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par Elsa - le 6/10/2014
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par Elsa - le 6/10/2014

ElDiablo (Un homme de goût), l'interview

Après le très bon Pizza Roadtrip, Eldiablo et Cha collaborent à nouveau sur Un homme de goût. Ce polar, dont le premier tome se lit comme un one-shot, prouve une fois encore que le duo d'auteurs fonctionne particulièrement bien. Le trait plein d'énergie et de caractère de Cha, et sa mise en scène hyper cinématographique, répondent à merveille à l'écriture rythmée, captivante et aux dialogues toujours savoureux d'Eldiablo.

L'ex-flic Jamie Colgate réussit à piéger César Nekros, un dangereux criminel qu'elle piste depuis plus de 30 ans. Face au colosse ligoté, Jamie reprend le fil de l'enquête réalisée pendant toutes ces années, et nous raconte des crimes prenant places à des époques bien différentes...

Un homme de goût est construit sur un habile jeu de flashbacks qui nous fait faire plus ample connaissance avec Nekros. Ces différents épisodes ont chacun leur identité propre, car les auteurs appuient chaque époque, narrativement comme visuellement. Ainsi l'écriture, le ton des dialogues, mais aussi le dessin et sa colorisation changent d'un chapitre à l'autre, et le résultat est aussi original que réussi, nous immergeant plus encore dans le récit.

Des personnages charismatiques, une construction pleine d'intelligence et un dessin des plus efficaces, autant d'ingrédients qui font de ce polar une vraie réussite.

Eldiablo nous en dit un peu plus sur ce premier volume, de ses influences à cette nouvelle collaboration avec la talentueuse Cha.

Comment résumerais-tu Un homme de goût en quelques mots ?

 Il s'agit d'une histoire d'Ogre moderne. Mais pas un conte de Perrault. Plutôt un truc vu sous l'angle de l'enquête policière.

Comment est née l'idée de cette histoire ?

Plusieurs trucs: Déja petit j'ai toujours été fasciné par les personnages d'ogres, ces êtres flippants qui mangeaient de préférence les petits enfants. Un de mes premiers livres de jeunesse ça a été Le géant de Zeralda, que mes parents me lisaient.

Et puis surtout l'idée de raconter une histoire qui se déroulait sur plusieurs époques, un peu le principe du film Highlander, qui m'a beaucoup marqué aussi, plus jeune...

Vous aviez déjà travaillé ensemble avec Cha sur Pizza Roadtripp. L'idée d'Un homme de goût est-elle née suite à votre première collaboration ou l'avais-tu déjà en tête avant ?

J'avais cette idée en tête depuis plus de dix ans. J'ai déja fait des essais avec plusieurs autres dessinateurs (notamment Marc "Baskee" Bascougnano) mais que ça soit pour des raisons de vision différente ou tout simplement de calendrier, je n'avais jamais trouvé la personne adéquate pour partir sur ce projet. À la suite de ma première collaboration avec Cha (qui s'est super bien passée) j'ai eu l'idée de dépoussiérer ce projet et de le lui proposer. Elle a accroché, on est partis dessus... C'est l'avantage de se comprendre vite et de travailler avec la même vision.

As-tu effectué un gros travail de documentation en amont de l'écriture ?

Oui. Pas mal. Heureusement qu'Internet existe désormais. Il est assez facile de nos jours de se renseigner sur une époque, un mode de vie, une ethnie, des moeurs et coutumes... Le boulot de documentaliste en amont est à la fois très intéressant et enrichissant, et pour chaque époque, je me suis plongé dans des petites recherches, afin de ne pas dire trop de conneries et de ne pas verser dans l'anachronisme. Ceci étant, je m'accorde aussi une certaine liberté avec la réalité dans mes récits. Il s'agit avant tout de fiction, pas de roman historique.

Le récit d'Un homme de goût traverse plusieurs lieux et époques. Cha joue sur différents traitements graphiques pour les différencier et renforcer le récit. T'es-tu toi-même inspiré d'oeuvres pour l'écriture de chaque partie ? 

Oui, parfois. Mais pas toujours. Pour l'épisode parisien notamment, j'avais en tête évidemment ces récits un peu surranés qui traitent de jeunes provinciaux montés sur la capitale, à la Stendhal. Je me suis aussi un peu inspiré du Dracula de Stoker pour cet épisode, même si le lieu n'est pas le même. Pour Las Suertes, je me suis rebouffé quelques bons vieux polars des années 80, ainsi que Casino de Scorsese...

Plus globalement, quelles ont été tes principales influences pour ce titre ?

Les principales: Le géant de Zeralda, le Kurgan d'Highlander... Un peu aussi des films comme Hurlements (The howling) de Joe Dante, ou encore Society, qui traitent tous deux de sociétés secrètes vivant au sein de l'humanité en toute discrétion...

Comment s'est passé ton travail d'écriture (tout d'une traite, par chapitre....) ?

J'ai d'abord construit la colonne vertébrale de l'histoire, à savoir le face à face entre la flic et Nekros. Puis je me suis attaqué, chapitre par chapitre, à toutes les époques une par une. Il est à noter que la toute première histoire écrite pour le livre est celle qui se passe à Los Angeles. Je l'ai écrite il y a une dizaine d'années en fait, pour faire un test avec les dessinateurs.

T'es-tu inspiré de personnes, réels ou fictionnels, pour créer le personnage de Nekros ? Et celui de Jamie Colgate ?

Je risque de me répéter, mais Nekros emprunte pas mal au Kurgan, un peu également à Kaiser Sözé. Et peut-être aussi, finalement, au grand requin blanc des Dents de la mer.

Jamie Colgate porte sans doute en elle quelque chose de l'inspecteur Harry, et de Ripley (Alien). J'adore développer des personnages féminins forts. Son côté obsessionnel et névrosé lui confère un caractère de quasi illuminée. Un genre de Jeanne d'arc des temps modernes... ou Don Quichotte, au choix.

Comment s'est passé votre travail en duo sur ce titre ?

Toujours à la perfection. Cha a tout à fait le droit de me proposer de modifier des trucs qu'elle juge incohérents sur mes scénars (je l'en remercie d'ailleurs). Et elle a la grande bonté de me faire lire le découpage avant de passer à la mise au propre, ce qui me permet de lui faire ça et là de menues suggestions de mise en scène. Mais elle n'a pas vraiment besoin de moi. C'est une storyboardeuse née.

Tes bandes dessinées ont toujours un côté très cinématographique, que le dessin de Cha renforce. Tu es d'ailleurs auteurs de scénarios pour la bd comme pour le cinéma, l'animation... Quelles sont les contraintes d'écritures qu'imposent le format bd ?

Aucune, bien au contraire. Sur le plan formel, j'écris la BD de la même façon que j'écrirais un film, mais avec une marge de liberté beaucoup plus grande. Les enjeux financiers n'étant pas du tout les mêmes que sur un film, le nombre d'intermédiaires entre l'histoire originale et le produit fini est bien moindre. Je m'y retrouve toujours beaucoup plus sur une BD que dans un film réalisé par un autre, car moins de monde va donner son avis et imposer des modifications. À mon sens, on conserve ainsi le côté brut de l'histoire, et cela permet de beaucoup moins lisser ou édulcorer son propos original. Pour ça, la BD est fantastique!

Mathilde dans Pizza Roadtrip, Jamie dans Un homme de goût. Ce sont toutes les deux des personnages féminins forts, avec beaucoup de caractère, très loin des clichés qu'on retrouve encore trop souvent en bd, surtout dans le polar. Volonté ou simple hasard ?

Pure volonté de ma part. Entre ma femme et mes quatre filles (sans compter les filles avec qui je travaille, dont Cha et Ann Bonny -directrice de la collection Hostile Holster où sont publiés Pizza Roadtrip et Un homme de goût-), je suis cerné par les meufs. Je suis le premier à me rendre compte que la fragilité apparente de la femme est souvent trompeuse. Je suis heureux de pouvoir le retranscrire dans mes histoires.

Dans le long métrage LASCARS j'avais aussi développé le personnage de Manuella, femme flic pasionaria et un rien dominatrice...

Quelle serait la bande son idéale pour cette bande dessinée ?

Mhhh... Intéressante question. J'imagine qu'un truc un peu jazzy, genre Chicago années 30 pourrait pas mal coller à l'ambiance autour de Nekros. En même temps, l'histoire traverse tant d'époques que c'est assez difficile à déterminer, finalement. Peut-être un truc très sombre comme la B.O de Usual suspects, ou pourquoi pas aussi un truc de John Carpenter ! La musique de THE THING me fout des frissons depuis tout petit.

Un homme de goût se lit comme un one-shot, mais est annoncé comme un tome 1, peux-tu déjà nous en dire plus sur le deuxième volume ?

Je serai bref sur le sujet, ne dévoilons pas tout. Dans le deuxième volet, c'est Cesar Nekros qui mène la danse, et qui a la parole. Mais chuuuuut

À part lui, quels sont tes prochains projets ?

Concomittament nous travaillons toujours sur le tome 3 de Monkey Bizness, avec l'estimable Pozla, ainsi que sur la série NOTICIAS avec Julien Loïs, qui raconte des histoires du quotidien de la Favela de Rio.

Je suis aussi sur un projet de western dans la neige, avec Hugues Micol. Mais on est loin d'en voir le bout pour l'instant, tant l'homme est occupé.

Sinon, j'écris deux nouveaux longs métrages, et je termine la saison 2 des Kassos (sur canalplus.fr)

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