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par La Redac - le 16/07/2019
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par La Redac - le 16/07/2019

Christophe Cointault (Tinta Run) nous parle de Wind Fighters, son prochain manga

Le mangaka français Christophe Cointault a sorti le 19 juin dernier le quatrième et dernier tome de Tinta Run, publié chez Glénat. Rencontré lors de la Japan Expo 2019, à un moment charnière de sa carrière, le dessinateur s’est prêté au jeu de l’interview.

À peine débarqué de son train en provenance de son Loiret natal où il réside encore aujourd’hui, le voilà qu’il s’assoit direct en salle de presse. Malgré la fournaise du Parc des Expositions de Villepinte, Christophe Cointault a le sourire aux lèvres, celui du passionné content d’être là. Invité pour la seconde fois d’affilée à la Japan Expo, le mangaka de 32 ans était de retour cette fois-ci pour défendre l’ultime volume de Tinta Run, son premier manga publié en maison d’édition. Avec la parution d’une oeuvre complète, qui en annonce une nouvelle, l’auteur confirme, doucement mais sûrement, sa place dans le paysage manga français.

Le temps d’une petite demi-heure, Christophe Cointault est revenu sur sa première expérience en maison d’édition, sur la prégnance de son vécu dans son oeuvre ainsi que sur l’importance de la figure féminine dans ses oeuvres. Mais surtout, il a été question de son prochain titre : Wind Fighters, sur lequel il travaille depuis plus d’un mois.

Un an et demi après son lancement en février 2018, Tinta Run vient de se conclure avec la publication du quatrième et dernier tome. Quel bilan tires-tu de cette première expérience en maison d’édition ?

On aurait espéré qu’elle dure plus longtemps bien évidemment, mais au final je suis très content. C’était un rêve de gosse pour moi d’être édité. Et puis, ça a été très formateur. En un an, j’ai pu vivre l’expérience de faire une série complète. Tout cela me permet désormais de me lancer beaucoup plus sereinement vers l’avenir.

Bien plus qu’un désir, c’est la nécessité d’émancipation qui est le fil conducteur de Tinta RunPourquoi avoir choisi cette thématique principale ?

Je peux d’ores et déjà l’annoncer, il y aura toujours deux thèmes centraux qui guideront mes histoires : la liberté et la transmission. Ce sont les deux jambes sur lesquelles tiennent mes récits. Et puis, c’est bête à dire, mais sans liberté, tu ne peux rien faire. En France, la liberté est une valeur fondamentale, on nous l’apprend dès notre plus jeune âge et on y est vachement attaché. Du coup, ça me parle beaucoup. Même si elle n’est pas forcément toujours acquise et qu’elle reste fragile en France, il faut garder en tête qu’à quelques kilomètres, elle n’existe pas toujours. Et puis, travailler sur la liberté me motive. Quand je fais mes pages, je me sens libre... Alors, naturellement, je l’exprime en thème fondamental dans mes histoires.

Avant d’être mangaka, tu as connu le métro-boulot-dodo, un mode de vie qui ne te plaisait pas... Est-ce que cela t’as inspiré pour concevoir Tinta Run ?

Clairement. De mener une vie métro-boulot-dodo et de faire un travail que je ne voulais pas, est née une frustration et de cette frustration est née une motivation qui a été le moteur pour produire mes histoires. Tout a une logique. Le vécu, les expériences précédentes aboutissent à ce que je fais aujourd’hui.

L’un des autres thèmes abordés est le rapport campagne / grande ville. Là aussi, on ne peut s’empêcher de voir un lien avec ton vécu...

Je mets beaucoup de moi dans mes histoires et, moi, je suis un campagnard qui a travaillé à Paris il y a fort longtemps, dans une autre vie (rires). Le contraste entre la campagne et la capitale est quelque chose que j’ai moi-même vécu. En plus, le campagnard qui sort de son nid pour aller vers la grande ville est l’un des schémas classiques du shonen. Du coup, je trouvais ça rigolo et intéressant de d’aborder ce contraste de façon humoristique. J’ai aussi pensé que ça pourrait parler à pas mal de monde.

Il y aura donc toujours un peu de toi dans tes histoires ?

Pour créer quelque chose d’intéressant et d’authentique, il faut toujours tirer quelque de son vécu. Sinon, ça va sonner faux, ça va être artificiel... Donc, oui, je puise dans mon vécu et à partir de là, j’essaye de « shonenisé » le tout (rires).

Akira Toriyama (auteur de Dragon Ball) est le meilleur exemple du « mangaka provincial hermétique à la ville », est-ce ton cas ?

Akira Toriyama est mon exemple absolu. Ce n’est pas pour autant que je vais calquer ma vie sur la sienne car nous n’avons pas le même vécu et nous ne sommes ni du même pays ni de la même époque... Mais oui, je suis un peu de ce genre-là effectivement. J’aime bien ce côté, rester dans sa campagne, être sereinement chez soi à faire ses pages et laisser les livres vivre leur vie... Après, je n’ai pas du tout peur de la ville, mais je ne cours pas du tout après elle non plus. J’ai un cadre de vie que je ne changerais pour rien au monde : je suis au calme chez moi, mon atelier est à la maison, j’ai de la verdure.

L’autre point très important dans Tinta Run est la place des femmes. Elles sont réellement mises à l’honneur à travers des personnages féminins forts. C’était une volonté de ta part ?

Toujours. Si je mets des personnages féminins, c’est clairement pour qu’ils soient forts. Parce que je sais que les lectures que l’on a quand on est enfant nous marquent à vie. M’adressant à un public jeune, si je commence à véhiculer des choses du genre "les mecs sont forts, les filles sont faibles’" ça risque de rester gravé. Et, par exemple, une petite fille qui lit ça va déprimer... Ce n’est clairement pas mon but. Ce ne sont pas juste des livres que nous faisons, nos oeuvres seront peut-être aussi un morceau de la vie de quelqu’un. Après, sur l’aspect graphique, j’adore dessiner les filles avec un regard fier qui ne courbent pas l’échine ou, au contraire, l’archétype de la « fausse fragile » qui est en fait hyper badass.

En parlant de femme, dans le bonus du Tome 2, tu racontes une scène de vie dans laquelle on voit ta compagne te faire une suggestion. Joue-t-elle un rôle dans le processus créatif de tes oeuvres ?

Pour tout ce qui est de mon travail de mangaka, je reste le maître à bord. Après forcément, ça envahit la vie de famille, dans le bon sens du terme bien sûr. On échange pas mal : on en parle à table, devant la télé, quand on se promène... Je la saoule (rires), mais elle est très impliquée. Et puis, vu qu’on s’aime, je sais qu’elle sera honnête. D’autant plus qu’elle ne souhaite pas qu’on me passe la pommade. Du coup, elle n’hésite pas à me dire quand elle aime ou pas. Du genre : "Ah non, ça, c’est de la merde" (rires).

Qui dit fin d’un cycle, dit début d’un autre. As-tu déjà commencé à travailler sur ton prochain manga ?

Oui, depuis environ un mois. J’ai déjà dessiné une cinquantaine de pages.

À quoi peut-on s’attendre avec ce nouveau titre ?

Ce sera un shonen d’action-aventure qui s’appellera Wind Figthers. Dans l’univers de cette histoire, le Wind représente l’énergie, à l’instar de la Tinta dans Tinta Run. Et les Wind Fighters, eux, sont un groupe d’aventuriers qui est l’un des seuls capables de résister à l’ordre établi.

Comment sera le héros de cette future aventure ?

Ce ne sera pas un personnage principal mais deux personnages principaux. Il s’agira plus exactement d’un duo frère-sœur, composé d’un grand frère protecteur et frimeur et d’une petite sœur. Mais le rôle de la petite soeur ne sera pas juste d’être uniquement la petite sœur. Elle aura une évolution hyper intéressante. Par exemple, elle partira peut-être de plus bas que son frère mais finira par arriver plus haut que lui. Ou bien, peut-être, que ce sera le frère qui protégera la soeur au début mais qu’au fil de l’histoire les rôles s’inverseront. Après, pour un souci de narration et d’équilibre, le grand frère sera tout de même le personnage principal numéro un.

On retrouvera donc de nouveau au moins un personnage féminin fort avec une évolution intéressante..?

À la base, je voulais même faire une héroïne, j’étais le premier à vouloir faire une meuf badass mais mon éditeur m’a dit en gros, "ça serait vraiment cool mais, malheureusement, commercialement parlant, ce n’est pas rentable". Même en 2019...

Avec les leçons tirées de ton premier manga en maison d’édition, as-tu modifié ta manière de travailler pour Wind Figthers ?

À la fin de Tinta Run, j’ai essayé de faire le point sur ce qui n’allait pas et ce qu’il fallait absolument corriger. Le titre déjà. Même s’il sonne bien, si tu dis Tinta Run à quelqu’un, il te répondra "Je sais pas". Mais si tu lui dis Wind Fighters, il aura tout de suite une idée plus ou moins précise du thème. C’est peut-être ultra-simple,
voire enfantin, mais c’est parfait, c’est ce qu’il faut pour que ça marche. Avec Tinta Run, comme c’était ma première oeuvre, j’étais plein de stress, je me suis pris la tête. Je voulais mettre trop de choses, inventer pleins de mots... Je me suis rendu compte, notamment avec le retour du public, qu’il fallait faire quelque chose de beaucoup plus classique en respectant les codes du Shonen. Pour Wind Fighters, je vais respecter davantage les codes tout en continuant à faire ma petite tambouille, en espérant y mettre de la saveur.

Tu as aussi appris qu’une série pouvait s’arrêter plus tôt que prévue. J’imagine que ça a changé ta manière de réfléchir une histoire ?

Avec Wind Fighters, ça va démarrer direct. Tout sera beaucoup plus simple, plus immédiat car aujourd’hui faut envoyer du lourd tout de suite. J’ai appris que quand on a de bonnes idées, il faut les mettre immédiatement, sans se dire qu’on se les garde pour les tomes suivants. Dessiner le tome 4 dans ces conditions*, le fait qu’il soit vachement condensé et intensif, tout cela m’a appris à travailler de cette nouvelle manière. C’est quelque chose que je vais appliquer dès le tome 1 de Wind Fighters.

Le sens de lecture sera-t-il japonais cette fois-ci ?

Oui. Là aussi, c’est dans l’optique de respecter les codes classiques du manga et pour être plus dans le "truc" d’un point de vue commercial. Parce que dans le manga, adopter le sens de lecture français, c’est se traîner un boulet. Pourtant, avant, j’étais le premier à me dire qu’on s’en fout du sens de lecture. Mais, là encore, c’est un enseignement que j’ai tiré de Tinta Run**. Je me suis rendu compte à quel point c’était important de le faire dans le sens de lecture japonais. C’est vraiment un des critères de base. Pour faire simple : si c’est dans le sens japonais, c’est bien. Si c’est dans le sens français, c’est pas bien. Surtout qu’au final, depuis que j’ai commencé à dessiner dans le sens japonais, je me sens davantage dans le vrai. J’avais peur de m’emmêler les pinceaux et tout, mais finalement ça coule tout seul !

Envie d'en savoir plus sur Wind Fighters ? Rendez-vous demain à 18h sur la page facebook de Christophe Cointault ! L'auteur parlera en live de cette nouvelle série, prévue pour avril 2020 toujours chez Glénat manga.

* Christophe Cointault savait qu’il s’agissait du dernier tome de Tinta Run lorsqu’il a commencé à le
concevoir
**Tinta Run est publié dans le sens de lecture français

par Arthur Jégou
son twitter
son instagram

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