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par Elsa - le 30/07/2014
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par Elsa - le 30/07/2014

Japan Expo 2014 : l'interview d'Elsa Brants (Save me Pythie)

Encore balbutiant il n'y a pas si longtemps, le manga européen se développe à vitesse grand V, et a suffisamment fait ses preuves pour sérieusement intéresser les différents éditeurs (pour preuve, le concours organisé par Ki-oon). City Hall, Radiant, Dreamland... de nombreux titres qui prouvent que les auteurs européens biberonnés au manga ont su se réapproprier ses codes.

Save me Pythie, d'Elsa Brants, est l'une des nouveautés de l'été de Kana. Son auteure était présente à l'occasion de la Japan Expo, et a répondu à nos questions.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

J'ai commencé dans la bande dessinée en tant que coloriste, avec mon mari Guillaume Lapeyre qui est dessinateur. D'abord sur les Chroniques de Magon, puis j'ai collaboré avec d'autres dessinateurs, Weëna, Okhéania, Nanami, et pas mal d'autres séries.
A partir de là, j'ai pu dessiner une série pour les tous petits, les 3-6 ans dans la collection Puceron chez Dupuis. C'était Les aventures de Lilly, une petite princesse qui avait des super pouvoirs, qui se transformait en super-héroïne pour sauver les gens qui avaient des problèmes.

Quand la série s'est arrêtée, j'ai voulu monter plusieurs projets, dont Save me Pythie, au format manga.

C'était un format qui me plaisait depuis le départ. J'ai toujours aimé regarder et lire des mangas.

Je n'ai pas pu le faire dès le départ puisque les éditeurs étaient encore un peu réticents à l'idée de publier des auteurs français. Mais quand j'ai enfin eu l'occasion de travailler sur Save me Pythie, c'était comme un rêve. Je n'en reviens toujours pas.

Comment résumeriez-vous Save me Pythie ?

C'est un manga d'aventure au format humour. C'est surtout un prétexte à l'humour, aux délires des personnages qui vont se rencontrer, se croiser, sur fond de mythologie grecque un petit peu décalée.

Notre héroïne, Pythie, est une prêtresse au temple d'Apollon. Et un jour, elle reçoit un visiteur au temple qui se montre un peu trop entreprenant. Mais elle n'est pas là pour ça, elle n'est pas au temple d'Aphrodite. Donc elle le repousse d'abord gentiment, et comme il ne comprend pas, plutôt violemment, en n'hésitant pas à utiliser ses poings. Elle va jusqu'à le défigurer.

Sauf qu'il s'avère que ce mystérieux visiteur était en fait le véritable dieu Apollon, qui n'est pas très content d'avoir été ainsi repoussé, et qui du coup va lui lancer une malédiction.

Comme la Cassandre de la Guerre de Troie, Pythie va avoir le pouvoir de prédire les catastrophes, mais personne ne va jamais la croire.

Comment s'est passé votre travail de documentation en amont ?

La mythologie grecque c'est quelque chose qui m'a passionnée depuis toute petite. Je crois que j'avais neuf ans quand mon grand-père m'a offert mon premier énorme livre rempli de documentations, de peintures grecques, de statues, de reproductions. Ça retraçait tous les mythes. je l'ai lu et relu tous les soirs pendant de longs mois, jusqu'à le connaitre par coeur. Ensuite je me suis tournée vers tout ce qu'on trouvait en bibliothèque, en médiathèque.

J'avais une sacrée collection, et du coup quand j'ai signé Save me Pythie je me suis replongée dans tous ces livres pour me rafraîchir la mémoire. C'est revenu très vite. C'est un travail de jeunesse.

Vous étiez auteure de bande dessinée franco-belge. Est-ce que le changement de format, de medium, a été compliqué ?

En fait je voulais faire du manga depuis le début. C'est ce qui m'attirait, mes premières histoires je les écrivais sous ce format-là. Pour moi, c'est le format le plus naturel.

Quand je suis passée à la franco-belge parce que les éditeurs nous disaient que ça ne passerait pas, mon mari comme moi nous sommes un peu brimés. On s'est beaucoup amusés aussi, on a raconté des histoires qui nous ont plu, mais ça n'était pas ce qui était le plus naturel.

Quand j'ai eu enfin la chance de faire Save me Pythie ça a coulé tout seul, je n'ai pas eu à réfléchir.

Comment se passe votre travail sur ce titre? Les mangakas écrivent la plupart du temps chapitre par chapitre...

J'aime bien écrire toute l'histoire avant de faire le dessin, ne serait-ce que pour avoir un retour plus rapide de l'éditeur sur l'album en entier avant d'attaquer le dessin. J'écris sous forme de pièce de théâtre, j'aime bien ça et je trouve que ça met mieux en valeur le dialogue.

Donc j'écris une continuité dialoguée avec des indications de lieux, de gags, d'actions.

Ensuite une fois les dialogues terminés, je fais le storyboard pour pouvoir l'envoyer à mon éditrice. Elle me fait un retour et me dit si ça lui a plu, s'il y a des choses à modifier. En général elle est très cool avec moi et je n'ai pas beaucoup de choses à modifier.

A partir de là je n'ai pas beaucoup de choses à modifier. Je vais travailler chapitre par chapitre, pendant une semaine à dix jours, c'est variable, je fais d'abord le crayonné, puis l'encrage, je scanne, et je fais tout ce qui est trame, texte et ligne de vitesse sur l'ordinateur.

Avez-vous travaillé vos personnages en amont de l'écriture ?

Je les ai d'abord créé et bien définis. Et puis suivant ce qui leur arrive, les personnages avec lesquels ils vont interagir, c'est un peu comme s'ils prenaient leur vie propre, et ce sont eux qui m'insufflent des idées que je n'aurais pas eu au départ. Ils font tourner l'histoire un peu comme ils veulent. Donc c'est un peu de ma création, et un peu de leurs interactions avec les autres personnages mythologiques qui les font vivre.

Et est-il difficile de trouver le juste équilibre entre le respect de l'Antiquité, de ce qui a déjà été fait, et votre propre histoire ?

Alors, comme je suis fan de mythologie, j'aime bien qu'on respecte un peu ce qui a été dit. Sachant que comme la Grèce n'était pas un seul État, c'était plusieurs cités-états, c'est difficile de trouver une seule version, elles diffèrent selon les textes.
Ensuite j'essaie de respecter, suivant tout ce que j'ai lu, les caractères et le vécu de chaque personnage. Je ne sais pas si j'ai toujours réussi, si c'est tout à fait exact. En tout cas j'ai essayé de coller.

C'est aussi pour ça que j'ai fait des fiches mythologiques à la fin de l'album, pour rétablir ce que j'aurais pu dévier.

Le manga européen était balbutiant il y a quelques années, mais actuellement il se développe énormément. Quel est votre regard sur cette évolution ?

Je suis ravie. Je pense que c'est grâce à des mangas tels que City Hall ou Dreamland, que les éditeurs m'ont donné ma chance. Ils ont fait leur preuve, le public est maintenant conquis, ils suivent sans problème. Je pense que maintenant le public est plus ouvert aux mangakas français.

Et pensez-vous qu'il y a un apport du franco-belge pour ces auteurs ?

Oui, même si on écrit sous ce format-là, on n'est pas  japonais. Même si on adore la culture, on est quand même élevés en France, en Belgique ou autre. On a une culture européenne, et forcément ça va se retrouver dans les histoires. Ne serait-ce que pour les interactions avec les personnages, je ne pense pas avoir écrit des filles qui soit vraiment japonaises. Ça joue beaucoup.

Et justement, était-ce une volonté d'avoir une héroïne, un personnage féminin ?

Oui j'aime bien écrire des personnages féminins avec un caractère fort. C'est quelque chose qu'il faut développer un peu plus.

En combien de tomes est prévue la série ?

Pour l'instant on a signé en trois tomes. Sachant que comme ce sont des successions d'aventures plus ou moins courtes, il y a la possibilité de faire plus de tomes si le public suit. Il y a cette inconnue-là. On verra si on continue au-delà de trois. De toute façon j'ai écrit une fin.

Quelles sont vos principales influences ?

Je pense en avoir pas mal. Rumiko Takahachi, l'auteur de Lamu (Urusei Yatsura) et Ranma 1/2, fait partie de mes auteurs préférés. Après j'aime beaucoup Docteur Slump d'Akira Toriyama. Et côté franco-belge ça serait plus Gotlib, Fmurr, Fred. La rubrique à brac et Le génie des alpages c'est merveilleux.

Hors bd je suis très Monthy Python, De Funès, Les Nuls. Je pense que tout ça a contribué à nourrir mon humour.

Quel est le manga qui vous a le plus marqué, et votre dernier coup de coeur manga ?

Celui qui m'a le plus marqué c'est Lamu. C'est un des premiers que j'ai vu d'abord en anime quand j'étais toute petite. Et je trouvais ça génial, une extra-terrestre qui envoie des décharges électriques sur son amoureux quand il allait voir les filles. Je trouvais ça très sympa.

Et mon dernier coup de cœur... J'aime bien Les vacances de Jésus et Bouddha, c'est tourné de manière tellement amusante que ça me plait beaucoup.

Vous travaillez sur Save me Pythie, mais avez-vous déjà d'autres projets ?

J'ai quelques idées, mais pour l'instant Save me Pythie prend tout mon temps. Mais une chose est sûre, c'est que ça sera de l'humour, c'est ce que j'aime écrire.

Ce sera du manga aussi ?

J'espère, j'aimerais beaucoup que l'éditeur continue à me suivre, je suis partie pour faire ça toute ma vie sans problème.

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