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par Elsa - le 8/12/2014
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par Elsa - le 8/12/2014

Benjamin (Chinese Girls) : l'interview

Le travail de Benjamin avait été rapidement remarqué lors de la parution de ses manhuas en France, chez l'éditeur Xiao Pan, entre 2007 et 2009. Cinq ans plus tard, c'est Pika qui reprend la publication de ses titres en guise d'ouverture pour son nouveau label Chin'Arts, en commençant par sa nouveauté, un recueil d'illustrations intitulé Chinese Girls.

Son univers est reconnaissable au premier coup d'oeil, fait d'ambiances urbaines, de lumières néons, de rock'n'roll et de jeunes adultes un peu perdus, remués par des sentiments contradictoires et le brouahaha de la ville autour d'eux.

L'artiste, complètement autodidacte, a largement contribué à populariser le dessin digitale à l'international. Il a également fondé le magazine True Colors et une école d'arts numériques à Pékin.

Edité en petit et grand format, Chinese Girls se propose de saisir des instants de vie de jeunes femmes chinoises d'aujourd'hui. Il est composé d'illustrations digitales, de courts textes, mais aussi, pour la première fois, de reproductions de pages de ses carnets de croquis. Ce mélange de techniques offre un regard plus complet sur le travail du dessinateur. C'est vraiment bel artbook, à l'ambiance un peu triste et nostalgique, où ces héroïnes d'un instant posent sur le lecteur leur regard mélancolique chargé de douleur (souvent amoureuse) mais aussi d'espoir.

Benjamin était présent à Paris pour le lancement de Chinese Girls, et a répondu à nos questions.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

J'ai commencé la bande dessinée il y a plus d'une dizaine d'années. J'ai sorti trois albums de bd, puis deux romans et deux recueils de nouvelles.

Pendant cette période, j'ai toujours pratiqué l'illustration, la peinture digitale, et là je viens de publier mon deuxième recueil de peintures digitales, Chinese Girls.

Vos oeuvres représentent majoritairement des personnages féminins. Qu'est ce qui vous intéresse particulièrement dans ces personnages de femmes ?

J'ai voulu aborder le sujet des jeunes femmes chinoises dans la société d'aujourd'hui parce que j'ai remarqué que c'est un thème qui n'était pas traité ailleurs. En tout cas je n'ai trouvé personne qui s'était intéressé à ce sujet.

Les illustrateurs qui dessinent des femmes soit les représentent dans des costumes traditionnels etc, soit sont très influencés par des stéréotypes de genre comme la fantasy, la science fiction, l'animation. Les personnages sont assez exagérés, caricaturaux.

Je trouve que les jeunes femmes chinoises sont actuellement confrontées à des problèmes qui correspondent à un moment de l'évolution de la société, et c'est ça qui m'intéresse. C'est parce que j'avais ce projet de recueil que j'ai dessiné tant de jeunes filles ces dernières années, pas parce que je veux me cantonner à ce sujet. 

Aujourd'hui, beaucoup de gens pensent que je ne sais faire que ça, beaucoup de jeunes femmes me demandent de faire leur portrait... mais je n'ai pas envie de me spécialiser là-dedans.

J'ai pu voir, surtout en France beaucoup de carnets de voyage, de bandes dessinées documentaires, qui peuvent se passer au Pôle Sud comme au Pakistan. Et à mes yeux, ce que j'ai cherché à faire dans ce recueil, c'est quelque chose de cet ordre-là. Une espèce de documentaire sur les difficultés auxquelles doivent faire face les jeunes femmes d'aujourd'hui en Chine.

J'ai voulu représenter ce qui se passe actuellement et qui est si particulier.

Comment se passe votre travail sur les illustrations ?

Je ne fais pas poser des gens qui me servent de modèle. Mes grandes compositions sont faites d'imagination.

Il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui photographient leurs petites copines et qui ensuite font de la retouche photo pour que le résultat ressemble à une peinture, je déteste ça. Je refuse de recopier servilement une photographie. Parce qu'on n'arrivera jamais à être plus réaliste qu'une photo, ça n'a pas d'intérêt. Si les gens font ça, c'est qu'ils ne savent pas dessiner. Pour moi, dessiner n'est pas une difficulté, c'est avant tout un moyen de composer.

La grande difficulté quand je peins, quand je dessine, c'est que je voudrais susciter chez le spectateur, le lecteur, une émotion différente à chaque fois. C'est ce qui me distingue des dessinateurs de bande dessinée qui dessinent toujours les mêmes visages, les mêmes personnages.

Quand je rencontre une difficulté, c'est parce que je cherche ce qui va faire la particularité, la singularité du personnage. Et si je bloque, je vais chercher sur internet, dans la rue, un détail dans la phyisionomie d'un visage, d'un objet, qui va m'aider à surmonter cette difficulté. 

De plus, quand on travaille d'imagination, en peinture, en deux dimensions. On est libre de composer ce qu'on veut, ce qui n'est pas le cas en photographie où on est forcément dans un espace en trois dimensions, où la composition a plus de contraintes.

Il y a de nombreuses peintures dont on pourrait croire que je les ai réalisé en quelques heures, alors qu'en fait j'y ai passé plusieurs mois. Parce que c'est un effet très rapide, brossé à grand traits. Mais j'ai en réalité passé énormément de temps à composer l'image et les accords de couleurs.

De toutes vos oeuvres que j'ai pu lire, il y a toujours une atmosphère très urbaine. Envisagez-vous la ville comme un personnage ?

Oui effectivement on peut dire ça, pour moi la ville est une sorte de personnage.

Pour moi c'est vraiment la situation des jeunes femmes chinoises dans les villes d'aujourd'hui qui m'intéresse, c'est là qu'il y a le plus de contradictions, de difficultés, de pression. Il y a énormément de choses à raconter, à dire par rapport à leur vie dans les grandes villes.

On se rend compte, à travers vos croquis publiés dans Chinese Girls, que vos dessins, même en traditionnels sont toujours en couleurs. Envisagez-vous la couleur dès le début de vos illustrations ?

Non, dans le processus, je choisis la scène, l'ambiance, le type de personnage. L'histoire que j'ai envie de raconter. Et ensuite seulement je m'attache à trouver la bonne lumière, les bonnes couleurs. Mais c'est comme résoudre un problème mathématique. C'est très long. Et ça n'est qu'à la fin que je détermine la composition de la couleur.

Vos illustrations sont souvent de nuit, avec des lumières qui évoquent des lumières nocturnes. Qu'est ce qui vous intéresse dans ces ambiances nocturnes ?

La plupart des citadins travaillent le soir jusqu'à très tard. Et ça n'est donc finalement que le soir que les gens ont du temps pour eux. C'est là qu'ils sont eux-même. Et la vie nocturne à Pékin aujourd'hui est très riche, très développée, il s'y passe beaucoup de choses.

Cela dit, même si je dépeins des scènes nocturnes, j'utilise très peu de noir.

Quels sont pour vous les avantages du dessin numérique ?

Pour moi son gros avantage c'est la practicité. C'est facile, rapide. Il suffit d'allumer l'ordinateur et on peut commencer à travailler. Alors que les mediums traditionnels sont beaucoup plus exigeants, demandent beaucoup de préparation.

Qu'est-ce qui vous inspire, et quels sont les artistes qui vous ont le plus influencé ?

Sur Chinese Girls, je ne pourrais pas dire qu'il y a une influence spécifique.

Quand je faisais de la bande dessinée, les deux artistes qui m'ont le plus influencés sont Mamoru Hoshi, le réalisateur de Ghost in the Shell, et Luc Besson dans Leon.

Et quels sont vos prochains projets ?

J'ai plusieurs idées. Essayer la sculpture notamment.

Et j'aimerais aborder le thème des hommes, après celui des femmes, et peut-être aussi celui des vagabonds, des clochards. Il y a aussi des histoires auxquelles je pense depuis longtemps et que je n'ai pas encore eu le temps de mettre à l'écrit

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