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par Elsa - le 12/12/2014
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par Elsa - le 12/12/2014

Quai des Bulles 2014 : l'interview de Pochep (Dress Code/New York 1979)

En septembre et octobre dernier sortaient successivement New York 1979 (chez Fluide Glacial) et Dress Code (chez Vraoum), deux bandes dessinées de Pochep

New York 1979 met en scène (parmi beaucoup d'autres personnages) un super-héros qui peut tisser des textiles incroyables, et un duo de flics qui s'accroche fermement aux années 70. Pré-publiée dans Fluide Glacial, cette bande dessinée nous plonge donc dans un quotidien qui fonce droit dans le mur des années 80, entre tragédie inévitable, rocambolesques aventures de ces justiciers, et dialogues absurdes absolument hilarants.

Dress Code, lui, est une compilation retravaillée des notes de blog de Pochep. On y retrouve plusieurs personnages, films, genre cinématographiques malmenés par l'humour de l'auteur, pour un résultat complètement dingue où les apparences sont à mille lieux de la réalité, et où finalement le quotidien rattrape même les héros les plus musclés.

Ces deux titres n'ont pas de liens l'un avec l'autre. On retrouve cependant dans les deux l'univers décalé de Pochep, où les personnages oscillent entre innocence et stupidité, pour un résultat aussi touchant que très très drôle. Il y a tout à coup du premier degré dans le fantastique, et du farfelu dans le quotidien. 

Pochep était présent à Quai des Bulles, et a répondu à nos questions concernant ces deux titres.

Peux-tu nous raconter ton parcours ?

Je suis venu à la bd assez tardivement. J'en ai fait quand j'étais ado, puis il s'est passé une période de 10-15 ans où j'ai vraiment fait autre chose. Je ne dessinais pas du tout, j'en lisais assez peu.

Le temps passait, et l'envie est revenue. Raconter des choses, mettre en scène. C'est revenu comme ça.

Je ne connaissais personne dans le milieu. Je ne faisais pas les festivals, je n'avais aucun contact avec les gens de la bd. J'ai répondu à l'annonce d'un petit éditeur qui n'existe plus aujourd'hui, 7ème Choc. Il cherchait des projets. J'ai proposé un truc et il m'a dit ok. Très vite j'ai sorti un premier album. Je pense que ça n'était absolument pas le bon moment, parce qu'en étant complètement inconnu, ça a été un échec total.

Mais cet éditeur m'a conseillé d'ouvrir un blog. Ça existait depuis des années, mais j'avais très peu de regard sur tout ça. Au début j'ai tâtonné, puis finalement je me suis pris au jeu. J'ai créé un tas de personnages, des séries. Ça a été une très bonne vitrine pour moi, et ça m'a permis de commencer à établir des contacts.

Après les choses se sont mises en place petit à petit. J'ai pu bosser sur les Autres Gens. J'ai fait un épisode classique, et j'ai eu la chance de faire les résumés, les LAG mag. J'avais quand même carte blanche.

New York 1979 et Dress Code sont mes cinquième et sixième albums. 

J'ai rencontré plein de gens qui font que d'un seul coup mon travail circule mieux, on le montre à d'autres. On me propose de participer à des trucs. j'ai fait pas mal de collectif. J'ai participé à des aventures comme Alimentation Générale, Mauvais esprit. Des choses qui n'existent plus mais qui, à un moment donné, essaient de déblayer le terrain. Je travaille avec la Revue dessinée aussi. Je suis assez content de ce qui se passe.

Tes deux bd sortent quasi simultanément. Est-ce un hasard éditorial ou as-tu travaillé sur les deux en parallèle ?

J'aurais préféré qu'ils sortent de manière plus espacée. Les deux m'ont été proposé un peu en même temps. 

Wandrille (Warum et Vraoum) pour Dress Code. J'avais déjà travaillé avec lui en 2011 sur Traboule. Il voulait reprendre une partie de mes notes de blog. Il y avait un gros travail de remise en forme à faire, rajouter des choses, réécrire des trucs. 

Et Fluide, avec qui je travaillais, et qui à la fin de l'année ont évoqué l'idée de l'album. Ils l'envisageaient pour le mois de septembre. On a posé des deadlines, qui ont bougé un peu.

J'ai pris du retard sur Dress Code, qui aurait dû sortir avant. Les deux calendriers ont fini par se resserer, se croiser.  Mais c'est un peu le hasard. J'ai fait pas mal de collectifs, et là d'un coup j'en ai deux sous mon seul nom. Je suis hyper content.

Dress Code, c'est au départ une reprise de tes notes de blog. Comment est venue l'idée d'en faire une bd qui tourne autour du cinéma, de la fiction ?

Souvent j'aborde des choses un peu... C'est très référencé. Sur les super-héros, les séries télé. Ce sont des choses qu'on retrouve aussi dans New York. C'est quelque chose que j'aime assez exploiter, pour essayer de déformer tout ça, en tirer un maximum.

Pour Dress Code, on a fait un tri avec Wandrille, et on a décidé de rester sur ces personnages un peu récurrents. Se cantonner à ces personnages-là. Ne pas faire 50 histoires différentes, mais plutôt en faire revenir quelques uns. Ensuite il y a eu l'idée de composer l'album comme si c'était un recueil de comics.  C'est pour ça que c'est rythmé par des fausses couverture. On retrouve un épisode d'un personnage, puis un autre etc.

Par contre, New York 1979 est-il une création en dehors du blog ?

À la base, la toute première histoire, c'est quelque chose que j'avais mis en place sur le blog. Après quand j'ai commencé à travailler avec Fluide, j'essayais de trouver une voie d'accès, quoi développer, et ça, ça m'avait semblé une bonne idée. Il y avait un potentiel à développer. Eux étaient preneurs.

J'ai retravaillé cette première histoire, ça m'a permis ensuite de développer ensuite plein d'autres choses, et de rester sur cette thématique des formes, les couleurs, les motifs, en restant calé à cette époque. Et dans le discours, ces personnages rivés à leurs caractéristiques. À la mode d'une époque qu'ils ne veulent pas lâcher, alors qu'inévitablement ça va mourir très vite. Ça a donné de la cohérence à l'ensemble, que ces personnages si différents aient finalement un peu la même préoccupation.

Justement, il y a plusieurs personnages assez forts, et différents les uns des autres. Comment s'est passé ton travail d'écriture ? Est-ce que tu les a créés en amont pour les faire vivre ensuite ?

Non. C'est un peu un défaut, mais je n'écris pas beaucoup. Quand je démarre une histoire c'est souvent à l'instinct, sur une situation. Des fois il y a vraiment une micro situation, je n'ai ni le début ni la fin. Ensuite je commence à dessiner, et les choses se mettent en place petit à petit. Parfois avec des accidents de parcours. Je pars sur une piste qui n'est pas la bonne.

Dans Fluide on a un espace de pages, quatre ou cinq pages, qu'on peut difficilement dépasser. Donc pour des choses qui devraient être développées en dix pages, ça m'oblige à revenir, à revoir toute l'écriture, dynamiser certaines choses.

Mais lorsque j'écris en amont, je n'ai plus envie de le faire. Si tout est écrit, je trouve ça dommage. 

Est-ce que tu as réalisé un gros travail de documentation ?

Oui. Je pense que c'était important dans cet album, pour bien montrer les choses. J'appuie un lieu, j'appuie une date. On a tous des images de cette époque, donc c'était important de restituer ça en partie.

Sur les fringues, le but c'était aussi que je m'amuse et que j'essaie de varier un peu la manière dont ils étaient habillés, coiffés. Surtout les personnages dans les décors. Il fallait que ça bouillone derrière, en couleurs, en matières, en forme.

Sur internet, il y a des gens qui ont scanné des catalogues américains de vente par correspondance entiers, de l'époque. Donc j'avais toute l'année 1979, ils ont scanné mille pages, deux mille pages. C'est assez drôle de se balader dedans, il y a des trucs complètement improbables. Et découvrir ça c'était tellement jouissif, j'avais envie d'en faire passer une partie. Dans l'album, il y a des pages de catalogue, qui n'ont pas été publiées dans Fluide.

Quand je bossais sur l'album, certaines pages étaient assez denses et je cherchais des respirations. Et ces pages de catalogues me sont revenues. C'était un bon moyen de rester dans le sujet, et en même temps d'alléger un peu le rythme. Et j'ai même réussi à raconter une histoire dans ces pages, je me suis vraiment amusé à faire ça.

Au niveau de Dress Code, est-ce que la sélection de ces personnages a été spontanée ?

Par exemple pour Fag West, à la base c'est le concept de Walnut Grove, La petite maison dans la prairie. J'aime bien mettre en contradiction des choses. Dress Code c'est ça. Des gens qui ont une apparence. Le monde extérieur leur donne tout de suite une identité ou un sens en fonction de ce qu'ils portent, alors qu'au fond d'eux-même ils n'ont carrément rien à voir. Ça crée toujours un décalage ou un malentendu.

Et mettre ce shérif gay au milieu, un truc qui n'a jamais été traité dans la série, ça crée ce décalage. Parce qu'on est dans un univers très puritain, très convenu. Et puis l'image du cow boy viril est un peu déstabilisée. Même si le cow boy que je mets en scène, qui est à la base fondé sur mon avatar, lui ne se pose pas vraiment de question sur ce qu'il est. Mais lui, au milieu de ça, ça crée des malentendus.

Lady Oscar fait typiquement référence à cette ambiguité qui est déjà dans le dessin animé. Mais l'idée c'était de pousser l'ambiguité au maximum, ça confine à l'absurde. Le lecteur sait très bien à qui on a affaire, mais les personnages autour sont complètemernt à côté de la plaque.

Anatomicor ne fait pas référence à un personnage en particulier, c'était vraiment le plaisir de dessiner cet écorché.

Et La Ligue, c'est quelque chose que j'avais développé pour Mauvais Esprit. J'avais déjà traité les super-héros. L'idée c'est de confronter ces personnages dont on attend qu'ils soient forts, droits, avec des choses très matérielles, très concrètes. Dans le cas de La Ligue, des choses très administratives. C'est toujours ce croisement du merveilleux et du banal. Comment ils interagissent, et comment le banal finit par dévorer le merveilleux.

Ces deux bd accordent une grande importance aux costumes, aux tenues... Es-tu un amateur de mode toi-même, ou est-ce juste un thème que tu trouves drôle à développer ?

Pas spécialement. Quand on me voit, je ne suis pas une fashion victim. Mais j'aimerais. Il y a des gens qui portent des choses audacieuses par les formes, les couleurs. Je n'ai jamais osé franchir ce pas, alors je me défoule dans mon travail.

Après, j'ai fait l'expérience de la couleur, du motif. Je pense que c'est aussi quelque chose que je vais devoir dépasser. J'ai deux albums où la question de l'apparence vestimentaire, capillaire etc est très marquée, il ne faut pas non plus que je ne parle que de ça.

Est-ce qu'il y a un plaisir particulier à bousculer et à se réapproprier des monuments de la pop culture notamment ?

Ah oui. C'est surtout se les approprier. C'est l'appropriation qui ensuite crée le fait qu'ils soient malmenés. Mais c'était ramener, quelque part, tous ces personnages à mon niveau.

J'imagine que ça le fait à beaucoup de personnes. Quand on est vraiment fan d'une série, d'un film, on a du mal à sortir de ça. On s'imagine de nouvelles histoires. Et puis, il y a tout ce qu'on ne voit pas, les temps morts. On ne les voit pas se réveiller, se brosser les dents. C'est toujours le statut de la personne mise en valeur. Et les imaginer dans d'autres situations, c'est faire en sorte qu'ils soient plus proches de nous.

Il y a beaucoup de super-héros dans tes deux bd. Quel est son super-héros préféré ?

De tous ceux qui existent, c'est Spider-man. Peter Parker c'est pour moi LE héros. Surtout quand on le voit sans sa tenue.

Quelles techniques as-tu utilisées pour ces deux titres ? 

J'ai travaillé de la même manière sur les deux. Je procède de manière très éparpillée. Je crayonne, je mets au feutre, et ensuite je regroupe tout sur Photoshop, et là je commence à tout cuisiner sur Photoshop, même la mise en page des planches, parce que finalement même pour une même case, s'il y a quatre personnages, il est fort possible qu'ils soient dessinés sur quatre feuilles à part, et je vais tout retravailler à ce moment-là.

Ce qui me plait beaucoup... Je disais tout à l'heure que j'ai un gros défaut d'écriture, mais un autre défaut, enfin je ne sais pas si c'est un défaut, mais ce qui me plait, ce qui va me motiver à chercher, à composer, c'est que même ma case ne soit pas établie au niveau du crayonné.

Tous les éléments arrivent sur Photoshop, et j'ai encore une énorme marge de manoeuvre pour placer les trucs, les faire disparaitre...

Quels sont tes prochains projets ?

Là je vais continuer avec Fluide.

Sur New York 1979 ?

Ça a été évoqué. Au début je n'étais pas trop d'accord, j'avais peur de me répeter. Après je me suis dit que non, qu'il y avait peut-être la possibilité de poursuivre le concept le temps d'un album. Mais en le mettant sur le fil. Tout se déroulerait le dernier mois de l'année 1979, et la dernière histoire se déroulerait le 31 décembre 1979.

Mais pour l'instant je leur ai livré complètement autre chose. Je me donne un peu de temps.

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