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par Elsa - le 25/09/2014
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par Elsa - le 25/09/2014

Junko Mizuno (Ravina the witch ?), l'interview

Junko Mizuno est une artiste aussi atypique que talentueuse. Au fil des oeuvres, elle a développé un univers riche, adorable au premier regard, beaucoup plus dérangeant au second, mais surtout absolument fascinant. Pop culture et tradition s'entremêlent habilement, dans des titres plein d'humour, d'énergie, et teintés d'érotisme où SF et fantastique ne prennent jamais le dessus sur des personnages forts, très souvent féminins.

Elle revient cette fois-ci avec le conte Ravina the Witch ? publié sous le label Venusdea. Entre le livre illustré et la bande dessinée, Ravina est un récit décalé aussi drôle que poétique (mais réservé à un public averti), où une sorcière malgré elle découvre le monde qui l'entoure. Les planches sont toutes plus belles et étranges les unes que les autres. Ce livre, c'est comme si on avait mixé un conte ancien et les aventures d'une magical girl. Cocktail improbable et pourtant savoureux.

On notera aussi le très beau travail éditorial sur l'objet, avec des inclusions de doré sur la couverture, et une impression de qualité qui fait honneur aux dessins pleins de finesse de l'auteure.

Junko Mizuno nous en dit un peu plus sur son travail et ses inspirations.

Comment résumeriez-vous Ravina the witch ?

C'est l'aventure d'une fille élevée par des corbeaux dans une décharge, et qui reçoit une baguette magique de la part d'une sorcière.

Comment est née l'idée derrière cette histoire, et comment avez-vous travaillé sur ce livre ?

En 2008, Barbara Canepa m'a proposé de faire quelque chose pour son nouveau label Venusdea, avec un thème en rapport avec l'Europe. J'ai tout de suite pensé à faire un livre illustré sur la chasse aux sorcières en Europe, puisque je lisais des choses sur le sujet à ce moment-là. Je voulais mixer ça avec des éléments tirés de l'univers des majokko (magical girls), parce que c'est ce que j'aimais particulièrement étant enfant.

En 2009, j'ai déménagé aux Etats-Unis, et cela m'a rendu assez lente  dans mon travail. Je n'ai donc fini le livre que vers la fin 2010. Ensuite il y a eu des soucis du côté de l'éditeur, et la date a été reportée.

Je suis tellement heureuse que le livre ait finalement été imprimé !

Les contes de fée sont un thème récurrent dans votre travail. Ont-ils une importance particulière pour vous ?

Tout mon travail ne porte pas sur les contes. J'ai publié huit livres au Japon, seuls trois d'entre eux sont basés sur des contes de fées. L'idée de ma triologie sur les contes de fées (Cinderella, Hansel & Gretel et La petite Sirène) a été suggéré par les éditeurs, et non par moi.

Evidemment, j'ai lu beaucoup de contes célèbres dans mon enfance, mais ils ne sont qu'un élément parmi beaucoup beaucoup de choses m'ayant influencée. Pas l'élément le plus important.

Vos histoires sont assez sombres. Cela peut choquer, mais les versions originales des contes étaient dures et violentes. Avez-vous utilisé les versions originales, ou celles plus simplifiées pour travailler sur vos adaptations ?

Quand j'ai réalisé la trilogie sur les contes, j'ai essayé de ne lire que les versions les plus simplifiées pour qu'il me soit plus facile d'y ajouter mes éléments. Les versions originales étaient populaires à ce moment-là, et c'est ce que les éditeurs voulaient que je fasse, mais je me sentais mal-à-l'aise à faire ce qu'ils attendaient. C'est pourquoi les deux premiers (Cinderella et Hansel & Gretel) sont drôles et joyeux.

Dans les contes de fée, la sorcière est généralement l'antagoniste de l'histoire. Qu'est ce qui vous a donné envie d'en faire l'héroïne de Ravina ?

Les sorcières sont les héroïness de nombreuses histoires modernes, comme dans Ma sorcière bien aimée, et tous les mangas et animes avec des magical girls au Japon. J'ai grandi en appréciant ces histoire, alors à mes yeux les sorcières sont plus des héros cool que des méchants.

De plus, quand on se renseigne un peu sur la chasse aux sorcières, on se rend compte que certaines personnes étaient accusées de sorcellerie parce qu'elles étaient différentes, mais pas mauvaises. Cela m'a donné envie d'écrire Ravina.

Y'a-t'il une magical girl qui vous a particulièrement marquée, et qui aurait influencée le personnage de Ravina ?

Je ne crois pas qu'une magical girl ait eu une influence particulière. Enfant, j'aimais les animes de magical girls populaires comme Sally la petite sorcière, Little Meg the witch girl, Flower Child Lunlun, etc.

Quand j'avais 8 ou 9 ans, je me suis intéressée à des bd de sciences fictions à propos de filles qui avaient des pouvoirs psychiques comme Blue Sonnet, avec plus d'action et de violence.

J'aimais Sailor Moon qui était comme un mix des deux, une histoire mignonne de magical girls, avec beaucoup d’action.

En plus des choses que vous aviez pu lire à propos de la chasse aux Sorcières, quelles recherches avez-vous effectuées avant d'écrire Ravina ?

J'ai surtout effectué des recherches pour la partie visuelle du livre. Je me souviens avoir pris un nombre fou de photos d'architectures anciennes quand j'étais en France, en Italie et en Espagne. Le thème du projet était l'Europe mais je n'ai pas placé l'histoire dans un pays précis. j'ai donc pu m'amuser à utiliser des photos de différents pays européens comme références.

Je me suis aussi amusée à rechercher des images d'anciennes baguettes magiques fabriquées comme merchandising des animes de magical girls. Ça m'a aidée à inventer le design de la baguette magique de Ravina.

Définissez-vous vos personnages en amont, ou étoffez-vous leur personnalité pendant que vous écrivez le scénario ?

Ça dépend. Parfois j'ai des scènes en tête, et je crée des histoires pour les connecter. Parfois je crée les histoires à partir d'un personnage, de quelques mots ou même de quelques objets. Il y a différentes manières pour que les idées me viennent à l'esprit, et en général je ne me souviens pas de la façon dont j'ai construit une histoire une fois que c'est fait.

Quels outils avez-vous utilisé pour Ravina ?

Sur ce livre, tout est fait à la main. De la peinture acrylique sur des planches, cela m'a demandé beaucoup de temps et d’effort.

Comment avez-vous défini les couleurs pour Ravina ?

C'est ma palette de couleur habituelle, mais comme l'histoire se déroule en Europe, j'ai fait mes couleurs plus sombres que sur mes autres travaux.

Votre travail mêle souvent tradition et modernité, graphiquement et dans les thématiques abordées. Est-ce quelque chose de spontané, ou de voulu ?

C'est totalement spontané. Je m'intéresse à beaucoup de choses, qui peuvent être aussi bien traditionnelles que modernes. J'aime continuer à apprendre et à absorber tout ce qui est susceptible de m'intéresser.

Quand je travaille, je ne réfléchis pas trop, je laisse juste sortir les idées et les images qui me viennent à l'esprit.

Y'a-t'il un plaisir particulier à mêler des éléments mignons et d'autres plus dérangeants ?

C'est aussi quelque chose que je fais sans réfléchir. Je n'ai jamais 'essayé' de mélanger des choses mignonnes et des choses dérangeantes. J'ai été particulièrement influencée par les personnages mignons de la bande dessinée japonaise des années 70-80 dans mon enfance, mais j'aime aussi les bande dessinées d'horreur et de SF.

Et ce ne sont pas les seules choses qui m'influencent. Si vous regardez bien, je pense que vous pouvez voir beaucoup d'autres choses encore dans mon travail.

Y'a-t'il d'autres périodes, ou des évènements historiques, qui vous donne envie d'y placer des histoires ?

Pas pour le moment. Mes histoires sont généralement du fantastique, donc je n'ai pas envie de les baser sur un évènement précis, ou une certaine période. Je pense que ça sera plus intéressant de faire une histoire basée sur ma propre vie quand je serai plus âgée.

Quels artistes vous ont particulièrement influencés, que ce soit pour l'écriture ou pour le dessin ?

Osamu Tezuka, Aubrey Beardsley, Niki de Saint Phalle, pour en nommer quelques uns. Du côté des artistes récents, j'aime vraiment le travail de Shary Boyle.

Les films d'Alejandro Jodorowsky m'inspirent aussi énormément.

Quels sont vos prochains projets ?

Je me rends en Grande Bretagne pour un festival bd, et je viendrais sans doute à Paris fin octobre pour des dédicaces. Mon nouveau set d'illustrations vient juste de sortir. Le second volume de Pilou l'apprenti gigolo sortira bientôt en France chez Imho.

Et toutes mes prochaines infos seront visibles sur mon site.

 

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