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par Elsa - le 29/03/2014
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par Elsa - le 29/03/2014

Malpasset (causes et effets d'une catastrophe), la critique

La bd-reportage se développe de plus en plus, et peut prendre des formes aussi diverses qu'il y a de sujets à traiter. Avec Malpasset (causes et effets d'une catastrophe), Corbeyran et Horne proposent un recueil de témoignages sur cette catastrophe qui marqua durablement la ville de Fréjus.

Un mercredi soir presque comme les autres

2 décembre 1959, c'était un mercredi. La journée a été calme, mais les précipitations des jours précédents ont rempli le réservoir du barrage de Malpasset. Cette construction qui n'a que cinq ans n'était pas vue d'un très bon œil par la plupart des habitants, mais personne n'aurait pu imaginer ce qui allait se passer ce soir là. Vers 21h, le barrage s'est rompu, et une immense vague s'est formée, s'abattant une vingtaine de minutes plus tard sur la ville de Fréjus. Plus de 400 morts, 7000 sinistrés, autant de destins bouleversés en quelques minutes, de maisons rasées, de champs disparus.

Plus de cinquante ans plus tard, les survivants se racontent, et nous font vivre la catastrophe de l'intérieur.

Un drame de l'intérieur

Voulant réaliser une bande dessinée sur le thème des grandes catastrophes, à la demande de son éditeur, Corbeyran décide de s'intéresser à Malpasset. Mais au fur et à mesure qu'il recueille  les témoignages de ceux qui ont vécu les évènements, il n'arrive plus à s'imaginer en faire une histoire. À la place, Malpasset (causes et effets d'une catastrophe) est une suite de témoignages bruts, qui racontent cet instant où tout a basculé, et comment la vie a péniblement repris son cours ensuite.

Parmi la quinzaine de témoins présents dans le livre, le plus jeune était né la veille, les plus âgés avaient une trentaine d'années. Chacun avait une vie comme les autres, avant, des proches, un quotidien, des projets. En une fraction de seconde et une vague de 50 millions de mètres cubes d'eau, tout a été balayé. Un par un, ils expliquent ce qu'ils faisaient au moment du drame, comment ils l'ont vécu, puis leur vie de sinistrés.

Forcément très durs, ces bouts de vie un peu à part sont en même temps intimes et universels, nous faisant prendre conscience la fragilité de la vie, mais aussi de tous ces destins cachés entre les lignes de chaque catastrophe. Comment en un instant on peut se voir mourir, y échapper, mais également perdre tous ceux que l'on aimait. Et comment il faut ensuite continuer à avancer.

Corbeyran annule donc tout pathos en ne livrant que les mots des gens, dans une construction où les témoignages s'enchainent et se mêlent. C'est forcément un texte très dense, et qui contient des répétitions, puisque les différents protagonistes ont vécu le même drame. Sa lecture n'est donc évidente ni par son propos ni par sa forme, mais n'en reste pas moins une expérience instructive, et assez bouleversante.

Le dessin de Horne est sobre et réaliste, et se présente plus comme un reportage photo où s'entremêlent visages des survivants, et images évoquant leurs propos. Un arbre, une voiture sous l'eau, une maison rasée, un objet retrouvé dans les décombres. Tout en noir et blanc, chaque case se propose surtout d'être un support visuel qui donne une profondeur aux mots, plutôt que de raconter une histoire qui se suffit déjà à elle-même. Ce choix très en retrait, plein d'humilité, donne de la force au livre.

Malpasset (causes et effets d'une catastrophe) est un livre-reportage atypique et riche, fait de témoignages de personnes ayant vécu le drame de l'intérieur. Jamais les deux auteurs n'imposent leur propre regard sur les faits, se faisant, avec humilité, les passeurs d'expériences à la fois personnelles et collectives. Un livre très dense, mais important.

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