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par LiseF - le 28/03/2019
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par LiseF - le 28/03/2019

Christophe Alliel et Aurélien Ducoudray nous parlent de Maïdan Love, leur diptyque au cœur de la révolution en Ukraine

Hier est sorti le premier tome du diptyque Maïdan Love chez Grand Angle. Une initiative particulièrement intéressante, puisque les auteurs ont choisi de raconter ici l'histoire d'un conflit récent : la révolution en Ukraine, qui a abouti au départ du président Ianoukovytch. J'ai justement eu l'occasion de les questionner sur ce diptyque : Aurélien Ducoudray est au scénario et Christophe Alliel aux dessins. Le duo est décidément passionné par ce pays, puisqu'il signait également chez Grand Angle Les chiens de Pripyat, sur l'Ukraine post-Tchernobyl. Ici, ils nous plongent en plein dans l'action, avec un premier tome particulièrement réussi.

La puissance de la révolution

Dans Maïdan Love on suit l'histoire de Bogdan un jeune policier en passe de devenir "berkout", spécialisé dans le maintien de l'ordre. Sa petite amie s'appelle Olena : elle étudie à la fac et fréquente des intellectuels de gauche. Aucun des deux n'a encore conscience que le futur risque de les séparer.... Alors que Bogdan est hors de la ville pour sa formation, les émeutes éclatent sur la place Maïdan. Mobilisé pour faire face aux manifestants, le jeune homme va toute faire pour retrouver sa dulcinée. Dans sa quête, il va retrouver une capitale en proie au chaos...

La première question qui m'est venue en lisant Maïdan Love c'est : pourquoi avoir choisi de raconter ces événements, historiques mais encore très proches, en BD ? Aurélien Ducoudray me parle des éléments visuels qui l'ont tout de suite inspiré :

"Les images des manifestants, avec leur look Mad Max : on était très loin des images des révolutions arabes ! Tout de suite ça m'a interpellé, et ma curiosité a été piquée de voir quelles seraient les différences entre continents et entre révolutions. J'avais en réserve un schéma d'histoire se passant pendant une révolution, depuis un bon moment. La révolution roumaine m'a passionné quand j'étais ado, et j'ai toujours gardé cet idée du flic perdu seul contre tous au milieu d'une révolution : il suffisait d'attendre la bonne !"

La révolution ukrainienne a eu quelque chose de symbolique. Le peuple s'est massivement soulevé, malgré le froid et la brutalité du pouvoir en place. L'événement est aussi tristement célèbre puisque les autorités ont tiré sur la foule : 82 personnes sont mortes et 622 ont été blessées. Christophe Alliel a lui aussi été marqué par les images des affrontements :

"J’avais vu a l’époque les images fortes d'affrontements entre manifestants et policiers sous la neige. La puissance de ces photos et leur ambiance étaient fascinantes. Le froid terrible contrastait avec les explosions de cocktails molotov, feux de voitures, pneus, barricades. C’était dingue !"

Le choix des deux personnages principaux est particulièrement intéressant : Bogdan et Olena s'opposent par leurs rôles et caractérisent finalement une dualité typique de l'Ukraine en 2014. D'un côté, Olena est très informée politiquement, elle va  l'université et a des convictions. De l'autre côté, Bogdan cherche surtout a gagner sa vie à peu près correctement, et a confiance en son pays. Mais pourquoi avoir choisi de placer le lecteur du côté du policier plutôt que de l'étudiante ? Aurélien Ducoudray m'explique :

"Choisir un supposé méchant c'est toujours efficace, et je voulais un personnage tiraillé de toutes parts alors qu'il symbolise la puissance. En faire un gars perdu, comme moi j'étais perdu dans cet événement ! Comme nombre de téléspectateurs absolument pas au courant de la vie ukrainienne !"

Raconter un événement historique moderne

La bande dessinée historique est un genre en soi : mais souvent elle se situe dans la Renaissance, au Moyen-Âge, dans l'Antiquité ou même durant la seconde guerre mondiale... Rarement dans une période aussi récente. Même si Bogdan et Olena sont fictifs, les affrontements ont vraiment eu lieu et le risque d'être incohérent n'est jamais loin. Comment faire alors pour éviter de se tromper ? Christophe Alliel a plusieurs astuces pour trouver des éléments visuels.

"La documentation s’est faite en partie via des documentaires sur youtube, et des images trouvées sur le net. Je ne me suis pas rendu sur place mais j’ai pu me balader virtuellement dans les rue de Kiev en utilisant Google street view. Je l'avais utilisé dans Les Chiens de Pripyat. C’est un outil très pratique qui aide beaucoup à ressentir le lieu et approcher l'architecture."

Google Street View, c'est un outil que Fabien Toulmé a également beaucoup utilisé pour l'Odyssée d'Hakim. C'est intéressant de constater que les auteurs et les dessinateurs peuvent aujourd'hui raconter des événements très récents avec suffisament d'exactitude, grâce à ce type de service. Pour autant, Maïdan Love n'adopte pas un style complétement réaliste, notamment dans le design des personnages. Pour Aurélien Ducoudray, ce choix a un but scénaristique :

"C'est pour être plus près de l'émotion en fait, ce petit décalage permet de ressentir plus directement les grands écarts émotionnels des personnages, et j'adore ça, ce petit côté semi réaliste dans les visages, c'est un vecteur émotionnel parfait !"

Sans compter que même si les événements sont graves, le récit n'a rien de lourd. Bogdan va se retrouver à moitié nu dans les rues de Kiev suite à une succession d'événements malheureux, ou encore rencontrer un couple qui s'éclate à bloquer innocement les fourgons de policiers avec leur voiture. On rit aussi en lisant Maïdan Love, et un style très réaliste aurait alors semblé un peu décalé.

J'étais curieuse de découvrir Maïdan Love, parce que j'avais suivi de près à l'époque les événements se déroulant en Ukraine. Et mon verdict est sans appel : ce premier tome est une petite pépite ! À travers les rencontres de Bogdan, on plonge au coeur de ces événements à la fois terribles et si importants, qui ont marqué durablement l'Histoire de l'Ukraine. Dans le second tome, le duo nous racontera aussi l'après : Aurélien Ducoudray a même ajouté que l'histoire se terminerait... Sur des toilettes en or ! En attendant vous pouvez découvrir le premier volume au prix de 14,90 euros chez Grand Angle.

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