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par Alfro - le 28/03/2014
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par Alfro - le 28/03/2014

Le Chef de Nobunaga - Tome 1 & 2, la critique

Le pari du Chef de Nobunaga n'est pas simple, surtout en France. Faire découvrir l'époque Sengoku à travers la cuisine de cette ère, c'est a priori un exercice assez ambitieux. Surtout que même en s'intéressant rapidement au Pays du Soleil Levant, ce qui précède l'ère d'Edo n'a pas souvent été traité. En plus de cela, on attend quand même une bonne histoire. Est-ce trop en demander ?

"Voici donc... le Kyôtô de la période Sengoku."

L'intrigue n'attend pas pour se mettre en route. À vrai dire, on nous épargne la mise en place d'une situation initiale avec un début in medias res des plus rapides. Le héros débarque de notre présent dans cette époque et déjà il est surpassé par le décalage. Mais pas trop. En fait, le scénariste Mitsuru Nishimura est allé vers la facilité en ce qui concerne son personnage principal. Il est amnésique, ne se souvenant que de ses cours d'histoire et de sa capacité supérieure à cuisiner. Soit exactement ce qu'il faut pour qu'il puisse avancer dans cette époque. Car l'approche par la cuisine, aussi surprenante qu'elle puisse être, apporte un point de vue intéressant et original sur cette période de l'Histoire nippone.

Cette ère fut surnommée "époque des provinces en guerre" pour une bonne raisons, les Daimyôs passaient leur temps à tenter de s'envahir les uns les autres et les assassinats étaient monnaie courante. Si bien que Ken, le héros, débarque au milieu de la violence et d'un décalage certain par rapport à son monde. Mais il ne s'en rappelle plus, si bien qu'il ne ressent pas plus que ça les horreurs de cette époque, à peine est-il affecté par la cruauté que contient ces guerres. Un épisode en particulier démontre que l'absence de souvenirs de Ken affecte sa faculté à ressentir à fond ce qui lui arrive. Il traverse les épreuves avec pour seul mot d'ordre la survie. Heureusement, sa relation avec Natsu ainsi qu'avec son étrange seigneur semble le tirer de sa torpeur et il prend enfin de la consistance dans la seconde moitié du deuxième tome.

"Comment s'appelle ton plat ?"

D'ailleurs, c'est le personnage de Nobunaga qui fascine dans ce manga. Déjà parce que Ken passe son temps à l'observer, mais aussi parce qu'il est tortueux, jamais facile à cerner et possède cette aura des hommes qui changent l'Histoire. À la manière de Cesare Borgia, dans le manga éponyme, ce personnage présente énormément de facettes différentes, si bien qu'il est difficile à saisir et du coup, passionnant. Surtout qu'il interroge les convenances de son époque, comme la croyance en des dieux qui ne représentent rien pour lui, ou la politique qui lui paraît désuète. Il veut aller voir au-delà des conventions. C'est lui le véritable moteur de l'intrigue et il nous sert de guide pour découvrir une époque plus que mouvementée et qui est un véritable tournant pour le Japon puisque c'est à ce moment qu'il va véritablement s'ouvrir au reste du monde, à travers les missionaires portugais (qui sont d'ailleurs à l'origine d'une scène passionnante dans le manga) et la dynastie Ming qui fait de la Chine l'une des plus grande puissance au monde.

Mais si l'Histoire est l'une des mamelles de ce seinen, la cuisine en est incontestablement l'autre. Comment celle-ci pourrait prendre tout son intérêt en manga alors que l'on a qu'une représentation dessinée des plats ? Déjà parce que le nombre d'anecdotes et de concepts qui entoure chacun des plats (qui s'enchaînent de manière un peu répétitive au début d'ailleurs) est colossal et se révèle passionnant dans l'éclairage qu'elle donne sur la culture, de l'époque mais aussi actuelle. De plus, elle gagne sa force évocatrice dans le dessin ultra-précis de Takuro Kajikawa, qui dépeint cette époque avec force détails mais sans sacrifier l'action pour autant. Et c'est lui qui arrive à donner aux plats cuisinés toutes leur consistance et fait naître les saveurs sur notre langue. Si bien que l'on vous déconseille de lire ce manga le ventre vide.

Si Le Chef de Nobunaga semble en premier lieu être un manga axé sur la cuisine, il se révèle très rapidement que celui-ci est juste un prétexte pour explorer une époque pas forcément bien connue. Notons la bonne idée de Komikku d'avoir sorti les deux premiers tomes simultanément puisque l'intrigue prend vraiment son envol dans le deuxième volume. Véritable best-seller au Japon, il pourrait être par chez nous une bonne surprise à la manière des Gouttes de Dieux.

Crédits images : © 2011 Mitsuru Nishimura / Takuro Kajikawa / Houbunsha

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