Illustration de l'article
Incontournables
Archive 9ᵉArt
par Arno Kikoo - le 8/09/2018
Partager :
par Arno Kikoo - le 8/09/2018

Rencontre : Tetsuya Tsutsui (Prophecy, Poison City) nous présente Noise, son nouveau manga

Le mangaka Tetsuya Tsutsui est l'un des premiers à avoir été publié en France chez l'éditeur Ki-oon, avec qui il créée tous ses nouveaux mangas. Alors qu'en 2015 sortait Poison City, un titre engagé contre la censure dans les arts, Tsutsui revient cette semaine avec le premier tome de Noise, un thriller rural dans lequel le mangaka s'exerce, comme dans toute son oeuvre, à dépeindre une nature humaine qui n'aura jamais été aussi malléable. Rencontre avec un auteur fasciné par l'Homme, et qui souhaite en discuter avec son lectorat. 

Cadre et thématiques

Confortablement installé dans les locaux de Ki-oon, l'auteur nous explique avoir profité d'une récente année sabbatique, après la sortie de Poison City, pour préparer Noise, son nouveau manga. "Pendant mes vacances prolongées, j'ai profité de visiter divers endroits du Japon pour dessiner, faire quelques sketches à titre personnel. C'est ce qui m'a en partie inspiré pour le cadre rural de Noise, mais le principal vient de mon lieu de naissance. Je viens de la préfecture de Aichi, et l'action se passe dans un paysage proche de celui dans lequel j'ai grandi. Je pense que jusqu'à présent j'ai dessiné uniquement des milieux urbains, et c'est un cadre qui m'a fatigué, dont j'avais envie de changer."

Il n'y a pas que le cadre qui change dans Noise, les thématiques aussi. Alors que Prophecy s'intéressait aux nouvelles technologies et les dérives en découlant ou que Poison City parlait de censure, Noise s'intéresse en trame de fond au noyau familial, à la sécurité - ou l'insécurité, et à la cohésion de groupe dans les milieux ruraux dépeuplés. Il explique qu'il est "généralement inspiré par des faits divers qui se sont passés dans notre monde pour [ses] histoires".

"Dans le cas de Noise, c'est une tentative de meurtre d'une jeune fille, une idol, qui a eu lieu il y a un moment. Un de ses fans l'a attaquée et a failli la tuer. Il n'a pas réussi, et il sortira donc de prison dans quelques années. Je me suis posé la question : s'il vient habiter près de chez moi, que ferais-je ? C'est cette crainte qui a inspiré les prémices de Noise."

La peur de l'autre, ou plutôt de ce que l'être humain est capable de faire. L'humain est au coeur des récits de Tsutsui, et c'est là qu'il explique ce qu'il trouve fascinant dans la nature humaine, et son envie de ne pas tracer de ligne directe entre "les gentils" et "les méchants". "J'ai toujours envie de poser la question à mes lecteurs : que feriez-vous si c'était vous ? À part l'ex-taulard, il n'y a pas de personne vraiment mauvaise. Ce sont des gens ordinaires qui se retrouvent dans une situation terrible. C'est l'idée : mettre en scène des gens normaux qui commettent un acte irréversible, ce qui me permet d'interroger mes lecteurs." Chose amusante par ailleurs, l'intrigue de Noise rappelle par moments le film Prisonners de Dennis Villeneuve, mais Tetsuya Tsutsui, curieux, nous avoue ne pas l'avoir vu. On retrouve également au début du manga un léger commentaire sur les influenceurs, mais l'auteur affirme ne pas vouloir en faire une thématique au-delà de cette légère mention.

Création et marché français

Parler de Noise nous amène également à aborder la question de la création des mangas de Tetsuya Tsutsui, qui se fait en collaboration avec Ki-oon depuis de nombreuses années. L'auteur explique en préambule que l'affaire de censure qui a motivé l'histoire de Poison City n'a eu, en revanche, aucune incidence sur sa façon de créer ses mangas, qu'il s'agisse de son travail avec l'éditeur français ou Shūeisha, son éditeur au Japon. "Ki-oon respecte ma façon de travailler et me laisse toute liberté pour mes histoires ; du côté japonais, mon éditeur me laisse aussi libre, je n'ai jamais reçu de directive. Ce que j'attends d'eux en particulier, c'est de m'aider à trouver des assistants pour mes bouquins." 

Puisqu'il déjà venu plusieurs fois en France, on lui demande s'il n'envisage pas de situer l'intrigue d'un futur manga dans notre beau pays, à la façon d'un Naoki Urasawa : "Je me sens proche de la France grâce à mes différents séjours ; effectivement, ce pourrait être une occasion de faire une histoire qui s'y passe". En revanche, le mangaka ne perçoit pas de réelle différence entre son pays et le notre, du point de vue du marché : "Je ne perçois pas du tout mes histoires en fonction du marché français ou japonais. Je construis l'histoire en fonction de ce que je pense être le plus intéressant. La première fois que Ki-oon m'a contacté pour publier Duds Hunt, j'étais très surpris. Je ne comprenais pas du tout pourquoi ça pouvait intéresser des français."

Puisque la France est un paradis pour la bande dessinée, vient naturellement la question de savoir si certains artistes du milieu franco-belge l'ont influencé dans son approche artistique. La réponse trouve une certaine nuance, en toute honnêteté : "je ne peux pas dire que je connaisse beaucoup d'auteurs de BD, à part Moebius parce qu'il est très célèbre. Je pense que j'ai plus été influencé par des mangakas eux-mêmes influencés par la bande dessinée, comme Katsuhiro Otomo, Naoki Urasawa, ou encore Hayao Miyazaki. C'est une influence indirecte".

En conclusion, la perspective de travailler conjointement avec un scénariste français ne le laisse pas indifférent : "je n'ai aucune expérience de création d'oeuvre en collaboration avec un scénariste, mais si on me proposait un scénario qui me plaît vraiment, je ne serai pas contre cette idée." Des perspectives à creuser dans un futur plus ou moins lointain.

En attendant, le premier tome de Noise est disponible depuis quelques jours, et on vous encourage à découvrir ce thriller très bien calibré chez Ki-oon, que vous pouvez commander à ce lien.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail