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par Elsa - le 5/11/2014
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par Elsa - le 5/11/2014

Kerascoët (Paper Dolls) : l'interview

À la simple évocation du nom Kerascoët, une foule d'images envahissent l'esprit. La silhouette fragile et forte de Miss Pas Touche, celle envoûtante de Beauté. L'atmosphère étrange et sublime de Jolies Ténèbres. Bien d'autres encore continuent d'affluer, faites de personnages légers et pétillants et d'un bestiaire fascinant. Dans la bande dessinée, l'illustration, la publicité, le duo livre un travail en perpétuelle ébullition, surprenant, délicat, poétique et puissant.

C'est tout cela que se propose de nous faire redécouvrir (ou découvrir, pour ceux qui ne les connaissent pas encore et vont pouvoir se délecter de tout cela avec la saveur des premières fois) Paper Dolls, un superbe artbook qui parait aujourd'hui, mercredi 5 novembre 2014, au sein du label VenusDea. Véritable retrospective du travail du duo sur les dix dernières années, ce livre-objet de plus de 300 pages offre un regard à la fois complet et neuf sur le, voir les, univers des Kerascoët.

Derrière la couverture en tissu, les centaines de dessins, croquis ou illustrations finales, sont classées par ambiance de couleurs, nous amenant à nous promener plutôt que de suivre doctement un parcours parfaitement tracé. Travail pour la publicité, cases de bd, oeuvres encore plus personnelles et parfois jamais vues, le livre nous offre un voyage riche en surprises, en beauté, et parfois en frissons. Des papercuts s'immiscent parfois au fil de la lecture, la rendant encore plus ludique. 

Passionnant, superbe, riche, multiple et fort, cet artbook est à la hauteur d'un duo d'artistes au talent vibrant. La sensation d'être devenu minuscule et de s'être immiscé au sein même de leur atelier.

Marie et Sébastien, les deux dessinateurs derrière Kerascoët, vous racontent plus en détails ce livre, et leur travail.

Que représente cet artbook pour vous ?

C’est un bilan de plus de 10 ans de travail. Nous avons essayé de montrer qu’il y a malgré tout une cohérence dans un travail qui semble partir dans toutes les directions…

Comment s'est passé votre travail sur la construction de cet artbook ?

Nous avons travaillé en collaboration avec nos éditrices (Barbara Canepa et Clotilde Vu) et avec Matteo De Longis sur le graphisme et la structure du livre. Ce qui nous a permis de sortir les images du contexte dans lequel celles-ci ont été crées afin de les confronter d’une manière nouvelle les unes aux autres. Cela a donc été d’abord un travail de déconstruction puis de reconstruction. Un loooong travail. Il y avait beaucoup de dessins dans tous les sens et trouver un chemin de fer n’a pas été une mince affaire.

Vos couleurs sont mises à l'honneur dans ce livre, elles sont aussi très importantes dans vos dessins. Dessinez-vous en les ayant déjà en tête ou sont-elles un champs d'expérimentation qui suit celui du dessin ?

Pour Marie, les couleurs font partie intégrante du dessin, elles ne viennent pas en parallèle, elles sont le dessin au même titre que le trait. Elle dessine en couleur.

Pour Sébastien, c’est un peu différent. Je n’arrive pas à me projeter dans de la couleur si le dessin n’est pas déjà là. Pour moi il faut absolument que le dessin soit déjà complètement cohérent et juste… ce n’est pas la couleur qui va me permettre de «corriger» un dessin qui ne fonctionne pas, j’ai besoin que ça fonctionne au départ et que la couleur soit un bonus, une couche en plus… le plus dur étant toujours de savoir à quel moment s’arrêter.

Cet artbook montre que vous utilisez une multiplicité de techniques, de support, de mediums. Est-ce quelque chose que vous provoquez pour toujours vous réinventer ?

Oui, les outils créent la surprise dans le dessin, chaque médium nous amène vers une voie qui lui est propre. Il y a également le fait que lorsque l’on maitrise très bien son outil, le dessin peut devenir trop « technique » et perdre un peu de son âme et de son charme. Pour nous, remettre en question nos « acquis » est un moteur qui nous force à trouver constamment de nouvelles manières d’aborder les choses, sans recette et sans systématisme. Parfois ça marche… mais nous n’avons pas TOUT mis dans le artbook, notre poubelle est vidée assez souvent aussi.

Même s'il est riche et complexe, comment définiriez-vous l'univers Kerascoët en quelques mots ?

Marie n’espère pas avoir à le définir. C’est pour cela que nous avons fait ce artbook d’ailleurs.

Nous évoluons avec le temps… nous essayons que notre dessin reste ouvert et vivant avant tout. Sinon, tout est possible, cela dépend de l’envie du moment.

Travailler en duo est-il plus simple, ou au contraire une contrainte stimulante ?

Nos dessins sont très différents dans nos façons de l’aborder, dans nos techniques, dans nos références… Certes nous sommes très complémentaires, mais ce sont en fait deux recherches qui se rejoignent et non une recherche commune. Au point de vue du temps de travail et de l’efficacité c’est vrai que c’est plus simple ce travailler ensemble. Au point de vue de nos envies personnelles, de nos choix, de nos personnalités ce n’est pas toujours évident même si cela reste en effet une contrainte stimulante.

Vos personnages humains sont majoritairement féminins. Simple hasard ou volonté ?

C’est essentiellement Marie qui fait vivre les personnages et c’est ce qui lui vient spontanément.

Qu'est ce qui vous inspire ?

Un peu de tout, des images, la fiction, une tache… les choses belles comme les choses laides.

Le bestiaire très riche que vous inventez continue-t'il de vivre à vos côtés, ou rendez-vous leur liberté aux personnages une fois le livre, le dessin terminé ? Lequel de vos personnages vous a le plus marqués ?

Une fois un livre terminé, nous passons à autre chose. Il n’y a guère que le sujet de Jolies Ténèbres qui trotte encore dans la tête de Marie. Mais sinon nous sommes comme dépossédés lorsque le livre sort, nous ne les ouvrons plus, ils vivent leur vie sans nous.

Votre trait léger et joyeux vous a permis d'aborder des sujets très durs avec un petit décalage qui les rend moins insoutenable. Cela fonctionne-t'il aussi pour prendre de la distance au moment de votre travail ou certains passages ont-ils été difficile à dessiner, raconter ?

Cela fait partie du challenge… tout est difficile à raconter et à dessiner simplement et efficacement. Notre but, c’est que ce que nous racontons soit avant tout lisible et vivant. Nous ne prenons pas de distance aux moments difficiles, au contraire, nous essayons d’être vraiment dedans. Pour Jolies Ténèbres il y a eu des passages particulièrement pénibles à mettre en scène et à dessiner.

Y'a-t'il d'autres thématiques, d'autres périodes, que vous avez envie de traiter ?

Nous avons envie de faire des ouvrages plus tournés vers la jeunesse, des livres plus légers.

Quel est votre conte, ou personnage de conte, préféré ?

Pour Marie : Tom Pouce

Pour Sébastien : R2D2

Quelle oeuvre d'un autre artiste a provoqué en vous votre la plus forte émotion, le plus grand choc ?

Pour Marie : Gus Bofa

Pour Sébastien : Hayao Miyasaki

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?

Nous travaillons sur plusieurs projets d’albums et de livres illustrés ainsi que des projets audiovisuels. Nos prochains livres à paraître sont les tomes 3 & 4 des Tchouks, qui vont attaquer un château et faire un tour de manège.

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