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par Elsa - le 25/03/2014
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par Elsa - le 25/03/2014

Salon du Livre de Paris 2014, l'interview d'Ulysse Malassagne (Jade)

Jade, c'est l'histoire d'Harry. Arrivé au Tibet la tête remplie d'idées reçues sur ce pays complexe, il est à la recherche de Jade. Et il est prêt à tout pour la retrouver.

Cette bande dessinée d'aventure signée Ulysse Malassagne est un one-shot ultra rythmé au milieu des montagnes tibétaines. L'auteur utilise avec talent ses deux domaines de prédilection (la bande dessinée et l'animation) pour nous offrir une mise en scène fluide, vivante, dans un univers riche et captivant. Ce titre ado-adulte est un bel hommage aux récits d'aventure classique, mais avec une surdose d'énergie des plus agréables.

Ulysse Malassagne était présent au Salon du Livre de Paris, on en a donc profité pour lui poser quelques questions sur son travail.

Peux-tu nous raconter ton parcours ?

Je suis sorti d'un Bac STI option Arts Appliqués, et je suis rentré à l'école des Gobelins. J'y suis resté trois ans, en formation cinéma d'animation. En sortant, j'ai commencé à travailler dans le domaine de l'animation, et en parallèle sur des projets de bande dessinée.

Depuis je fais ça, je navigue un peu entre les deux. J'ai monté un petit studio d'animation avec des amis, le studio la Cachette. On essaie de réaliser nos dessins animés persos, nos courts-métrages. Et de mon côté je fais aussi de la bd, chez Ankama et Glénat pour l'instant.

Comment raconterais-tu Jade en quelques mots ?

C'est une histoire d'aventure, un peu inspirée des bd comme Tintin ou Spirou. Des héros un peu colonialistes qui vont dans un pays 'exotique' et se confrontent à une autre culture.

C'est l'idée que je voulais explorer dans cette bd-là. Avoir un héros un peu anti-héros, un peu colonialiste, qui se heurte à une culture qu'il ne connait pas.

Dans le fond c'est ça, et sur la forme c'est une chasse au trésor pleine d'action et de rebondissements.

Comment est née l'idée de cette bd ?

À la toute base, c'était une espèce d'improvisation que j'ai faite un soir, en me disant que j'avais envie de faire une bd d'aventure, et que je voulais, sans trop réfléchir, trouver un héros, un contexte, et me lancer. Faire quelques pages comme ça, en couleurs directes.

J'ai fait 3 ou 4 pages d'une scène d'action, j'ai inventé les personnages assez vite.

J'ai mis ces planches sur internet, et un éditeur qui n'existe plus, Maonolo Sanctis, m'a contacté pour me proposer d'en faire un album complet. J'avais le contexte, les personnages, mais l'histoire, je l'ai inventée après coup.

Et les premières pages de la bd sont ces pages improvisées, c'est pour ça que le récit démarre un peu sur les chapeau de roues, ça n'était pas prévu pour être un grand récit à la base.

À partir de là j'ai brodé, je me suis dit que j'avais envie de garder le contexte politique, un peu sous tension. La Chine et le Tibet, c'est une histoire complexe. J'ai fait des recherches, j'ai essayé de comprendre comment ça fonctionne. C'est un peu le bordel pour comprendre toutes leurs relations. Du coup j'ai mis un peu de mes recherches à la fin, pour essayer aussi de clarifier le sujet pour mes lecteurs.

Et justement, qu'est ce qui t'a donné envie, qu'est-ce qui t'a touché dans la situation du Tibet pour en faire une bd ?

C'est hyper intéressant parce que c'est une histoire de culture, de frontières. Il y a tout un contexte pour faire quelque chose de dramatique, historiquement en tout cas. C'est incroyable comme situation.

Et puis je ne sais pas, je n'ai jamais mis les pieds au Tibet, mais étonnamment, c'est un pays qui m'attire depuis un certain temps, depuis le collège je crois. Je regardais des bouquins d'histoires et de géographie sur le Tibet, sur cette région-là en particulier. Je la trouvais hyper attirante. C'est désertique, en grande partie des montagnes et de la roche. Ça a l'air très spirituel.

Je dis « ça a l'air » parce qu'avec les recherches que j'ai faites, je me rends compte qu'on idéalise pas mal ce pays. Quand on est occidental, on a une vision de quelque chose de très spirituel, d'un endroit où il n'y aurait que des moines.

Oui, il y a beaucoup de moines et la religion bouddhiste est très présente, mais il y a plein d'autres aspects qu'on n'a pas forcément en tête. Je trouvais ça intéressant de travailler là-dessus.

Tu parlais de tes recherches sur la situation. Mais comment s'est globalement passé ton travail de documentation ?

J'ai lu beaucoup de bouquins. J'avais commencé par lire des livres assez précis, des entretiens avec le Dalaï Lama, des choses comme ça. Avant de commencer la bd, par intérêt personnel. À partir de là, j'ai regardé des reportages, des bouquins d'histoires, des choses assez variées. Je suis tombé sur un livre, je ne me souviens plus du nom des auteurs, mais ils reprenaient un peu toutes les idées reçues qu'on pouvait avoir sur ce pays-là. Ils les analysaient d'une façon très neutre, la plus objective possible en tout cas.

Il y a une certaine propagande dans les deux camps. Les pro-chinois ont leur propre vision de la situation, mais ceux qui défendent le Tibet ont parfois des idées qui ne sont pas les bonnes non plus, ont tendance à idéaliser le pays.

J'étais un peu dans la même situation que le personnage. J'avais des idées toutes faites, et je trouvais important de m'en détacher, et d'essayer de voir ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. C'est presque quelque chose qu'il faudrait que j'exploite dans une suite à Jade. Parce que c'est tellement riche et complexe comme situation qu'en une bd, c'est impossible de tout résumer, de donner une vision réaliste de la situation.

Tu disais que tes deux personnages principaux sont nés un peu comme ça, sans réfléchir, mais les as-tu travaillé ensuite avant de te mettre à l'écriture de ton histoire ?

Oui, je les ai travaillé. Il a fallu que je leur invente une psychologie. Je voulais partir de principe que le héros était un anti-héros. Un mec un peu raciste sur les bords, avec beaucoup de préjugés. Ça c'était la seule consigne que je m'étais donné pour ce personnage-là. Après je me suis dit que c'était quand même bien de faire évoluer ce personnage, de ne pas le laisser aussi bête à la fin qu'il l'était au début. Je voulais qu'il change, et qu'on puisse s'imaginer que dans de futures bd, il pourrait devenir de plus en plus sympathique, et changer d'avis sur ce qu'il voit, sur le monde.

Pareil pour le personnage tibétain. C'est un peu l'antagoniste du héros. Il est plus humain, il a des réactions plus normales. J'ai essayé de les travailler en complémentarité.

Quels techniques et outils as-tu utilisé sur ce titre ?

Tout l'encrage est fait à la main, avec de la plume et des crayons Micron Pigma à l'encre de Chine, tout est à l'encre de Chine en fait. Après c'est scanné et colorisé à l'ordinateur.

Tu travailles également dans l'animation. Quelles sont les libertés que t'offrent l'un et l'autre de ces médiums ?

En bd, j'ai la possibilité de faire des choses un peu plus personnelles. C'est en tout cas plus facile de mettre en scène des histoires ambitieuses et qui nécessiteraient beaucoup plus d'argent et de bras en dessin animé. Le fait de gérer une bd tout seul me permet de faire ce que j'ai envie, de raconter les histoires que j'ai envie.

Et puis le dessin animé, à côté de ça... Je ne sais pas, les deux langages sont assez complémentaires en fait. Ce que j'ai appris en dessin animé m'a servi en bd, et l'inverse est vrai aussi.

En dessin animé, il y a le mouvement en plus, le son en plus, qui donnent une autre profondeur à l'histoire, ça ajoute d'autres dimensions.

J'ai envie de continuer à faire les deux, j'adore faire les deux. Travailler le mouvement et le 'fixe'.

Quelles ont été tes principales influences pour Jade ?

Comme je le disais, Tintin, Spirou, ces trucs un peu classiques. Et puis tout ce qui est aventure, Indiana Jones... Il y a un jeu vidéo auquel je jouais au moment où j'ai démarré la bd, et qui m'a pas mal inspiré. Il s'appelle Uncharted, c'est aussi une histoire très inspirée d'Indiana Jones, avec un chasseur de trésor. Je voulais retrouver cette ambiance de bd d'aventure classique.

Et puis visuellement, c'est autant la bande dessinée et l'animation japonaise que la bd franco-belge qui m'inspirent.

Quels sont tes prochains projets ?

Peut-être une suite à Jade. Ça n'est pas sûr, mais c'est en discussion. Mais comme il était prévu comme un one-shot, il faut que je prenne le temps d'y réfléchir.

Et sinon, j'ai très envie de pousser un peu plus ce que je fais sur mon blog. C'est à dire des bd plus personnelles, des histoires un peu auto-biographiques, de la bd-reportage, des carnets de voyages. Des choses plus documentaires, plus tirées du réel.

Pour l'instant je fais des essais sur mon blog, mais j'aimerais en faire des albums. Je vais essayer d'en faire mes prochains projets.

Et quel a été ton dernier coup de coeur bd ?

J'ai lu pas mal de mangas pas très récents, ces derniers temps. Une série qui s'appelle Kamui-DenNonNonBâ aussi. J'adore ce style-là. J'essaie de trouver des bd dans ce genre, des mangas un peu à l'ancienne avec un encrage très léché, des décors soignés etc. Kamui-Den c'est dans un style un peu Tezuka. C'est une grande saga épique avec des histoires un peu shakespeariennes, et des passages plus documentaires aussi, où il explique comment ça se passait dans les rizières, pour cultiver le riz, quelles étaient les classes sociales au Japon à l'époque féodale. C'est incroyablement intéressant à lire. Je crois que ce sont mes derniers coups de cœur.

Oh si, j'ai lu une super bd ! Ça s'appelle Histoire d'un couple, c'est une bd coréenne sortie chez Ego comme X. C'est l'histoire d'un couple, quelque chose d'autobiographique. Un auteur de bd qui est parti habiter à la campagne avec sa femme, dans une maison paumée. Il raconte son aventure, comment il s'est acclimaté à la vie rurale. Ça rejoint un peu ce que j'ai envie de faire, ça m'a vachement plu.

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