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par Republ33k - le 16/02/2016
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par Republ33k - le 16/02/2016

FIBD 2016 : Matz (Balles Perdues, Du Plomb dans la Tête), l'interview cinématographique

C'est au Latitude Pub, café angoumoinsin de référence dans lequel on peut croiser bien des auteurs de BD quatre jours par an, que nous avons pu rencontrer Matz, de son vrai nom Alexis Nolent, un scénariste à qui on doit des BD comme Le Tueur, Du Plomb dans la Tête ou plus récemment Balles Perdues. Mais ses histoires ne se limitent pas au neuvième art puisqu'il a également scénarisé bien des jeux pour Ubisoft et s'est vu adapté au cinéma par Walter Hill en 2012 avec Bullet to the Head.

Il nous a parlé de cette collobaration fructueuse avec le réalisateur, de l'influence de la musique sur ses travaux et de ses nombreux projets à venir, dont Corps et Âme, à paraître chez Rue de Sèvres le 16 mars prochain et à découvrir dans les salles obscures dans quelques mois !

 

Matz, l'interview cinématogrpahique

 

• En guise de première question, je me demandais si tu pouvais me raconter ta rencontre, depuis devenue collaboration fructueuse, avec Walter Hill, puisque tu as travaillé avec lui dans plusieurs sens, de la BD au film, puis du film à la BD :

J'ai rencontré Walter Hill pour la toute première fois lors du tournage du film Du Plomb dans la Tête, qui était l'adaptation de ma bande-dessinée de chez Casterman avec Colin Wilson. J'ai été invité sur le plateau, j'ai été à la Nouvelle-Orléans et à la sortie de l'avion j'ai rencontré Walter Hill et Stallone, c'était assez impressionnant et marrant ! Walter Hill était extrêmement déroutant, puisque mon premier contact avec lui c'était son assistante qui était venue me voir pour me demander : "monsieur Hill aimerait savoir si vous accepteriez de lui dédicacer un album ?" (rires) et j'étais bien sûr tout à fait d'accord à condition qu'on puisse faire une photo ensemble puisque je suis un grand cinéphile et il y a beaucoup de films de Walter Hill que j'ai vraiment beaucoup aimé, au fil du temps.

Le premier étant The Driver je crois, dans les années 70', que j'ai vu à sa sortie, avec Ryan O'Neal et Isabelle Adjani, et Bruce Dern, qui est un hommage au film Le Samouraï. On a beaucoup discuté et à la base Walter Hill est un scénariste, son premier travail dans le cinéma c'était le scénario de The Getaway avec Steve McQueen et on a discuté plusieurs fois. De fil en aiguille, lui m'a dit qu'il aimait beaucoup la bande-dessinée, et je lui ai demandé s'il n'avait pas des scénarios sous le coude, qui pourraient faire une bonne BD. Et c'est comme ça qu'est né Balles Perdues. Il a été très content du résultat et il est venu à Paris pour le lancement. On a alors discuté de faire quelque chose d'autre ensemble et c'est là qu'il m'a donné le scénario de Corps et Âme, et on a un dialogue fructueux, et permanent désormais ! J'espère qu'il y en aura d'autres.

• Par rapport à cette logique d'adaptation : les auteurs de BD américains sont habitués à cela, avec des films toujours plus inspirés des comic books, mais pas les auteurs français. De ton côté tu avais ressenti une quelconque forme de pression ?

Dans le cadre du Plomb dans la Tête il n'y avait pas du tout de pression parce qu'ils ont acheté les droits, et puis ensuite ils font le film qu'il veulent faire, moi j'ai été consulté une ou deux fois pour le scénario mais ça ne va pas au-delà de ça ! Non pas de pression c'est plutôt un plaisir de voir ce que d'autres vont en faire, surtout quand ce sont des gens du calibre de Walter Hill ou Stallone, voilà !

• Et si j'ai bien compris l'adaptation cinématographique de Corps et Âme est déjà en cours, n'est-ce pas ?

Le truc marrant c'est que le scénario a été écrit par Walter Hill, mais que le film et la bande-dessinée ont été développés simultanément, c'est à dire qu'un moment on a arrêté le scénario, et que moi je me suis occupé du découpage en cases de BD et lui a continué sur l'adaptation cinématographique. Le tournage est d'ailleurs déjà terminé ! Deux projets parallèles, en fin de compte. On verra bien ! On a fait une ou deux retouches en cours de route selon ce que Walter changeait mais à la limite c'est secondaire, puisque les deux choses peuvent être relativement différentes.

• Cette situation est inédite, maintenant que j'y pense ! Une BD développée au format franco-belge et au cinéma en même temps : vous êtes les premiers je crois !

Ca je ne sais pas ! (rires) C'est pas tout à fait du format franco-belge parce que c'est du 120 planches, 126, même, mais un journaliste m'a dit un jour que j'étais le premier scénariste de BD français adapté à Hollywood. Alors je ne sais pas si c'est vrai. 

• Il semblerait que Google soit d'accord avec ça ! C'est ce que j'ai pu lire en préparant cette interview ! Est-ce que ce statut se plaît ?

Bah oui ! C'est Walter Hill, c'est Stallone, Christian Slater... Et puis j'ai passé un bon moment devant le film, qui effectivement n'est pas comme la bande-dessinée mais c'est une adaptation, moulinée, avec de bons dialogues, de bonnes scènes d'action, c'est une bonne série B, voilà ! Après j'ai toujours le projet d'adaptation du Tueur, à Hollywood, mais bon ça prend beaucoup beaucoup de temps. Mais je suis très content de cela, c'est clair.

• Et justement quand tu travailles sur des BD, est-ce qu'il y a des influences cinématographiques qui te parlent, au-delà de ton amitié avec Walter Hill ?

Oui moi j'ai des goûts cinématographiques très éclectiques ! D'ailleurs je ne me limite pas au cinéma américain, j'aime beaucoup les western certes mais aussi des choses très variées, je pense qu'on peut puiser dans bien des choses différentes, je suis aussi un grand lecteur de romans, et c'est aussi une source d'influences importante. Après quand on s'attaque au découpage je pense pas nécessairement à un film en particulier. Mais ponctuellement, pour résoudre un problème de narration, je peux aller voir dans un film pour voir comment ça été fait, voir comment les autres on fait pour s'en tirer... Sans pour autant reprendre ce qu'ils ont fait, il y a pas d'influences précises pour Corps et Âme par exemple. Le Tueur c'est plus facile, entre Le Samouraï de Melville et la façon dont Sergio Leone distend l'action et la narration, là c'était plus évident !

• Revenons sur Corps et Âme du coup, qu'est ce que tu peux nous dire sur cet album, sans trop nous en révéler ?

L'intérêt de Corps et Âme, pour le lecteur comme pour moi, c'est la modernité de ce polar. C'est à dire qu'il se passe vraiment aujourd'hui, et qu'il ne pourrait pas se passer ailleurs qu'aujourd'hui, parce qu'il y a des contingences techniques et technologiques qui font que ça ne peut que se passer aujourd'hui.

Quand j'ai reçu le scénario Walter Hill m'a dit "c'est l'histoire d'un tueur professionnel" et quand j'ai reçu ça je me suis dit "encore une historie de tueur professionnel, j'en peux plus ! Treize d'albums du Tueur, trois albums du Plomb dans la Tête, Balles Perdues..." mais il voulait que je le lise alors je l'ai lu, et oui c'est un polar mais avec quelque chose en plus. Donc il y a vraiment quelque chose d'inédit dedans, d'original, de drôle, de surprenant et qui pose des problèmes intéressants. Pour moi ce n'était pas une répétition et pour le lecteur, ça sera amusant à lire.

• J'ai lu que la musique avait énormément d'influence sur ton travail, est-ce que c'est parce que tu l'utilises pour t'inspirer, pour travailler ? 

Oui c'est sûr que je travaille en musique. Peut-être qu'on dit ça parce que mes deux premières BD étaient très influencées par l'univers du Blues, bon. Ensuite, oui la musique a beaucoup d'influence sur moi, même si la plupart du temps les gens sont surpris d'apprendre ce que j'écoute... (rires)

• Tu oserais nous le dire ?

J'écoute du Funk et du Jazz Funk, et du Reggae aussi, j'ai grandi aux Antilles, donc j'écoute de la musique Antillaise ! 

• C'est pas vraiment l'atmosphère polar donc ! 

Ah je ne sais pas, le Funk, le Jazz Funk, il y a quelque chose ! Ils sont dans l'affiliation du Blues donc il y a vraiment, même dans les paroles, des thématiques sociales, même si c'est une musique plus festive et joyeuse. Les gens s'imaginent toujours que j'écoute du Rock ou des choses très sombres mais pas du tout ! Je n'aime pas spécialement le Rock, je n'ai pas grandi avec, ce n'est pas ma culture, donc je pense que la musique a beaucoup d'influence sur moi mais que ça ne se traduit pas directement ! 

• Je note que tu as reconduit ta collaboration avec Jef, après Balles Perdues, pour Corps et Âme. C'est important pour toi de travailler avec le même dessinateur ?

Ah oui on s'entend très bien, il travaille très bien, il a un style intéressant, en plus il est très pro' dans son approche, et c'est important. Il va vite aussi, très vite, c'est sa façon de faire, il travaille comme un fou, et il a un style, on le reconnaît, on ne le confond pas avec quelqu'un d'autre, et lui aussi c'est un grand amateur de Funk ! Donc on a des centres d'intérêts communs et il était très content de travailler avec Walter Hill évidemment. C'est aussi un cinéphile.

• En tous cas dans Balles Perdues la synergie entre vous deux était perceptible !  Dis-moi, en dehors de Corps et Âme, qu'est ce qui t'attend cette année ? 

(il dévore une tartine commandée au préalable ce qui lui permet, il me l'avoue, de réfléchir à la question)

En termes de sorties, pas grand chose. En revanche j'ai pas mal de projets en développement, et notamment, dans les choses sûres, un Western avec Jef, un Western un peu spécial en termes de découpage et de narration, l'idée étant de ne pas faire un Western classique mais un Western un peu éclaté, un peu à la Frank Miller, et puis j'ai une autre BD que je développe avec Leonard Chemineau, dans la collection pour laquelle on a fait Julio Popper, l'idée c'était de faire des One-Shots, qui traitent de la vie de personnes réelles, aux destins hors du commun, et qui sont un peu tombées dans l'oubli.

On a deux trois personnages en tête, on en fait un pour le début de l'année prochaine - en même temps sortira mon Western avec Jef - et puis les autres ne sont pas signés donc je ne préfère pas en parler (rires) mais ce sont des projets assez différents : aventure, polar, chez différents éditeurs, notamment un polar dans le monde du foot sur lequel je travaille là, et qui devrait voir le jour en fin d'année ou en début d'année prochaine, parce que je suis un fan de foot en plus du Funk !

• Comme une grande partie de la rédac' ! Je rebondis sur ce que tu disais sur le Western puisque j'ai pu rencontrer Xavier Dorrison et Ralph Meyer pour Undertaker (interview à venir sur 9emeArt, en vidéo), et je trouve qu'il y a un retour en force du Western. Ca te parle ?

Moi en grand amateur du genre, ça me plaît bien ! J'adore les western, j'adore les films, j'adore les BD, quand j'étais petit je lisais et relisais en boucle Blueberry, et d'un point de vue de lecteur je trouve ça pas mal aussi, parce que ce sont de bon westerns qui sortent, je pense à Undertaker, Buffalo Runner... De bonnes histoires, de bons dessinateurs, c'est de la qualité ! Ca m'embête un peu maintenant que j'en fais un parce que ça va être un Western parmi tant d'autres mais bon !

• D'un côté, le concept d'un Western "à la Miller" est alléchant. Il a toujours eu une approche Western sans jamais s'essayer au genre, finalement !

Exactement ! Je me suis dit qu'il y avait une histoire à faire, quelque chose de plus grand que nature, et en repensant à Miller je me suis dit que c'était peut-être la bonne approche ! On est dans cette idée là. Mais pas de noir et blanc, graphiquement je pense qu'on va essayer de faire correspondre le côté épique avec le découpage, ne pas être dans quelque chose de conventionnel. Après je pense que le style de Miller vient de l'alternance des plans, gros plans, plans très éloignés, un jeu là-dessus et c'est ça qui nous intéresse ! 

On ne manquera pas de suivre tout ça avec attention ! Merci pour cette interview Matz !

crédit image : © Sibylle Ristroph

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