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par La Redac - le 25/11/2019
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par La Redac - le 25/11/2019

Dave-X : « Avec Versus Memory, le lecteur peut choisir le personnage en lequel il a envie de croire »

Le mangaka français Dave-X a fait son entrée dans toutes les libraires le 26 septembre dernier avec la parution du premier tome de Versus Memory. Dans ce manga qui a pour thématiques principales les souvenirs et l’acceptation de soi-même, le dessinateur mais également graphiste de 39 ans propose une aventure aux allures de RPG où, chose très rare dans un shonen, le manichéisme n’existe pas. Rencontre.

Ton manga a pour thème central la mémoire, les souvenirs. Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
C’est personnel, mais il y avait des choses que j’avais envie d’oublier, des choses que je ne peux pas oublier… J’étais un petit peu enfermé là-dedans. Les souvenirs, c’est des tranches de vie, des rencontres, ce ne sont pas justes des images. Ce sont des moments importants d’une vie qui peuvent se traduire comme des carrefours de choix. Ça m’a paru évident que c’était le thème à adopter et, naturellement, ça a influencé le récit. Le personnage que l’on suit est quelqu’un qui se cherche, qui doit se trouver et s’accepter tel qu’il était avant et tel qu’il est aujourd’hui. Il y a forcément un peu de moi en lui.

Versus Memory est-il un exutoire pour toi ?
Complètement. J’assume. Il y aura toujours quelque chose de très personnel. Je n’arrive pas à faire autrement sinon je me sens malhonnête. Ce n’est pas toujours facile mais je trouve que la démarche est plus sincère. Ça me fait du bien.

Combien de temps as-tu mis pour parvenir à créer Versus Memory ?
J’ai bossé les premières recherches sur le net, il y a un an. Ensuite, j’ai préparé un dossier assez rapidement avec des idées bien définies. Avec la maison d’édition, on a donc très vite pu commencer à collaborer pour sortir le projet.

Justement, comment s’est faite la rencontre avec Shibuya Michel Lafon ?
La rencontre s’est très bien passée. C’est Shibuya qui est venu vers moi. Ils étaient ouverts à de nouveaux projets et j’ai senti qu’ils me faisaient confiance et qu’ils appréciaient mon travail. Je n’ai pas hésité à leur faire confiance.

Time Game 55, Kiki Redemption et au final Versus Memory. On sent qu’il y a eu une longue réflexion autour du choix du titre…
C’est peut-être un problème que j’ai, mais j’ai toujours eu l’habitude de partager avec les gens sur mes réseaux, que ce soient mes dessins, mes designs, mes décors… Les gens me font des retours. Pour le titre, j’ai eu plusieurs retours comme quoi il n’était pas super, même la maison d’édition m’a dit que c’était un petit peu limite. Il y a donc eu deux, trois réajustements. En cinq minutes, j’avais un nouveau titre. Et tant mieux, car au final, il correspond plus au récit.

Un univers plein de potentiel

Au vue de l’univers que l’on devine vaste, Versus Memory sera-t-il un manga fleuve ou a-t-il été réfléchi sur un nombre spécifique de tomes ?
Il y a le contrat classique des trois tomes pour les auteurs français quand ils signent dans une maison d’édition. J’ai donc essayé d’avoir un arc qui puisse se terminer en trois tomes mais je me suis quand même permis d’être ambitieux en terme d’univers. Il y a donc la contrainte des trois tomes mais, au cas où on la dépasserait, il y a des possibilités des voir très, très grand.

Tu as donc déjà une idée précise de la fin ?
J’ai plusieurs alternatives mais ce qui entoure le personnage sera conclu. Par contre, les clés de l’histoire ne se trouvent pas uniquement autour du personnage principal. Si certaines choses sont prévues et actées, je ne m’interdis pas d'en changer d'autres. Par exemple, le tome 2 va commencer sur un chapitre que je n’avais pas du tout prévu, dans un lieu inattendu. L’univers de Versus Memory est beaucoup plus vaste qu’il n’en a l’air.

Car à la fin du tome 1, la suite est difficilement palpable. Sur le papier, Versus Memory peut sembler très manichéen mais on se rend rapidement compte que tout n’est pas tout blanc ou tout noir. Chaque personnage semble plutôt gris. On en vient même à se demander si le héros n’est pas en fait le méchant de l’histoire et vice versa…

L’idéal pour moi serait qu’il n’y ait pas de gentils et pas de méchants. Je trouve ça plus intéressant à raconter que le schéma manichéen habituel où l’on retrouve le bien et le mal. On casse le schéma du héros de shonen classique. Pour le lecteur également, je trouve ça plus passionnant à suivre. Il peut choisir le personnage en lequel il a envie de croire.

J’ai également fait le choix de casser mon récit avec des révélations disséminées au cours de l’histoire. Elles peuvent faire changer d’avis le lecteur sur chaque personnage. Au final, en cassant mon récit de la sorte, il y a des choses plus originales qui se mettent en place.

Cela pousse donc le lecteur à une réflexion plus poussée qu’un shonen classique ?
Avec cette manière de construire le récit, c’est-à-dire un récit composé de plusieurs timelines qui se croisent et qui nous font revenir dans le passé, puis revenir dans le présent, j’ai envie que les lecteurs relisent l’histoire en se disant « Okay, là, je n’avais pas vu ça ». J’ai essayé de construire l’histoire en anticipant beaucoup de choses pour que quand les lecteurs liront le tome 2, ils aillent relire ensuite le tome 1 en se disant « Ah okay, il y avait déjà cet élément-là. Ça, c’était déjà prévu ».  

Où souhaites-tu amener le lecteur au final avec cette histoire ? 
Si je développe trop, j’ai peur de spoiler la morale finale. (Il se met à réfléchir quelques secondes)… Je pense que le message principal, c’est de s’accepter, d’accepter ce qui s’est passé et d’aller de l’avant. À l’image du héros. Car malgré les doutes qu’on peut avoir autour de lui, voire des choses qu’on peut lui reprocher, au final, c’est quelqu’un qui avance, qui se bat contre ce qu’il est et ce qu’on pense de lui.

Une multitude d'influences

Sur l’aspect graphique, on ressent l’influence d’Akira Toriyama, de tes années Ankama (Dofus et Wakfu), mais aussi des comics. Peux-tu nous parler de tes diverses influences qui ont façonné ton trait ?
C’est simple, je suis un grand fan de manga et de comics. Alors, je lis très peu de comics mais je suis très fan de leur graphisme, de leur univers, de la façon dont ils font leurs pages. J’aime beaucoup marier les styles. Je puise de chaque côté pour alimenter mon dessin.

Comme dans la vraie vie, l’émotion passe beaucoup par les yeux dans les mangas, pourtant tes personnages n’en ont pas. N’as-tu pas peur de t’auto-pénaliser en te privant de ce vecteur émotionnel fort ?
Pas du tout. Mes personnages sont des personnages qui se sentent très creux car ils n’ont plus de souvenirs, plus d’identité… Ils n’ont plus rien. Leur physique reflète donc comment ils sont à l’intérieur, comment ils se perçoivent. D’autre part, l’idée était d’arriver aussi avec des designs originaux, même si je reconnais m’être inspiré du personnage de Bibi dans Final Fantasy IX. Kiki, le nom du héros, est d’ailleurs un clin d’oeil à lui.

La question de la trame semble avoir fait l’objet d’une longue réflexion…
Comme je disais, je partage beaucoup. Là aussi, j’avais fait des essais que j’ai partagé pour avoir des retours. Je cherche à avoir une trame utile plutôt qu’illustrative. Pour moi, la trame doit rendre la case lisible, point. Je ne cherche pas à faire des jeux de lumière hyper poussés, je veux un rendu sobre. Je me sers de la lumière pour marquer les émotions. Aujourd’hui, malgré encore quelques petits mauvais choix, je pense avoir trouvé la bonne méthode.

L’histoire est construite à la manière d’un RPG avec un personnage principal accompagné de son petit compagnon qui lui sert de guide présent pour l’informer sur le monde qui l’entoure et sur ses pouvoirs. Puis, il y a une première rencontre avec une sorte de «  vieux sage » qui nous donne une première « mission », celle de battre un « boss »…
De part mon expérience, après avoir fait plusieurs histoires, on se rend compte qu’il y a des clichés qu’on ne peut pas vraiment éviter. Plutôt que d’essayer de faire un truc trop original et qui a de fortes chance d’être raté, je préfère jouer avec ces clichés et les casser au bon moment. Et puis j’assume ce côté RPG car j’imagine toujours mon projet comme un jeu vidéo. J’aime bien le concept de parcours, je trouve que ça crée des univers cohérents. Selon moi, ça facilite aussi une potentielle adaptation.

J’ai vu justement que tu travaillais aussi sur une adaptation de Versus Memory en jeu vidéo. Peux-tu nous en dire plus ?
C’est quelque chose de personnel que je travaille de mon côté, sur mon temps libre. Il n’y a rien de professionnel, rien de signé pour le moment. C’est ma petite cours de récréation. Ce jeu vidéo serait une histoire inédite sur une partie de l’histoire de Versus Memory qui est très, très importante. La grande différence avec le manga, c’est que dans ce jeu on ne suivrait pas Kiki mais un autre personnage qui va croiser sa route. 

Avec toute l’intrigue mise en place avec le tome 1, à quoi faut-il s’attendre dans le tome 2 ? 
Il y aura des choses assez graves. Certaines questions posées dans le tome 1 vont trouver leur réponse dans le prochain volume mais de nouvelles interrogations vont aussi se pointer avec l’arrivée de nouveaux personnages.

par Arthur Jégou
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