est pas une justicière se battant pour protéger les faibles. Elle n’est plus humaine, c’est une morte vivante. Elle feint parfois l’émotion pour se fondre dans le décor mais en réalité elle ne ressent rien, l’empathie y compris. Bizarrement ça peut la rendre attachante. Comme tout prédateur, elle peut en revanche se montrer cruelle. Dans l’histoire que j’ai écrite, elle veut se venger de ceux qui l’ont transformée, en particulier de Karl, un chef de clan, mais elle se révèle vulnérable. Elle se cherche encore. Sa quête est personnelle, et c’est elle seule qu’elle veut sauver.

• Tu parlais de l'aspect personnel de Celyna. Et beaucoup d'auteurs ou scénaristes estiment qu'il faut toujours parler de quelque chose de personnel, qu'on connaît, tout en rappelant qu'il est dangereux de s'inspirer de sa propre personne pour créer un protagoniste. J'imagine que c'est un équilibre délicat à gérer et je voulais savoir si tu pouvais nous en apprendre un peu plus sur ce processus, en fait ! Comment tu gères tout cela de ton côté ?

C’était en effet délicat pour le 1er tome, c’était ma 1ère expérience en tant que scénariste. Je me suis tellement identifiée que ça m’a fait bizarre. J’ai dû apprendre à me détacher du personnage pour le laisser évoluer en fonction de la vision de chacun, les autres auteurs et dessinateurs. Pour ce 2ème volet, je n’ai eu aucun problème. Je mets toujours beaucoup de moi dans le personnage, absolument rien n’est anodin, mais je m’en amuse. Le principal pour moi est de proposer une double lecture ; derrière l’action et les jets d’hémoglobine il y a toujours en filigrane cette dualité actrice X/ vampire, Céline/ Celyna. L’évolution du personnage est à l’image de ce que j’ai pu moi-même traversée. Je pense que, qu’on le veuille ou non, on laisse toujours quelque chose de personnel dans ce qu’on écrit, notre expérience nourrit la psychologie de nos personnages, leurs choix. Comme pour le travail d’acteur, il ne s’agit pas de s’identifier mais d’apporter le maximum de sensibilité et de vécu pour que la fiction paraisse réelle.

• Et justement, par rapport à l'aspect collégial de la chose, comment avez-vous abordé, avec l'ensemble de l'équipe créative de cet Heartbreaker, l'élaboration du monde de l'héroïne, de son univers ? Le processus me rappelle beaucoup le milieu du comic book à l'américaine, ou plusieurs auteurs, avec des visions différentes, vont devoir s'emparer d'un même matériau ! Comment ça s'est passé pour cet album ? Quelqu'un a pris le lead ? Vous avez travaillé ensemble ? Chacun de votre côté ? Je prends toute anecdote !

En effet Run a repris une formule américaine et ce choix pour une diversité a vraiment rendu la collection Doggybags très riche et variée. Heartbreaker 2 a poursuivi la tradition en proposant 3 histoires avec à chaque fois un dessinateur et un auteur différent. Nous avions beaucoup plus échangé lors du 1er tome. À un point que Florent Maudoux et moi on s’était bien pris la tête ! Mais ça s’était révélé hyper constructif. Cette fois-ci les échanges ont été très limités. J’ai pour ma part transmis une note d’intention à Maria Llovet en charge de mon scenario « Blood Lust » et ensuite elle a foncé. Je dois dire qu’elle a très bien retranscrit ce que j’avais écrit. Sur les autres histoires je n’ai pu intervenir ; à mon grand regret car du coup quelques fautes ont à mon avis été commises.

Celyna étant très proche de moi, c'est mon bébé en quelque sorte, je ressens le besoin de valider ce qu’elle dit, ce qu’elle fait, bref, je suis chiante lol ! Bosser en équipe c’est super, mais il faut de la cohérence. C’est la raison pour laquelle vous trouverez Celyna avec les yeux bleus dans ce 2ème tome et vous la verrez se battre nue, une situation qui m’a embêtée. Et pour l’anecdote, Dodo, ma mascotte, qu’on a aperçu dans le 1er Heartbreaker , était censée être présente dans l’histoire « Blood Tells no Tales ». Imaginez ma déception quand j’ai vu un simple nounours ! J’en ai parlé à Sourya depuis. Il était désolé, il ne connaissait pas Dodo (quelle honte ! Hé hé) ! Du coup je lui ai demandé de me le dessiner comme lot de consolation.

• Tout est bien qui finit bien ! Mais tu parlais de ta vision du personnage. Or ces derniers temps on voit - enfin - les personnages féminins fleurir dans différents médias. Est-ce que cela t'a incité à revenir sur Heartbreaker ou à changer une facette de l'héroïne ? Parce ce que j'aime beaucoup dans cet album c'est que Celyna est certes présentée comme une héroïne badass dans un premier temps, et c'est à la mode, mais aussi fragile dans l'histoire qui clôt l'album, ce qui est déjà plus rare. Mais tu avais peut-être toujours eu ce développement en tête !

Le fait qu’on voie de plus en plus de personnages féminins ne m’a pas influencée. Le parcours de Celyna suit simplement le mien. Elle vit une quête initiatique. Investie de supers pouvoirs, elle pense dominer le monde, mais elle ne sait pas se dominer elle-même. Elle est pleine de rage, de peurs, elle ne pense qu’à se battre. Mais sa quête manque de sens et c’est la raison pour laquelle il est primordial qu’elle se confronte à certaines limites. Elle est loin d’être indépendante. Son lien avec Karl révèle son addiction. Celyna suit son instinct mais en faisant cela, elle se soumet à sa nature animale/monstrueuse. Le chemin est encore long à parcourir si elle veut se venger et se libérer. D’ailleurs, le souhaite-elle vraiment ? J’ai pensé initialement Heartbreaker comme une trilogie, c’était donc déjà prévu. En tout cas ravie que tu aies apprécié !

• Justement, puisque on parle de trilogie, pour terminer, je me demandais si tu avais des futurs projets dont tu aimerais nous parler, qu'ils concernent Celyna ou non d'ailleurs, même si ça serait amusant de la retrouver, peut-être dans d'autres médias ou sous d'autres formats ? 

Ah j’adorerais que les aventures de Celyna soient portées sur grand écran ! Ou en série ! Mais je reste dubitative sur une telle possibilité en France. Du fantastique et de l’horreur, voilà des genres qui restent sous-estimés. Affaire à suivre. Côté projets et bien toujours de l’écriture ! En BD pour de nouveaux projets, et un livre où je raconterai mon parcours et cette fameuse quête personnelle que j’ai évoquée. J’ai récemment lancé un blog www.maviedeninja.com et une nouvelle chaîne YouTube consacrée au sport Ma Vie de Ninja. J’ai aussi des projets en tant qu’actrice, peut-être de la télé aussi. J’espère pouvoir très vite annoncer de bonnes nouvelles !

En attendant je vous laisse suivre les aventures de @dodosuperstar sur Instagram !

• On ne manquera pas de suivre tout ça et on te souhaite plein de réussite pour ces futurs projets ! Et en tous cas ,merci pour cette interview ! 

On rappelle que Doggybags présente Heartbreaker est déjà disponible dans toutes les bonnes librairies aux éditions Ankama via le Label 619.

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