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par AlexLeCoq - le 10/07/2014
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par AlexLeCoq - le 10/07/2014

Japan Expo 2014: L'interview de Shinji Aramaki (Albator, Appleseed...)

En voyage à Paris pour la Japan Expo qui s'est déroulée la semaine dernière, nous avons eu la chance de participer à une table ronde (avec nos collègues d'Elbakin, du Journal du Japon....) avec Shinji Aramaki. Le réalisateur japonais s'est donc exprimé sur Appleseed Alpha, son prochain film d'animation présenté à la Japan Expo, mais aussi sur ses inspirations, sa carrière et les Kaijus (oui,oui) !

Shinji Aramaki est un designer et réalisateur japonais de 53 ans qui a commencé sa carrière avec Mospeada en 1983. Il aura travaillé sur de nombreux projets en tant que desinger dont Digimon Tamers, Astro Boy 2003, Fullmetal Alchemist ou plus récemment Soul Eater. En 2005, sa carrière de réalisateur explose quand il réalise le film en CGI, Appleseed. L'année dernière, Shinji Aramaki est revenu sur le devant de la scène puisqu'il est à l'origine du film Albator, Corsaire de l'Espace.

Appleseed Alpha est d'abord doublé en anglais plutôt qu'en japonais, pourquoi ce choix ?

Il existe plusieurs raisons à cette décision. Tout d'abord, l'histoire d'Appleseed se déroule en elle-même aux États-Unis et il m'a paru finalement naturel - même si le manga est japonais - que mes personnages s'expriment en anglais. Ensuite, une majeure partie de nos financements viennent des États-Unis donc il était plus facile pour moi de réaliser le film en faisant appel à des acteurs américains.

Quelles sont les œuvres qui ont nourri votre imaginaire et qui vous ont le plus marqué ?

Il y en a tellement que ça risque d'être long (rire). Je ne vais pas être original puisque les personnes de ma génération qui travaillent dans l'animation vous répondront sans doute la même chose. Je suis sûr que ce sont les même séries qui nous ont tous influencé comme Space Battleship Yamato que je regardais au collège mais aussi Gundam. Ces œuvres ont été les toutes premières qui m'ont véritablement inspiré mais c'est aussi le cas de Star Wars qui m'a révélé la puissance du cinéma et de l'image. Ce sont les trois productions qui m'ont donné envie de travailler dans l'animation et la réalisation.

Je ne sais pas si vous le saviez mais nous avons dû attendre plus d'un an pour que Star Wars soit diffusé au Japon. Je ne tenais plus en place avant de voir le film et j'ai donc décidé de dessiner ma propre interprétation de Star Wars. Quand je suis allé au cinéma, j'était véritablement fier de ce que j'avais fait et j'ai même trouvé le film décevant. Mais évidemment, lorsque l'on est jeune, on a tendance à être un peu impétueux et prétentieux mais je suis humain et je l'assume (rire).

Le premier Appleseed est sorti au cinéma il y a 10 ans maintenant (en 2004). Depuis, deux autres films sont sortis et les effets visuels ont évolué en 10. Comment percevez-vous ce progrès en tant que réalisateur ?

Je suis tout à fait conscient que l'évolution constante des techniques d'animation doit beaucoup au progrès technique en général. Seulement, je ne pense pas qu'il y ait eu un changement radical. Nous pouvions déjà tout faire avant, mais si l'on doit reconnaître une véritable évolution, c'est en terme de coûts. Il y a maintenant une certaine facilité à réaliser ses films, ce qui n'existait pas avant. Et par exemple - je ne suis pas spécialiste de la technique, de la mécanique ou de l'informatique - mais pour ce qui est des disques durs, nous avons maintenant 10 fois plus de capacité pour un prix moindre et c'est véritablement un changement assez révélateur. 

Je tiens d'ailleurs à préciser que les ordinateurs ne sont pas les seuls à progresser puisque l'humain évolue aussi et je prends toujours plaisir à constater les progrès de mon équipe après chaque réalisation. Si nous avons un débutant parmi nous sur un projet, il travaillera deux fois plus vite tout en étant deux fois plus efficace sur le film d'après. Il aura donc évolué quatre fois en peu de temps. J'ai donc tendance à penser que les humains évoluent beaucoup plus vite que les machines. C'est d'ailleurs avec beaucoup de reconnaissance et de bienveillance que je regarde mes équipes évoluer et progresser.

Les américains se sont appropriés le cinéma de Kaiju, notamment avec Pacific Rim. Que pensez-vous de cette tendance ?

Mon avis sur Pacific Rim, c'est que Hollywood s'est effectivement accaparé les robots géants qui passent à la TV depuis de nombreuses décennies au Japon et c'est vrai qu'en tant que japonais, j'ai une petite amertume et quelque chose ne passe pas. Mais d'un autre côté, nous trouvons ça très bien fait et nous sommes heureux de voir des travaux bien réalisés. La conséquence, c'est que nous sommes forcés de redoubler d'efforts sur ce type de films car nous nous sentons quelque peu menacé par les américains. Ce n'est pas évident. Une chose est sûre, nous sommes les premiers à avoir sautés de joie à l'annonce du deuxième film. Mais nous devrons travailler plus dur ! 

Pour vous, est-ce que le rendu CGI des films d'animation doit-être de plus en plus réaliste ?

Je n'aime pas vraiment l'idée que la 3D doive se lancer dans la course au réalisme. Ce n'est pas un objectif ultime puisque la technique ne doit pas être utilisée dans ce sens là. Ce n'est pas son principal usage. Nous pouvons tout de même faire ressortir un contraste entre l'envie d'un rendu plus réaliste et l'envie d'un rendu plus dessin animé, qui est évidemment lié à la sensibilité des graphistes et dessinateurs. Il existe maintenant une plus grande palette de choix et tout un univers de possibilités s'offre à nous. C'est une perspective tout à fait passionnante puisqu'elle rend notre travail très riche. Mais nous sommes aussi confrontés aux limites de notre propre imagination et nous ne pouvons plus dire que les effets visuels n'ont pas pu projeter notre sensibilité. Pourtant, ce n'est pas si simple que cela. Nous ne cherchons pas le réalisme à tout prix. Personnellement, je suis très heureux de pouvoir utiliser autant d'outils et je suis moi-même confronté à mes propres limites. Mais j'espère continuer dans cette voie jusqu'à ce que j'arrive à une véritable impasse et que je n'ai plus d'idées. Si ce jour arrive !

Existe t-il une œuvre que vous aimeriez adapter ? Laquelle ?

Quelque soit les films que je regarde, j'ai toujours un certain regard de réalisateur qui me permet d'analyser ce que j'aurais fait différemment mais en général, je ne me dis pas que j'aurais pu faire le travail d'un autre. Pour ce qui est des robots, je pense qu'il y a de l'avenir dans le sujet et qu'il y aura toujours de la matière pour travailler. Mais si un jour, je me dis qu'une œuvre de science-fiction n'a plus rien à se reprocher ou à raconter, je prendrais ma retraite !

Vous travaillez beaucoup avec le compositeur Tetsuya Takahashi, notamment sur Appleseed et Albator, quelles relations entretenez-vous avec lui ?

Comme vous le savez, Tetsuya Takahashi s'est occupé de la bande originale de tous mes films depuis le premier Appleseed. Nous nous connaissons très bien et il habite d'ailleurs à quelques minutes de chez moi en voiture. Il nous arrive d'ailleurs quelques fois de se rendre chez l'un ou l'autre pour des réunions de travail. Il nous arrive aussi de discuter par Skype. C'est quelqu'un dont j'apprécie la présence puisque c'est une personne franche qui dit quand quelque chose ne va pas. J'ai donc beaucoup d'estime pour lui et il est très important dans mes projets.

Pour ce qui est de la musique, je considère qu'elle représente une bonne moitié du travail de réalisation. Bien entendu, nous pouvons nous en passer mais quand il n'y a pas de musique dans un film d'animation, c'est dans un but précis. De la même façon qu'il y a une intention dans chaques morceaux de musique. Je dois avouer que je ne maîtrise pas la musique mais j'aime redécouvrir mes films lorsque la bande originale est rajoutée au montage. C'est souvent surprenant et inattendu. Mais Tetsuya Takahashi n'est pas le seul artiste avec lequel je travaille, c'est pour cette raison que j'écoute régulièrement de la musique pour essayer de la comprendre. Je dois cependant dire que j'écoute des morceaux de Tetsuya Takahashi presque tous les jours.

Il m'arrive aussi d'utiliser des extraits de mes propres films pour les monter avec des morceaux qui font partis d'autres bandes originales.

Sur quel projet favoriseriez-vous l'animation traditionnelle ou même un mélange CGI et traditionnel (à la manière de l'anime Knights of Sidonia) ?

C'est une question compliquée puisque mon équipe a aussi une influence décisive sur la réalisation d'un film et, en fonction de leur compétence et de leur sensibilité, le résultat final peut être totalement différent de mon idée de base. Pour ce qui est des "grands" films d'animation, il faut avouer que ce sont toujours les grands noms de l'animation qui les réalisent ensemble. Il faut aussi savoir livrer une certaine prestation pour espérer travailler avec ce genre de personnes et cela rajoute tout de suite des contraintes.

C'est vrai que les choses sont tout de suite plus difficiles si on veut réaliser des films d'animation de haute volée. Il faut donc plus de moyens mais nous sommes aussi conscients que pour arriver à un résultat unique, il faut souvent faire appel à la personne capable de produire le rendu recherché. Mais aujourd'hui, la 3D permet de faire des films d'animation beaucoup plus simplement même s'il ne faut pas non plus tomber dans certaines facilités. Nous sommes dans une situation dans laquelle les compétences, le marché et la réalisation sont séparés et nous avons beaucoup plus de difficulté à faire ce que nous voulons.

 

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